Lorsque Jimmy Lee Durocher, âgé de 17 ans et en « parfaite santé » mis à part des douleurs abdominales, se présente à l'urgence le 13 janvier 2018 dans un hôpital de Saint-Charles-Borromée, sa famille croit qu'il devra simplement subir une ablation de l'appendice. Mais moins de quatre heures plus tard, l'adolescent est en arrêt cardiaque et il ne s'en remettra jamais.

Dans un rapport qui doit être rendu public mardi, le coroner affirme que le décès était « hautement évitable », en raison du fait que le personnel de l'hôpital n'a pas fourni les soins de suivi appropriés après que Jimmy Lee Durocher eut reçu de la morphine pour le traitement de la douleur postopératoire.

Le coroner, le docteur Louis Normandin, a conclu que le personnel avait pris conscience trop tard de l'aggravation de l'état du patient après sa prise de morphine.

Jimmy Lee Durocher a subi un arrêt cardiorespiratoire au Centre hospitalier régional de Lanaudière, à Saint-Charles-Borromée.

Des manoeuvres ont été entreprises pour le réanimer et son coeur a recommencé à battre, mais après son transfert à l'Hôpital du Sacré-Coeur, à Montréal, les médecins ont déterminé qu'il était en état de mort cérébrale.

M. Normandin a souligné que le décès était accidentel et que personne n'aurait pu prédire une telle réaction du patient à une dose de morphine de cinq milligrammes.

« Du seul fait qu'il n'avait pas reçu de morphine auparavant, M. Durocher méritait une attention professionnelle compétente. L'infirmière qui a administré la morphine n'a pas respecté les protocoles de surveillance », écrit le coroner.

Ce « manquement » a malheureusement influencé « défavorablement » deux de ses collègues, qui n'ont pas jugé bon de vérifier par elles-mêmes l'état clinique véritable de leur patient, indique le rapport.

Le personnel de l'hôpital a aussi failli à prendre en compte le déclenchement de l'alarme d'un appareil de mesure de signes vitaux.

« Autant de signes précurseurs de la catastrophe qui n'ont pas été perçus, sauf peut-être par la mère qui, au chevet, signale en début de nuit, à deux reprises, le ralentissement progressif du rythme cardiaque de son fils transmis par le moniteur », écrit M. Normandin. Elle a sonné pour alerter les infirmières, mais on lui a dit d'attendre lors d'un changement d'équipe à minuit.

Un avocat représentant la famille de Jimmy Lee Durocher a souligné le caractère exceptionnel de ce qui est arrivé à l'adolescent, qui avait commencé à ressentir des douleurs abdominales après avoir reçu un coup de pied au ventre lors d'une pratique de karaté quelques jours avant l'opération.

« Sur le nombre de procédures où on donne de la morphine, c'est un cas exceptionnel. Parce qu'on en fait des milliers par jour au Québec. Et les gens ne meurent pas de ça », a affirmé Jean-Pierre Ménard en entrevue.

« On n'a pas suivi toute la procédure, et évidemment, il est arrivé ce qui est arrivé », a ajouté l'avocat.

Des mesures disciplinaires

Dans le rapport du coroner, il est indiqué que l'« application stricte, systématique et généralisée à tout le réseau de la santé d'un protocole de surveillance, précisément conçu pour dépister et renverser les effets indésirables des narcotiques, est incontournable si l'on veut éviter que ne se reproduise une telle tragédie ».

Le but premier de la famille est de faire en sorte que les choses changent, pour « donner un sens à tout ça », a affirmé Me Ménard.

« Pour la famille, c'est un soulagement d'une part de savoir ce qui s'est passé. Mais d'un autre côté, ça les fâche encore plus de savoir que c'est peut-être lié à une erreur médicale », a-t-il confié.

La direction du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Lanaudière a fait valoir que plusieurs changements ont été apportés depuis la mort de l'adolescent.

La porte-parole Pascale Lamy a affirmé par courriel qu'une enquête interne avait été menée, que des manquements avaient été identifiés et que le CISSS avait aussi collaboré à l'enquête du coroner.

« Des mesures disciplinaires ont été adressées à trois membres du personnel, dont une personne qui a été congédiée. Aussi, la direction a rencontré la famille pour la déclaration de l'enquête », a écrit la porte-parole, affirmant ne pas pouvoir commenter davantage en raison du processus judiciaire en cours.

La famille a fait une demande formelle de dommages, et Me Ménard a indiqué que des discussions étaient en cours sur une éventuelle entente.