Une pédiatre, un actuaire, un ingénieur et un entrepreneur. Issus de domaines différents, quatre jeunes professionnels qui se sont rencontrés à HEC Montréal alors qu'ils étaient dans la même classe de MBA se sont vite trouvé un point en commun: la volonté de redonner à la société.

Ensemble, ils travaillent aujourd'hui à mettre sur pied une première clinique pédiatrique mobile à Montréal. Installée à bord d'un autobus, cette clinique offrirait des soins médicaux aux enfants de quartiers défavorisés de la métropole.

Bien que la MobiClinique ne circule pas encore dans les rues de Montréal, le projet a déjà remporté plusieurs prix, en plus d'avoir récolté de précieux appuis. «Si tout va bien, le projet devrait se concrétiser en 2020», espère la pédiatre Rislaine Benkelfat, idéatrice du projet.

Depuis quatre ans, la Dre Benkelfat travaille comme pédiatre en milieu hospitalier - d'abord au CHU Sainte-Justine puis maintenant à l'Hôpital de Montréal pour enfants. «J'y vois tellement de familles perdues dans le système de santé», raconte la jeune médecin.

La MobiClinique veut offrir des soins pédiatriques de première et de deuxième ligne. Il serait possible pour les parents, grâce à une application web, de s'y inscrire la veille. «On souhaite aller à la rencontre des enfants qui en ont le plus besoin et qui sont le moins susceptibles de venir nous voir», explique la pédiatre, elle-même mère de famille.

Un «camion de rue» de soins 

Cinq jours par semaine, le «camion de rue» de soins de santé se stationnerait à des emplacements prédéterminés et habituels, près des centres communautaires, des écoles et des services de garde.

Mais pourquoi une clinique de pédiatrie mobile, alors que Montréal compte déjà deux hôpitaux spécialisés en soins pédiatriques et un réseau de CLSC?

«Il y a encore beaucoup de barrières pour accéder aux soins : les temps d'attente, les coûts, la distance, la complexité du système, dans certains cas la langue ou encore un manque de confiance envers le système», indique la Dre Benkelfat.

Au départ, la MobiClinique ne devait être qu'un projet scolaire. Sauf que lorsque ces étudiants au MBA ont rencontré des familles défavorisées des quartiers Sud-Ouest et Côte-des-Neiges dans le cadre de leurs travaux, ils se sont dit : «On ne peut pas les laisser tomber, le projet doit voir le jour.»

Dans l'arrondissement du Sud-Ouest, où pourrait s'installer la première MobiClinique, 23% des élèves font partie d'un ménage ayant manqué d'argent de façon importante au cours des 12 derniers mois, comparativement à 16% pour ceux de l'ensemble de Montréal.

Dans le quartier Saint-Henri, un pourcentage plus élevé d'enfants souffrent d'un trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité, d'un trouble anxieux ou d'un trouble d'apprentissage que dans l'ensemble de l'île, rappelle la Dre Benkelfat.

L'entrepreneur du groupe, Nathan Dahbi, qui a travaillé en marketing et en innovation dans le domaine pharmaceutique puis dans l'édition, a été marqué par ces rencontres. «Une maman seule de quatre enfants qui avait récemment immigré à Montréal dans l'espoir d'une vie meilleure nous a raconté à quel point c'était compliqué pour elle de se rendre à l'hôpital lorsqu'un de ses enfants tombait malade, décrit M. Dahbi. Notre projet ferait une grande différence dans sa vie et dans celle de nombreuses autres familles.»

Des services mobiles de santé existent aux États-Unis - il y en aurait plus de 2000 au pays -, mais rien de tel à Montréal, selon la Dre Benkelfat.

Un projet bénévole

En juin dernier, les quatre étudiants au MBA - la Dre Benkelfat, M. Dahbi, Jean-Philippe Couture et Mustapha Makhdoom - ont remporté ex aequo les grands honneurs du Tocqueville Challenge, une compétition internationale qui se déroulait à Paris et qui visait à promouvoir l'engagement civique, la solidarité citoyenne et la responsabilité et l'innovation sociales. Et tout récemment, le projet a été retenu pour se joindre au mouvement Je fais Mtl.

Les jeunes entrepreneurs sociaux mènent ce projet bénévolement. Ils s'y consacrent les soirs, les week-ends et durant leurs vacances. Ils sont actuellement à la recherche d'un bailleur de fonds pour assurer les coûts d'exploitation de la MobiClinique pour les deux à cinq premières années d'existence en plus d'un partenariat avec un hôpital et un CIUSSS montréalais.

En plus du service de «sans rendez-vous», la MobiClinique pourrait faire le suivi de jeunes patients après un épisode de soins aigus ainsi qu'offrir des activités de prévention et de promotion de la santé.

Les jeunes entrepreneurs sociaux aimeraient aussi qu'elle serve de lieu de formation aux résidents en médecine.

«Notre projet ne rentre dans aucune case. On crée une nouvelle case. Il faut être patient», indique M. Dahbi. Des organismes communautaires sont déjà impliqués. Le chef du service de pédiatrie générale de l'Hôpital de Montréal pour enfants, le Dr Geoffrey Dougherty, a aussi donné son appui au projet.

«Nos objectifs correspondent, croit-on, à la vision du nouveau ministre délégué à la Santé, Lionel Carmant, pour améliorer l'accès aux soins pour les 0-5 ans. Si on a des enfants en meilleure santé, ils seront aussi plus performants une fois à l'école», conclut la Dre Benkelfat, qui espère que des leaders politiques donneront leur appui à ce projet innovant.