Stress. Heures supplémentaires. Manque de personnel. Épuisement.

Les conditions de travail difficiles dans lesquelles doivent évoluer les infirmières sont dénoncées depuis longtemps dans les médias, où on peut lire et entendre presque chaque semaine des témoignages de ces professionnelles de la santé qui en ont assez.

Pour un jeune qui doit faire un choix de carrière, le métier d'infirmier ou d'infirmière demeure-t-il attrayant ?

Les récentes données du Service régional d'admission du Montréal métropolitain (SRAM) remises à La Presse canadienne permettent de croire qu'il l'est de moins en moins, puisqu'on note une importante baisse des demandes d'admission au programme collégial de soins infirmiers dans les cinq dernières années.

Ainsi, en 2014, 3748 demandes d'admission pour le programme avaient été reçues par le SRAM à l'issue du premier tour. Cette année, ce nombre s'est élevé à 2948 à la date limite du 1er mars. Il s'agit d'un recul d'environ 22 %, alors que la baisse de l'ensemble des demandes d'admission est de 6 %.

L'an dernier, 3388 demandes d'admission en soins infirmiers avaient été reçues au premier tour, soit 13 % de plus que cette année, alors que le nombre total de demandes d'admission est demeuré sensiblement le même.

«C'est sûr que cet écart-là entre la diminution de la population étudiante en général et la diminution du nombre de demandes dans le programme de soins infirmiers nous amène à constater que ce n'est pas un simple phénomène naturel, c'est quelque chose qui est un peu plus fort du côté des soins infirmiers», admet le président-directeur général de la Fédération des cégeps, Bernard Tremblay.

«À ce moment-là, la première hypothèse qui nous vient à l'esprit, c'est le fait qu'il y a beaucoup de messages diffusés dans les médias qui semblent dire que la situation des infirmières est difficile, que les conditions de travail sont difficiles, que l'organisation du travail est, dans certains cas, difficile. C'est sûr qu'on pense que ça peut avoir eu un effet sur le caractère attractif du programme.»

Du côté du Service régional d'admission au collégial de Québec (SRACQ), qui compte 15 établissements contre 32 cégeps pour le SRAM, la baisse de la demande pour le programme de soins infirmiers au premier tour a été de 17 % entre 2014 et 2018, mais de seulement 3 % de 2017 à 2018.

M. Tremblay insiste toutefois pour dire qu'il ne s'agit que d'une hypothèse, puisqu'aucune recherche n'a été menée pour connaître la raison de cette diminution de la demande. Mais il admet avoir entendu des commentaires voulant que l'image de la profession témoigne d'un contexte de travail difficile.

«Quand on parle aux gens, quand on parle à des jeunes que l'idée du programme de soins infirmiers intéresse, effectivement, ça ressort en disant: est-ce que le contexte de travail est propice, est-ce que c'est une bonne idée que je demande à être admis dans ce programme-là ?», raconte-t-il.

Il estime que certains futurs étudiants pourraient par ailleurs être tentés de se tourner plutôt vers les études universitaires en sciences infirmières, pour lesquelles un diplôme d'études collégiales en soins infirmiers n'est pas un prérequis.

La présidente de l'Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec, Lucie Tremblay, ne semble pas de son côté constater un recul de l'attraction envers le métier et souligne que le prochain examen d'entrée dans la profession accueillera l'une de ses plus grandes cohortes.

Elle note toutefois que les craintes existent chez les étudiants quant à leurs futures conditions de travail.

«Il y a quelque chose qui est quand même extraordinaire. Cette volonté de vouloir s'impliquer et de vouloir soigner. Moi je vous avoue que ça fait six ans que je rencontre des gens un peu partout à travers le Québec et cette volonté, elle est toujours là, même dans une situation aussi tendue que ce qu'on peut vivre en ce moment», a-t-elle indiqué.

Mme Tremblay a d'ailleurs récemment rencontré des étudiants du collégial et de l'université en Abitibi, où elle a pu constater que les futurs infirmiers et infirmières voulaient s'impliquer dans les changements nécessaires pour améliorer les conditions d'exercice du métier.

«J'avais devant moi des classes qui étaient allumées, déterminées à changer les choses parce que le désir de soigner était plus grand que tout», a-t-elle indiqué.

«On parle souvent de la vocation, mais c'est un mélange d'humanisme et aussi d'une grande détermination à acquérir des compétences qui sont complexes. Et oui, les gens sont prêts à s'engager dans ça, à aller chercher un grand bagage de connaissances pour pouvoir répondre aux besoins grandissants de la population», a-t-elle assuré.