« Silence, on tourne ! » Deux hôpitaux montréalais ont engrangé des revenus de plus de 2,8 millions en trois ans d’une manière plutôt inusitée et imaginative : en louant certains locaux comme plateaux de tournage pour des films comme La Bolduc et la populaire série de télé américaine Jack Ryan.

Le Québec et des villes de la province redoublent d’efforts pour attirer ici le tournage de films et de séries. Et des hôpitaux profitent de cette manne.

À lui seul, le Centre universitaire de santé McGill (CUSM) a récolté 2,6 millions sur trois ans, et le Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) environ 250 000 $ pendant la même période, de 2016 à 2018. Les chiffres ont été demandés et obtenus pour ces trois années.

Les amateurs de télé et de cinéma québécois se rappelleront certaines de ces scènes : lorsque Mary Rose Anna Travers, connue sous le nom de la Bolduc, doit subir des traitements de radiation pour un cancer, le tout est filmé dans une salle qui a peu changé au cours des décennies : le « théâtre chirurgical » de l’Hôpital Royal Victoria, qui servait à l’époque à enseigner aux futurs médecins, comportant une mezzanine de laquelle les étudiants pouvaient observer les chirurgies. Dans la série Les Simone, lorsque Laurence se rend seule dans une clinique d’avortement, c’est en réalité un local du CHUM. Et quand Marie Lamontagne, le personnage principal de la série Unité 9 — incarné par Guylaine Tremblay — fut hospitalisée après une violente agression, c’est aussi au CHUM. Des scènes du film québécois Bon Cop Bad Cop 2 ont été tournées au Royal Victoria du CUSM.

Mais il y a aussi Plan B, Ruptures, Cheval-Serpent, Lâcher prise : la liste des productions d’ici qui ont choisi d’installer leurs projecteurs dans de réels hôpitaux est longue.

Ils ont aussi été le théâtre de tournages venus d’ailleurs, attirant ici le gratin d’Hollywood.

Le CUSM a accueilli les acteurs et les équipes du thriller politique Jack Ryan, et celles de l’émission apocalyptique The Walking Dead.

Quant au CHUM, ses corridors ont été arpentés par les comédiens de la série télévisée juridique canadienne Street Legal, et par ceux de The Bold Type, une série qui suit le quotidien de trois jeunes femmes qui travaillent pour un magazine féminin.

Si le CHUM offre des salles hyper modernes, le CUSM loue surtout son ancien hôpital Royal Victoria — désormais fermé depuis le transfert des unités de soins au site Glen en 2015. Certaines salles ont gardé leurs airs d’un autre temps et elles sont parfaites pour des productions d’époque.

D’autres hôpitaux ou centre de soins de la province ouvrent aussi leurs portes aux tournages : les maisons de productions ont du choix, à Montréal comme à l’extérieur de la métropole. Il y a entre autres le centre hospitalier Robert-Giffard et la Cité médicale, tous deux à Québec, ou la clinique dentaire Lemoyne à Saint-Lambert.

Au CHUM, l’argent ainsi obtenu s’en va dans son fonds d’opération, et au CUSM, l’argent sert à couvrir ses dépenses opérationnelles courantes, et donc à réduire le déficit et à améliorer les services et soins aux patients, dit le centre hospitalier. Les factures envoyées aux producteurs couvrent la location d’espaces, les frais de sécurité, les frais d’électricien, d’entretien ménager qui y sont associés ainsi que des frais légaux. À l’Institut de cardiologie de Montréal, les revenus des tournages sont versés dans sa fondation.

Des vedettes à l’hôpital ?

Peut-on voir ses vedettes préférées en se rendant à un rendez-vous médical ?

Très peu probable.

Au CHUM, aucun tournage cinématographique n’a lieu à l’hôpital comme tel : ceux-ci ont lieu les week-ends, au Centre d’apprentissage de l’Académie CHUM, son lieu d’enseignement situé dans le centre de recherche qui comprend des salles de formation et de simulation, a précisé une porte-parole de l’établissement, Joëlle Lachapelle.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le Centre de recherche du CHUM.

Pas question d’interférer ou de nuire aux soins aux patients, insiste le CHUM.

La situation est similaire au CUSM. Car il loue surtout les salles du Royal Victoria — désormais fermé — un édifice spectaculaire aux allures de château inauguré en 1893 sur un flanc du Mont-Royal.

Au Bureau du cinéma et de la télévision du Québec (BCTQ), on confirme que bien des producteurs d’Hollywood sont en recherche de lieux de tournage faisant penser aux hôpitaux.

Lorsque le Bureau se fait présenter un scénario qui comporte des scènes qui s’y déroulent — accouchement, accidents, rendez-vous avez un médecin, comas, cancer, scène de fin de vie — l’équipe du BCTQ propose différents lieux, des hôpitaux bien sûr, mais aussi des cliniques de dentistes et des centres de physiothérapie.

L’hôpital Royal Victoria reste un des lieux fréquemment utilisés dans les tournages, précise le Bureau. Puisque l’hôpital est fermé, il est facile d’y planifier un tournage à grands effectifs. Également, on y retrouve différents styles architecturaux ; il est aussi possible de s’en servir pour imiter certains lieux, comme des bureaux d’époque, donne-t-on en exemple.

Le Bureau déploie beaucoup d’efforts pour attirer des productions étrangères au Québec. Sa photothèque — une banque de lieux de tournages, images à l’appui — est une ressource fort utile pour les producteurs et les équipes de repérage.

Quelques tournages particulièrement rentables au CUSM

Blood and Treasure : 94 219 $

The Disappearance : 131 322 $

Jack Ryan : 311 232 $

Teen Spirit : 353 313 $

Death Wish : 519 594 $