À compter d'aujourd'hui, les personnes désirant effectuer un test de dépistage d'infections transmissibles sexuellement et par le sang (ITSS) pourront utiliser un système presque entièrement informatisé au centre-ville de Montréal. À l'exception d'un bref contact avec une infirmière, le Centre Prélib s'engage à ce qu'aucun intervenant ne croise le chemin des patients qui, de la prise de rendez-vous au prélèvement, réaliseront presque toutes les étapes du dépistage par eux-mêmes.

« L'objectif du service est d'enlever toutes les barrières humaines, qui font que plusieurs personnes préfèrent ne pas faire de test de dépistage », explique le Dr Maxim Éthier, instigateur du projet qui est « une première en Amérique », selon lui.

L'ouverture de la clinique d'auto-prélèvement coïncide volontairement avec la Journée mondiale du sida qui a pour thème cette année Connais ton statut. Au Québec, 20 % des gens séropositifs ignorent leur statut. « On veut apporter une solution pour aider à améliorer le dépistage », dit le Dr Éthier.

Éviter le médecin

Selon le Dr Éthier, plusieurs personnes veulent passer un test de dépistage. « Mais elles veulent éviter les contacts avec les infirmières et les médecins. Le malaise ressenti par les patients quand ils consultent un médecin pour un dépistage d'ITSS est souvent soulevé » , dit-il.

Plusieurs patients sont, par exemple, réticents à avouer qu'ils trompent leur femme avec un homme ou à discuter de leurs pratiques sexuelles, illustre le médecin. « Plusieurs ressentent ça comme s'ils devaient faire un coming out à chaque fois », note-t-il.

Selon le Dr Éthier, plusieurs patients ne sont pas à l'aise non plus de parler de leur sexualité avec leur médecin de famille ou ont de la difficulté à avoir un rendez-vous rapidement. « Nous voulons essayer d'être accessibles pour eux », résume le Dr Éthier.

À un clic

En se rendant sur le site internet du Centre d'auto-prélèvement Prélib, les patients peuvent s'ouvrir un dossier en ligne. Une évaluation médicale entièrement informatisée est ensuite réalisée. Plusieurs questions sont posées par l'entremise d'un formulaire intelligent. En fonction des réponses offertes, différents tests de dépistage sont offerts au patient, qui doit débourser 40 $ pour le service. Les jeunes de 20 ans et moins n'ont toutefois pas à payer. « On ne veut pas qu'il y ait de frein à l'accès », explique le Dr Éthier.

Des conseils personnalisés sur la santé sexuelle sont fournis par le site. Le patient peut ensuite prendre rendez-vous à la plage horaire qui lui convient. Un code qui permet de déverrouiller la porte du Centre Prélib lui est envoyé par courriel. « Ce code est valide 15 minutes avant l'heure du rendez-vous et 15 minutes après », explique le Dr Éthier.

Sur place, aucune réceptionniste n'accueille les patients. Un simple écran leur demande de s'identifier, toujours avec le même code de sécurité. L'accès à la salle d'attente est ainsi autorisé.

C'est à ce moment que le seul contact humain du processus survient. Une infirmière vient remettre le matériel d'auto-prélèvement au patient. Elle réalise aussi une prise de sang, au besoin. « Mais cette infirmière ne posera aucune question au patient. Et elle n'aura pas accès au questionnaire », note le Dr Éthier.

Le patient se rend ensuite dans une cabine individuelle. Une fois qu'il a de nouveau entré son code sur un écran d'ordinateur, des vidéos expliquant au patient comment procéder aux prélèvements, que ce soit des échantillons d'urine, un prélèvement de gorge ou au niveau de l'anus, sont présentées. « En tout, la visite dure au maximum 20 minutes », estime le Dr Éthier.

Sept jours plus tard, les résultats des tests, qu'ils soient positifs ou négatifs, sont acheminés par courriel aux patients. Les résultats positifs aux tests de VIH seront toutefois annoncés en personne. Tout patient pourra obtenir un suivi à la clinique Médicale Quorum, voisine du centre d'auto-prélèvement, ou à la clinique de son choix.

« On veut être une option pour amener le plus de gens possible à passer des tests de dépistage. Que ça devienne une routine simple », résume le Dr Éthier.

PLAIDOYER POUR UN ACCÈS AUX « AUTO-TESTS » DE VIH

Alors que plusieurs pays, dont les États-Unis, autorisent l'utilisation « d'auto-tests » de dépistage du VIH, soit des tests pouvant être réalisés à la maison en utilisant sa salive, le Canada tarde à le faire. Pourtant, selon le président et fondateur de la Clinique l'Actuel, le Dr Réjean Thomas, ces tests pourraient être fort efficaces afin d'améliorer le taux de dépistage des populations à risque. « Certaines de ces personnes devraient suivre un test de dépistage chaque mois, mais n'ont pas envie de se rendre chaque fois à la clinique », dit le Dr Thomas.

Une nouvelle application créée par la Dre Nitika Pant Pai, scientifique à l'Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill, permet justement de rendre l'utilisation de ces tests encore plus agréable pour les utilisateurs. Nommée HIV Smart, l'application, disponible sur téléphone intelligent et tablette, donne des consignes sur la manière de bien réaliser le test et présente des vidéos informatives sur l'importance du dépistage et les risques de la maladie, entre autres. Le patient peut aussi y conserver ses résultats d'un test à l'autre et trouver des références pour une prise en charge clinique.

La Dre Pant Pai a testé la pertinence de son application auprès de 451 hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes et fréquentant la clinique l'Actuel. Ces patients ont utilisé un test d'auto-dépistage pour connaître leur statut. « Ces tests ne viennent généralement qu'avec une référence, un numéro 1 800, où les patients peuvent appeler pour poser des questions. Mais c'est insuffisant », estime la Dre Pant Pai, qui a développé l'application HIV Smart pour combler ces lacunes. Selon la scientifique, les participants ont massivement adopté l'application. « C'est un argument de plus pour convaincre Santé Canada d'approuver les tests autonomes. Avec ce genre d'application, on inciterait beaucoup de gens à passer le dépistage, dit-elle. Les gens ne veulent pas se rendre en clinique pour passer des tests de dépistage. Particulièrement les populations marginalisées. Il faut se rendre à eux. »

- Ariane Lacoursière, La Presse

36,9 millions

Nombre de personnes vivant avec le VIH dans le monde, en 2017

63 110

Nombre de personnes vivant avec le VIH au Canada, en 2017