Une ex-employée de l’Université de Montréal qui souffre d’une forme rare de cancer souvent associée à l’exposition à l’amiante désespère de recevoir un coûteux traitement d’immunothérapie et appelle l’État à lui venir en aide.

« Ce n’est pas un caprice. Je me bats pour ma survie et pour celle d’autres personnes aux prises avec les mêmes difficultés. Comment le gouvernement peut-il ignorer cette situation-là ? », souligne en entrevue Sandra Ohayon.

Les déboires de cette Montréalaise de 66 ans ont commencé il y a 10 ans lorsqu’on lui a diagnostiqué un mésothéliome qui a mené à l’ablation de l’un de ses poumons.

Son médecin traitant de l’époque a conclu que la maladie avait été contractée à l’université, qui a mené de vastes chantiers de désamiantage par le passé pour réduire les risques d’exposition de son personnel.

La Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST, aujourd’hui CNESST) a cependant rejeté l’hypothèse que Mme Ohayon souffrait d’une maladie professionnelle en 2009 après que des experts eurent relevé l’absence de fibres d’amiante dans ses tissus pulmonaires.

Leur conclusion ne l’a pas empêchée de recevoir plusieurs dizaines de milliers de dollars de fonds d’indemnisation américains aménagés par des firmes ayant commercialisé des produits contenant de l’amiante au Canada.

La possibilité qu’une personne souffrant d’une maladie liée à l’amiante l’ait développée après avoir travaillé dans un endroit où les produits de l’entreprise ont déjà été utilisés suffit généralement à obtenir une compensation financière.

Malchance au CHUM

Après une longue période de rémission, Mme Ohayon a appris l’année dernière que le cancer était de retour et qu’une masse s’était formée autour de l’une de ses côtes. Une autre est ensuite apparue près du cœur.

Le spécialiste de l’Hôpital général juif assurant son suivi l’a envoyée au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), qui participe à une vaste étude clinique visant à évaluer l’impact de l’immunothérapie dans le traitement du mésothéliome pleural.

Mon médecin m’a dit que ce que j’avais n’était pas opérable. Malheureusement, je n’ai pas eu de chance au CHUM.

Sandra Ohayon

Mme Ohayon s’est retrouvée au sein du groupe témoin de la recherche sur la base d’une attribution au sort effectuée par ordinateur.

Bien qu’elle comprenne la nécessité d’une telle approche, la patiente se dit extrêmement frustrée d’avoir été ainsi privée du traitement expérimental d’immunothérapie basé sur l’utilisation du pembrolizumab, un produit de la firme pharmaceutique Merck.

Faute de pouvoir l’obtenir à ce stade aux frais du CHUM, elle espère recueillir les fonds pour se faire administrer le médicament dans une clinique privée.

Le coût du traitement requis serait cependant de plus de 100 000 $ et dépasse largement les moyens de Mme Ohayon, qui n’a pas maintenu d’assurance privée après avoir pris sa retraite de l’Université de Montréal. Elle a lancé une collecte de fonds sur le site GoFundMe, mais n’a pu recueillir que 3000 $ par ce moyen jusqu’à maintenant.

En attente de validation

Une porte-parole du CHUM, Joëlle Lachapelle, a indiqué que l’hôpital ne pouvait offrir le traitement à la patiente et le payer hors du cadre du protocole de recherche puisque l’utilité du pembrolizumab pour le traitement du mésothéliome n’a pas été validé par l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS).

L’organisation est responsable d’évaluer l’efficacité des médicaments et de recommander dans quelles circonstances ils devraient être utilisés dans les établissements publics aux frais de l’État.

Une porte-parole de Merck, Mary-Jo Barr, a précisé hier que les résultats de l’étude clinique en cours ne seraient pas connus avant 2021. Elle a indiqué que la firme présenterait rapidement une demande d’approbation à Santé Canada et à l’INESSS si le résultat était concluant.

Selon Mme Lachapelle, l’oncologue traitant Mme Ohayon pourrait présenter d’ici là une demande interne pour administrer le médicament aux frais du CHUM si l’état de santé de la patiente se détériore sensiblement. Les demandes pour « nécessité médicale particulière » de ce type ne sont pas fréquentes, mais sont souvent acceptées, relève-t-elle.

L’Université de Montréal maintient pour sa part qu’elle n’a aucune responsabilité dans les problèmes de santé de Mme Ohayon, qui ne peut espérer d’aide de ce côté.

« On se fie à la décision de la CNESST » de 2009, a déclaré une porte-parole de l’établissement, Geneviève O’Meara.