Le nombre de Québécois qui ont recours à l'aide médicale à mourir est en croissance constante depuis 2015, mais l'accès à ce service peut varier d'une région à l'autre, révèle un rapport déposé mercredi à l'Assemblée nationale.

Selon le rapport élaboré par la Commission sur les soins de fin de vie, et qui offre un portrait global de la situation trois ans après l'entrée en vigueur de la loi, 1632 personnes ont reçu l'aide médicale à mourir entre décembre 2015 et mars 2018.

Cette « forte croissance » est beaucoup plus importante que ce que les élus, au moment de rédiger la loi, avaient imaginé, selon le président de la commission, Michel A. Bureau.

Presque la totalité des malades ayant reçu l'aide médicale à mourir avaient six mois ou moins à vivre, 87 % d'entre eux étaient âgés d'au moins 60 ans et 78 % étaient atteints d'un cancer.

La plupart ont reçu l'aide médicale à mourir à l'hôpital (67 %), mais d'autres l'ont reçu à la maison (20 %), dans un CHSLD (10 %) ou dans une maison de soins palliatifs (1 %).

Le tiers des demandes d'aide médicale à mourir, soit 830 demandes sur 2462, n'ont pas été acceptées. Dans 23 % des cas, la personne ne répondait pas aux conditions d'admissibilité au moment de la demande.

Rappelons que pour recevoir l'aide médicale à mourir, il faut être en fin de vie, souffrir d'une maladie grave et incurable, éprouver des souffrances physiques et psychiques constantes, insupportables et inapaisables, connaître un déclin avancé et irréversible de ses capacités, et être apte à consentir aux soins.

Quatre cents personnes n'ont pas reçu l'aide médicale à mourir bien qu'elles répondaient aux conditions d'admissibilité. Environ 30 % sont décédées, 20 % ont changé d'avis et 19 % ont perdu leur aptitude à consentir aux soins. « Cela nous étonne », a déclaré M. Bureau en conférence de presse.

Son rapport soulève que l'accès à l'aide médicale à mourir demeure inégal pour les clientèles des diverses régions. Par exemple, 87 aides médicales à mourir au total ont été administrées au CUSM et au CHUM de Montréal, soit près de deux fois moins qu'au CHU de Québec-Université Laval.

L'adhésion des médecins au programme reste également insuffisante, estime la commission. Environ 350 médecins, dont la vaste majorité sont des médecins de famille, ont accepté d'administrer l'aide médicale à mourir. À l'avenir, leur formation pourrait inclure tout un volet sur ce sujet.

« Il est rapporté que des personnes sont dissuadées de faire une demande d'aide médicale à mourir, que leur demande n'est pas entendue ou encore qu'elle est rejetée sans avoir été évaluée adéquatement », peut-on lire dans le rapport.

La commission recommande que les hôpitaux prennent les mesures nécessaires pour que chaque demande soit évaluée avec « diligence » et qu'un patient admissible à l'aide médicale à mourir « puisse recevoir le soin en temps opportun », comme le prescrit la loi.

Par ailleurs, le nombre de sédations palliatives continues (SPC) est également en croissance depuis l'entrée en vigueur de la loi. Plus de 1700 personnes ont donc reçu un médicament pour soulager leur douleur et les rendre inconscientes, de façon continue, jusqu'à leur décès.

Environ 30 000 personnes ont également inscrit leurs directives médicales anticipées (DMA) au registre national, ce qui équivaut à 0,5 % des adultes québécois.

Un autre débat s'ouvre

Mercredi, la ministre de la Santé, Danielle McCann, a lancé le débat sur un possible élargissement de l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d'Alzheimer et d'autres maladies apparentées.

Elle a annoncé que le groupe d'experts qui se penche actuellement sur la question déposera son rapport au gouvernement à la fin mai. Ce rapport sera suivi d'une ronde de consultations publiques, a indiqué la ministre, sans préciser d'échéance.

En campagne électorale, la Coalition avenir Québec (CAQ) s'était engagée à mener des consultations publiques afin de possiblement élargir l'aide médicale à mourir. « Les Québécois sont prêts à poursuivre les discussions », a déclaré Mme McCann.

« Nous avons le devoir d'être proactifs et d'aller au-devant des enjeux qui se présentent. »

Acceptant la main tendue de la ministre, la députée péquiste Véronique Hivon a toutefois prévenu que la question pourrait s'avérer des plus complexes.

Une personne atteinte d'Alzheimer est-elle en souffrance constante ? Doit-on revoir les critères d'admissibilité ? Les médecins seront-ils d'accord ?

« Là le rôle du médecin, il est encore plus important de conséquence, a illustré Mme Hivon en point de presse. Vous administreriez l'aide médicale à mourir à quelqu'un qui n'est pas en mesure, le jour où vous venez l'administrer, de vous le demander et de vous dire qu'elle le veut, et qui pourrait, si on enlève le critère de la souffrance, être dans un état de calme relatif et de sérénité relative. »