Le nombre croissant d'enfants transportés à l'hôpital pour des tentatives de suicide ou des pensées suicidaires est jugé alarmant, mais les données canadiennes sont trop incomplètes pour mesurer l'ampleur du problème, a constaté un chercheur montréalais.

Le docteur Brett Burstein un urgentologue pédiatrique, a coécrit une étude publiée cette semaine qui trace le portrait du phénomène aux États-Unis. Selon les conclusions, le nombre d'enfants hospitalisés pour avoir pensé ou avoir tenté de s'enlever la vie a doublé de 2007 à 2015, passant de 580 000 à 1,12 million.

La proportion de visites à l'urgence pour des tentatives de suicide ou des pensées suicidaires a aussi augmenté pendant cette période, oscillant de 2,17 % à 3,5 %.

Les chiffres proviennent de données publiques fournies par les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies des États-Unis et ont été analysés par le docteur Burstein et deux autres de ses collègues de l'Hôpital de Montréal pour enfants, Holly Agostino et Brian Greenfield.

De telles données ne sont pas disponibles au Canada, mais une tendance similaire s'y dessinerait, selon le docteur Burstein.

Seulement à l'Hôpital de Montréal pour enfants, les visites à l'urgence pour des tentatives de suicide ou des pensées suicidaires ont augmenté de 55 % depuis 2015 - elles représentent environ 2 % de toutes les visites.

« Malheureusement, c'est clair qu'on a la même expérience, ici, à l'urgence », a déploré le docteur Burstein, qui est également chercheur associé au Programme en santé de l'enfant et en développement humain du Centre universitaire de santé McGill.

Selon lui, il est raisonnable de parler d'une « crise de santé mentale pédiatrique ».

De plus en plus jeunes

Le docteur Burstein croit que l'une des conclusions les plus dérangeantes de l'étude américaine est que 43 % des enfants transportés aux urgences étaient âgés de moins de 12 ans.

« C'étaient des suicidaires parmi des enfants entre l'âge de 5 et 11 ans. C'est certain que c'est quelque chose de nouveau », a-t-il soutenu.

Ces chiffres sont particulièrement inquiétants puisqu'une première tentative de suicide est le « plus puissant indicateur d'un risque à vie de suicide », a-t-il souligné.

Selon lui, l'étude publiée dans JAMA Pediatrics démontre la nécessité de mieux former le personnel travaillant dans les urgences pour s'assurer que les enfants soient pris en charge rapidement - c'est l'occasion d'identifier les personnes à risque, a-t-il indiqué.

Le docteur Burstein voudrait également que le Canada collecte des données pour mieux faire face au problème.

Un problème « endémique »

Fardous Hosseiny, directeur national de la recherche et des politiques publiques à l'Association canadienne pour la santé mentale, pense lui aussi que le Canada est en manque de données.

Cela permettrait aux autorités de diriger le financement au bon endroit pour affronter le problème « épidémique » des pensées suicidaires chez les jeunes Canadiens, selon lui.

« C'est vraiment une période de transition pour les enfants, tant sur le plan neurobiologique que social, a-t-il indiqué. Ils doivent naviguer dans différents contextes sociaux et groupes de pairs tout en découvrant qui ils sont et en conciliant de plus grandes responsabilités et une plus grande autonomie. »

D'après lui, pour répondre au problème, les gouvernements devront investir davantage en santé mentale pour éviter que les gens attendent des mois avant d'être traités.