(Montréal) Les adolescents et jeunes adultes qui vapotent sont plus susceptibles de consommer aussi de la marijuana, constate une nouvelle analyse réalisée par un chercheur maintenant au CHU Sainte-Justine.

La méta-analyse du docteur Nicholas Chadi, qui est publiée lundi par le journal médical JAMA Pediatrics et dont La Presse canadienne a pu prendre connaissance en primeur, révèle une propension de trois à quatre fois plus élevée des jeunes à consommer ou avoir consommé du cannabis parmi ceux qui se sont adonnés au vapotage.

Le risque de consommation de marijuana était plus élevé chez les adolescents âgés de 12 à 17 ans qui vapotaient que chez les jeunes adultes âgés de 18 à 24 ans.

« C’est une trouvaille importante pour nous, a dit le docteur Chadi, un pédiatre spécialisé en toxicomanie et médecine de l’adolescence. Le risque est plus élevé dans les deux sous-groupes, mais il est presque deux fois plus élevé chez les plus jeunes. »

Conduite au sein de son ancienne affiliation et non au CHU Sainte-Justine alors qu’il était le tout premier pédiatre en Amérique du Nord à compléter un fellowship en toxicomanie pédiatrique au Boston Children’s Hospital/Harvard Medical School, la méta-analyse Association Between Electronic Cigarette Use and Marijuana Use Among Adolescents and Young Adults portait sur 21 études regroupant près de 130 000 participants.

Susceptibilité du cerveau

Les résultats de cette étude correspondent aux connaissances médicales actuelles, selon lesquelles un cerveau plus jeune et moins développé est plus vulnérable à l’usage de substances et à la dépendance.

La nicotine et la marijuana affectent toutes deux les voies neuronales associées au plaisir et à la récompense. Les deux substances pourraient influencer la sensibilité à long terme du cerveau à d’autres substances psychoactives et à des comportements toxicophiles pendant la vie adulte.

« Plus on est jeune, plus notre cerveau est susceptible à devenir accro aux substances, donc le risque de consommer de la nicotine ou de faire du vapotage est encore plus grand chez les plus jeunes ados », a précisé le docteur Chadi.

Cette méta-analyse, qui serait la première publiée dans la littérature à associer cannabis et vapotage, ne permet pas de conclure que le vapotage mène directement à la marijuana — mais la situation commence à se préciser.

« On ne peut pas prouver un lien de causalité, a reconnu le chercheur. Par contre, quand on a un grand nombre d’études qui montrent une association dans une même direction, et qu’on s’aperçoit que l’association se maintient dans les études longitudinales et les études transversales, on a une bonne raison de penser que l’exposition au vapotage est une partie de la cause de l’initiation de la marijuana. »

L’association la plus robuste a été constatée chez les sujets plus jeunes qui combinaient le vapotage à la consommation de tabac ou d’alcool. Il n’est pas impossible qu’il s’agisse de jeunes plus susceptibles à la consommation de substances, mais le docteur Chadi assure que les facteurs qui iraient en ce sens — comme des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale — ont été contrôlés.

Une méta-analyse publiée en 2012 et portant sur 24 études faisait état d’un lien solide entre le tabagisme des jeunes et la consommation actuelle ou future de marijuana.

Popularité du vapotage

« Actuellement, les taux de vapotage explosent chez les jeunes, tant au Canada qu’aux États-Unis, c’est quelque chose qui se passe autour de la planète, a prévenu le docteur Chadi. La perception de risque concernant la cigarette électronique n’est pas là. »

Une étude comme celle-ci, ajoute-t-il, vient montrer que la nicotine des vapoteuses est tout aussi dangereuse, voire plus dangereuse, que la nicotine des cigarettes traditionnelles quand on parle des adolescents, et dans ce cas-ci surtout des jeunes adolescents.

« C’est très important d’un point de vue de santé publique puisque ça vient renforcer le message que les vapoteuses ne sont pas du tout un outil de promotion de la santé chez les adolescents, et au contraire ça peut augmenter les problèmes de dépendance et de toxicomanie chez ces jeunes-là », a dit le chercheur.

Le vapotage est souvent perçu, à tort, comme une activité banale et sans risque. Pourtant, d’autres études ont montré chez les adolescents que les vapoteuses augmentent le risque d’utiliser la cigarette traditionnelle, explique le docteur Chadi.

« On se rend compte maintenant que la grande majorité des jeunes qui vapotent n’auraient probablement jamais touché à la cigarette traditionnelle ou à d’autres drogues, a-t-il dit. Ces dispositifs-là sont tellement accrocheurs et bien faits pour les jeunes que les jeunes tombent dans le piège ; ils développent une dépendance et vont chercher d’autres sources de nicotine et d’autres drogues. »

La nicotine et la marijuana créent toutes deux de la dépendance, mais leur association fait qu’il devient encore plus difficile pour les jeunes de renoncer à l’une ou à l’autre.

« On entre dans une espèce de spirale où la perception de risque est très basse, ça goûte le bonbon ou les jujubes, et on s’aperçoit quelques années plus tard qu’on ne peut pas arrêter, a conclu le docteur Chadi. Une dépendance à la cigarette électronique n’est pas drôle, ça peut vraiment prendre le dessus sur leurs activités scolaires ou sur leurs passe-temps, parce qu’à chaque demi-heure ou à toutes les heures ils doivent vapoter, et ça devient très incapacitant. »