Les plus récentes données du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) révèlent que le nombre de visites dans les urgences de la province a diminué l’an dernier. Mais après avoir connu trois années de baisse, la durée moyenne de séjour a augmenté de 30 minutes en 2018-2019, pour atteindre 14 h 11 min. Tour d’horizon.

« Il faut continuer les efforts »

« La pression a été relâchée de la part des administrations hospitalières pour monter les patients aux étages […] Le manque de lits en CHSLD, qui permet de libérer les lits d’hôpitaux, perdure aussi. On n’a pas tout perdu. Mais il faut vraiment continuer les efforts », affirme le président de l’Association des médecins d’urgence du Québec (AMUQ), le Dr Bernard Mathieu. La ministre de la Santé, Danielle McCann, reconnaît que le Québec n’atteint pas son objectif de 12 heures de durée moyenne de séjour. « Mais nous croyons qu’avec les mesures que nous avons commencé à prendre, dont les 280 millions annoncés en soins à domicile […], la situation va s’améliorer », dit-elle.

Durée moyenne des séjours dans les salles d’urgence du Québec (en heures)

2014-2015 : 16,7 heures 2015-2016 : 15,7 heures 2016-2017 : 15,6 heures 2017-2018 : 13,7 heures 2018-2019 : 14,2 heures

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Le Dr Bernard Mathieu, président de l’Association des médecins d’urgence du Québec

Pire dans les grands hôpitaux

Le Dr Mathieu affirme que la situation se détériore particulièrement dans les urgences des grands hôpitaux du Québec. D’avril 2018 à avril 2019, le taux moyen d’occupation dans les hôpitaux de 30 civières et plus est passé de 121 % à 133 %, illustre-t-il. « Les grosses urgences sont vraiment sous pression », dit-il. Notons que la durée moyenne de séjour représente le temps qu’un patient sur civière passe aux urgences avant d’obtenir son congé ou d’être hospitalisé dans un département de l’hôpital. La ministre de la Santé affirme que si les hôpitaux des régions plus populeuses, comme Montréal, ont plus de difficultés, plusieurs autres établissements en région « vont bien ».

Proportion d’hôpitaux de 30 civières ou plus qui présentaient un taux d’occupation de moins de 100 % aux urgences

Avril 2018 : 21 % Avril 2019 : 4 %

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Danielle McCann, ministre de la Santé

Moins de patients ambulatoires

À travers le Québec, il y a eu 3 710 481 visites aux urgences en 2018-2019. C’est 65 532 visites de moins que l’an dernier. La baisse est surtout attribuable aux patients ambulatoires (baisse de 64 562 visites). « Une hypothèse est qu’un changement de culture s’installe et que les efforts déployés par la première ligne portent fruit, car la diminution touche majoritairement la clientèle ambulatoire », explique la porte-parole du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), Noémie Vanheuverzwijn. Danielle McCann se réjouit de cette baisse. « C’est intéressant. Je crois que les cliniques d’hiver que nous avons implantées ont eu un impact. Et il y a un effort de la première ligne de prendre en charge la clientèle. C’est un pas dans la bonne direction », affirme-t-elle. La ministre ajoute que plusieurs autres actions sont prises pour renforcer la première ligne, comme le déploiement d’infirmières praticiennes spécialisées et le changement du mode de rémunération des médecins de famille. Mais pour le Dr Mathieu, cette diminution de 64 000 visites ambulatoires sur un total de plus de 3,7 millions, « c’est bien, mais ce n’est pas ça qui va changer quelque chose ».

Nombre de visites aux urgences

2014-2015 : 3 511 740 2015-2016 : 3 741 500 2016-2017 : 3 743 659 2017-2018 : 3 776 013 2018-2019 : 3 710 481

Hausse du nombre de patients de 75 ans et plus

Même si le nombre de visites aux urgences diminue, les patients de 75 ans et plus ont été plus nombreux à se présenter aux urgences en 2018-2019. Il s’agit de l’un des facteurs susceptibles d’expliquer la hausse de la durée moyenne de séjour, explique le MSSS. Un avis que partage le Dr Mathieu : « La moitié des patients de 75 ans et plus qui arrivent en ambulance sont hospitalisés. Ça montre la lourdeur de ces patients », dit-il. La ministre McCann croit que les sommes qu’investit son gouvernement en soins à domicile aideront à ce sujet.

Nombre de patients sur civière de 75 ans et plus

2014-2015 : 307 980 2015-2016 : 310 231 2016-2017 : 328 394 2017-2018 : 344 400 2018-2019 : 350 095

La Montérégie en queue de peloton

Dans plusieurs régions comme le Saguenay–Lac-Saint-Jean, la Mauricie–Centre-du-Québec et l’Estrie, la durée moyenne de séjour a légèrement diminué cette année. Mais à Québec et à Montréal, ainsi qu’à Laval et dans Lanaudière, les temps d’attente ont augmenté. C’est en Montérégie que la durée moyenne de séjour a été la plus longue (17,9 heures), soit une heure de plus qu’en 2017-2018. Le Dr Mathieu explique que le Québec est encore loin d’atteindre les cibles de l’Association canadienne des médecins d’urgence, qui vise une durée moyenne de séjour de 8 heures. La ministre McCann estime que des actions ont déjà été prises pour améliorer la situation dans les urgences de la Montérégie, où la population augmente rapidement. À l’hôpital du Suroît, par exemple, des mesures ont permis de diminuer le taux d’occupation aux urgences, qui avoisinait les 300 % cet hiver. « Je salue les équipes qui ont beaucoup travaillé », dit la ministre, qui ajoute que d’autres projets vont venir pour la Montérégie.

Durée moyenne de séjour (en heures) aux urgences

Montérégie : 17,9 Laurentides : 17,6 Lanaudière : 16,4 Outaouais : 16,4 Laval : 16,1 Montréal : 15,2 Côte-Nord : 13,9 Québec : 13,7 Estrie : 12,5 Chaudière-Appalaches : 11,5 Mauricie–Centre-du-Québec : 11,5 Abitibi-Témiscamingue : 10,2 Gaspésie : 9,8 Saguenay–Lac-Saint-Jean : 9,0 Bas-Saint-Laurent : 6,8

Dégringolade de l’hôpital Royal Victoria

En un an, la durée moyenne de séjour aux urgences de l’hôpital Royal Victoria du Centre universitaire de santé McGill (CUSM) est passée de 18,7 à 24,7 heures. « C’est énorme comme différence », reconnaît le chef des urgences, le Dr Jean-Marc Troquet. Selon lui, les urgences connaissent d’importants problèmes de congestion parce qu’il manque cruellement de lits aux étages. « Le plan clinique du nouvel hôpital a été fait en 2007. Il est non réalisable. On avait mal évalué nos besoins », dit-il. L’hiver dernier, 20 patients par jour en moyenne devaient être admis au CUSM, mais occupaient une civière aux urgences pendant des heures, voire des jours, faute de place aux étages. « Certains sont restés trois ou même quatre jours », remarque le Dr Troquet, qui constate que les cas des patients sont de plus en plus complexes et que la demande augmente. Le CUSM présente la plus longue durée moyenne de séjour de la province pour un hôpital général en 2018-2019.

Hôpitaux avec les plus longues durées moyennes de séjour (en heures) en 2018-2019

Hôpital Royal Victoria : 24,7 Hôpital du Suroît : 23,9 Centre hospitalier Anna-Laberge : 22,5 Hôpital Pierre-Boucher : 21,9 Hôpital Maisonneuve-Rosemont : 20,3

L’attente dans la salle

Le délai de prise en charge aux urgences, soit le temps qui s’écoule entre la fin du triage du patient et le moment où celui-ci voit un médecin, a augmenté d’à peine trois minutes cette année et atteint 2 h 23 min. Les données du Ministère montrent aussi que 90 % des patients ont été vus par un médecin aux urgences en 5 h 49 min ou moins.

Délai de prise en charge médicale dans les salles d’urgence du Québec

2014-2015 : 2 h 23 min 2015-2016 : 2 h 19 min 2016-2017 : 2 h 16 min 2017-2018 : 2 h 20 min 2018-2019 : 2 h 23 min