Une centaine de médicaments actuellement disponibles sur le marché européen sont « plus dangereux qu'utiles », affirme le magazine français Prescrire dans une édition récente, mais un expert croit qu'il faut prendre ce palmarès avec un grain de sel.

Environ 60 % des médicaments énumérés par Prescrire dans sa septième liste annuelle des « médicaments à écarter pour mieux soigner » sont disponibles au Canada.

« C'est une liste qui est assez spectaculaire, mais ça ne permet pas de faire toutes les nuances qui s'imposent », a prévenu le pharmacien Pierre-Marc Gervais, qui est chargé de cours à la Faculté de pharmacie de l'Université de Montréal.

Plusieurs des médicaments qui se retrouvent sur cette liste y sont depuis des années, mais on continue quand même à les utiliser de façon assez courante au Canada - d'autant plus qu'il s'agit d'une liste dynamique à laquelle on ajoute et enlève des produits chaque année.

Il cite en exemple le citalopram et son cousin l'escitalopram, deux antidépresseurs qui sont très fréquemment utilisés pour traiter l'anxiété et la dépression, et ce de « façon très sécuritaire chez la très grande majorité des patients ».

Prescrire affirme pourtant, dans un langage difficilement accessible, que les deux molécules « exposent à un surcroît d'allongements de l'intervalle QT de l'électrocardiogramme et de torsades de pointes par rapport à d'autres antidépresseurs IRS, ainsi qu'à des surdoses aux conséquences plus graves ».

« Le risque avec le citalopram est qu'il peut causer des problèmes cardiaques, sauf que c'est un effet secondaire qui est vu surtout à des doses plus élevées et surtout chez les personnes âgées, a expliqué M. Gervais. Il y a déjà eu un avis de Santé Canada pour limiter la dose de ces produits-là chez les gens plus âgés, donc ce n'est pas nouveau ou surprenant, c'est déjà une pratique appliquée. »

Le grand avantage du citalopram, poursuit-il, est qu'il interagit moins souvent avec d'autres médicaments, ce qui en fait une option à laquelle on peut recourir chez les patients qui prennent plusieurs autres médicaments, « donc je verrais difficilement comment on pourrait s'en passer, même s'il en existe d'autres de la même famille ».

En revanche, un médicament comme l'olmésartan, qui est utilisé en cardiologie, est peut-être moins indispensable, « puisqu'il y a plusieurs médicaments de cette famille qui ont des profils d'efficacité similaires ou supérieurs, et des profils d'innocuité qui sont aussi bons sinon mieux ».

Ce médicament, selon Prescrire, « n'est pas plus efficace que les autres sartans sur les complications cardiovasculaires de l'hypertension artérielle. Mais il expose à des entéropathies avec des diarrhées chroniques parfois sévères et des pertes de poids, et peut-être un excès de mortalité cardiovasculaire ».

« Il faut garder en tête que les médicaments ne sont pas des bonbons, et nous en tant que professionnels ce qui est important c'est l'utilisation du jugement clinique, donc toujours être en mesure de choisir le bon médicament à la bonne dose pour la bonne indication pour le bon patient et au bon moment », a expliqué M. Gervais.

Ultimement, dit-il, cette liste est peut-être plus utile pour les patients que pour les professionnels, pour que les patients puissent questionner leurs médecins, pharmaciens et infirmières sur la pertinence d'un médicament et voir si des alternatives s'offrent à eux.

« Si la personne se pose des questions, moi je trouve ça excellent d'en discuter avec son pharmacien ou son médecin pour voir si c'est toujours le bon traitement, a dit M. Gervais. Si le traitement était valide il y a cinq ans, il se peut que la condition ait changé, peut-être qu'il faudrait regarder autre chose, donc il vaut toujours la peine pour le patient de questionner les professionnels avec qui il fait affaire pour s'assurer de la pertinence du traitement. »