Les parents font preuve d'un optimisme exagéré face aux risques que court leur enfant à prendre un surplus de poids ou à commencer à fumer très jeune, et ce, même s'il est exposé à un ou plusieurs facteurs de risque, conclut une étude réalisée par un chercheur au CHU Sainte-Justine et ses collègues.

Le docteur Olivier Drouin et l'équipe de recherche internationale dont il fait partie ont constaté que plus de 80 % des parents pensent que leur enfant court un risque moins élevé que la moyenne en matière de tabagisme ou de prise de poids excessive. De plus, même les parents dont l'enfant présente un ou plusieurs facteurs de risque minimisent la possibilité qu'il commence à fumer avant l'âge de 18 ans ou de gagner un excès de poids au cours de la prochaine année.

L'équipe de recherche a effectué un sondage auprès de 648 parents lors d'un rendez-vous de routine chez le pédiatre. Ces derniers ont été interrogés sur les niveaux d'exposition au tabagisme, de consommation de boissons sucrées, d'activité physique et de temps d'écran de leur enfant. Ensuite, ils devaient évaluer le risque relativement au potentiel de tabagisme ou d'embonpoint de leur enfant dans l'avenir.

Les chercheurs ont observé, par exemple, que 70 % des parents fumeurs ont estimé que leur enfant était à plus faible risque que la moyenne de devenir lui-même fumeur avant l'âge de 18 ans. Pourtant, les enfants des parents qui fument ont quatre fois plus de risques de devenir fumeurs avant l'âge adulte, souligne le Dr Drouin en entrevue téléphonique.

« C'est important de comprendre que dans le tabagisme et dans l'excès de poids, il y a plusieurs choses qui entrent en ligne de compte, nuance-t-il. Mais ces facteurs-là ont été montrés comme étant des facteurs très importants pour prédire le risque. C'est sûr qu'on n'avait pas toutes les informations sur l'environnement de l'enfant, par exemple, mais ça nous donnait une bonne idée quand même et ça nous permettait de comparer entre les deux groupes : ceux qui avaient ce facteur de risque là et ceux qui ne l'avaient pas. »

Les chercheurs n'ont pas fait d'entrevue avec les parents qui ont répondu au questionnaire afin de comprendre pourquoi ils font preuve d'optimisme malgré les facteurs de risque. Mais cette « pensée magique » des parents pourrait s'expliquer par l'inconfort que peuvent ressentir certains parents lorsque vient le temps de penser que leur enfant pourrait avoir des problèmes de santé dans l'avenir.

« Ce qu'on sait de la littérature scientifique, c'est que c'est difficile et que ce n'est pas plaisant pour les parents d'admettre que leur enfant est à risque ou à très grand risque. C'est quelque chose qui n'est pas très, très confortable. Donc il y a des hypothèses dans d'autres populations qui disent que c'est comme un mécanisme de protection que les parents ont contre une espèce d'anxiété par rapport à la santé de leur enfant. Mais c'est évidemment quelque chose qu'on voudrait explorer un peu plus dans de prochaines études », note M. Drouin.

Il souligne également que les parents peuvent avoir de la difficulté à se projeter dans un futur où l'enfant ne sera peut-être pas nécessairement en santé.

Mais si les parents ne croient pas que leur enfant est à risque, et donc, que les conseils ne s'appliquent pas à leur situation, ils auront peu d'intérêt à changer, souligne le chercheur. Cela expliquerait en partie pourquoi les conseils médicaux sur les saines habitudes de vie ne portent généralement pas fruit.

« Peut-être qu'il faut repenser la façon dont on approche ces facteurs de risque là avec les familles. »

Les statistiques indiquent qu'il faut rester vigilant en tant que parent. Encore à ce jour, 16 % de la population canadienne fume le tabac et 90 % des fumeurs débutent avant l'âge de 18 ans.

Parallèlement, 35 % des enfants québécois présentent un surpoids, et la prévalence d'obésité chez les jeunes Canadiens a augmenté de 3 à 9 % en 20 ans. Le tabagisme et le surpoids comptent parmi les plus grandes causes de mortalité, de morbidité et de coûts de santé au Canada.

L'équipe de recherche poursuit ses études afin d'examiner si l'optimisme parental est aussi présent pour d'autres conditions. Ils veulent également tester si « corriger » cet optimisme exagéré peut amener à un suivi plus efficace par rapport aux saines habitudes de vie.

Les résultats de cette étude sont présentés dans le journal « Academic Pediatrics ».