Le ministre de la Santé Gaétan Barrette s'est engagé vendredi à faire prendre un «virage» au réseau des CHSLD afin d'améliorer les services aux résidents. Le ministre injecte ainsi 65 millions de dollars pour embaucher le «plus vite possible» 1150 infirmières, infirmières auxiliaires et préposés aux bénéficiaires. Une reddition de compte «rigoureuse» sera exigée aux dirigeants des CHSLD dans un an, a prévenu le ministre à la clôture du Forum sur les meilleures pratiques en CHSLD.

«Il n'y a pas un sou du 65 millions qui va aller dans la réfection d'un stationnement. Il n'y a pas un sou qui va aller sur les poignées de porte des soins intensifs. C'est fait pour les CHSLD, pour l'embauche de personnel, point à la ligne», a martelé en point de presse le ministre Barrette, aux côtés de tous les PDG du réseau des CHSLD. Ces 65 millions disponibles dès maintenant pour l'embauche de personnel proviennent des 300 millions supplémentaires en santé annoncés le mois dernier dans la mise à jour économique.

Les hauts gestionnaires des CHSLD seront ainsi imputables de leur gestion et devront «livrer la marchandise», peu importe l'établissement, et peu importe s'il s'agit d'un «petit milieu en région», a averti le ministre Barrette. «Je n'accepterai pas qu'on me dise: oui, mais moi je ne suis pas capable de faire ça. Ça, c'est une phrase qui est irrecevable, a-t-il tranché, en prononçant chaque syllabe. Il n'y a pas de raisons qui justifieraient qu'on ne s'améliore pas dans le réseau. Il n'y en a pas ! On ne peut pas accepter ça. Je vous enjoins à faire le virage. La population qui nous écoute attend ce virage», a affirmé le ministre Barrette devant un parterre de 300 gestionnaires et dirigeants syndicaux du réseau des CHSLD, réuni hier au Palais des congrès.

Les gestionnaires détermineront selon leurs besoins le nombre exact d'infirmières et de préposés aux bénéficiaires qui seront embauchés.

Le ministre Barrette s'est fait plus évasif par rapport au ratio d'infirmière dans les CHSLD, parlant plutôt de «fourchettes par quart de travail». « Il y a des ratios de base qu'on va devoir évidemment rencontrer. C'est sûr que des ratios d'une infirmière sur 175 personnes, ça ne peut plus arriver !», a-t-il assuré. La Presse avait révélé jeudi qu'un homme en soins palliatifs était mort l'an dernier un soir où une seule infirmière s'occupait de 175 résidants d'un CHSLD.

Au sujet des ratios d'employés, le ministre Barrette a maintenu vouloir éviter les «guéguerres syndicales» et ne pas vouloir «embarquer dans les chicanes de ratio syndical». Il également «tendu la main au syndicat» de façon plutôt abrupt. «L'appel que je fais au milieu syndical : on peux-tu travailler ensemble avec la souplesse nécessaire pour donner les meilleurs services possible dans un contexte qui est archi-ultra-particulier ? C'est-tu faisable ça? [...] Dans un CSHLD, la pause à 10h15 où tout le monde arrête, ça marche pas !», a-t-il déclaré.

Une annonce trop tardive selon l'opposition

Le ministre Barrette aurait pu faire cette annonce de réinvestissement bien avant, déplore le député du Parti québécois Dave Turcotte. «Il y a eu un choix économique qui a été fait. Le surplus budgétaire du gouvernement est basé sur des économies qui se sont faites dans le système de santé, d'éducation, etc. Aujourd'hui, l'argent annoncé, ce n'est pas une mauvaise nouvelle, mais c'est un peu tard», critique le porte-parole de l'opposition officielle en matière de services sociaux et de protection de la jeunesse.

Selon le député péquiste, le ministre Barrette devrait également s'attaquer au problème de disponibilité de place dans les CHSLD. «Il y a plus de 3000 personnes qui attendent une place en CHSLD actuellement, au même moment où le gouvernement a fermé 1000 lits. Donc, il y a un problème d'accessibilité en CHSLD», affirme Dave Turcotte.

Même son de cloche à la Coalition avenir Québec. «Ce problème est reconnu depuis longtemps. Est-ce qu'on aurait pu faire ça il y a un bout de temps ? Assurément. Est-ce que c'est bien qu'on se donne de bonnes pratiques. C'est intéressant. Il faut passer à l'action», soutient le député François Paradis, porte-parole de la CAQ pour les aînés et en matière de santé et de services sociaux.

«On a un problème de place en CHSLD. 3550 personnes attendent une place en CHSLD. Entre-temps, ils sont soit à domicile, soit dans nos centres hospitaliers. Il faut s'adresser à ça. Les ratios, faudra s'y adresser, bien que le ministre dit : on va voir où on s'en va. On a écrit un chapitre du nouveau livre, mais il n'est pas fini», affirme François Paradis

La CSN a accueilli favorablement l'annonce du ministre Barrette, mais déplore l'absence de solutions concrètes pour améliorer le réseau. « C'est bien beau les meilleures pratiques qui nous sont présentées, mais tout cela ne pourra pas se faire à coût nul. Il va falloir de l'investissement d'argent neuf à un moment donné. On nous annonce aujourd'hui un réinvestissement fort attendu. Mais il y a encore plus de 3550 personnes en lourde perte d'autonomie qui attendent une place en CHSLD. Il faudra faire plus », a indiqué par communiqué Jean Lacharité, 2e vice-président de la CSN.