L'imposition d'une attente de 10 jours entre la demande d'aide médicale à mourir et sa réalisation donne lieu à une guerre d'interprétation sur la juridiction en matière de santé entre le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, et la porte-parole péquiste en matière de soins de fin de vie, Véronique Hivon.

Lundi, Mme Hivon a accusé le ministre d'avoir modifié de façon illégale la Loi québécoise sur les soins de fin de vie en imposant ce délai sans avoir soumis cette décision au processus législatif.

La décision a été annoncée dans une lettre datée du 13 juillet aux établissements de santé, signée par le sous-ministre de la Santé, Michel Fontaine, qui disait devoir se conformer à la loi fédérale C-14 adoptée le 17 juin dernier.

«J'estime que la démarche devant laquelle on est, de modifier les critères d'application d'une loi par lettre, ce n'est pas une démarche qui est valide, ce n'est pas une démarche qui est légale», a déclaré Mme Hivon en conférence de presse, lundi à Montréal.

La députée de Joliette croit que ce nouveau délai de 10 jours est une grave atteinte au bien-être des patients.

«Pour quelqu'un pour qui chaque heure est une agonie qui a l'air de durer une semaine, vous en parlerez aux gens; ils vont vous dire que c'est la fin du monde», a-t-elle affirmé.

Le ministre Barrette, qui était en vacances, n'a pas hésité à reprendre du service pour rejeter catégoriquement cette interprétation, d'abord pour rappeler qu'il s'est opposé et qu'il s'oppose toujours à ce délai de 10 jours, mais qu'il a les mains liées.

«Le 10 jours, c'est une mesure qui pour moi n'a pas de sens. C'est une mesure défensive pour un gouvernement qui voulait ménager la chèvre et le chou électoral, parce que le Canada n'est pas uniforme d'un océan à l'autre sur ce sujet», a affirmé le ministre en entrevue avec La Presse canadienne.

«Je suis contre ce 10 jours, mais aujourd'hui je suis pris avec», a-t-il insisté.

«Mais on n'a pas changé la loi d'aucune manière. Nous avons envoyé une lettre d'information pour aviser les professionnels surtout et les administrations que nous étions dans un nouveau régime qui a été changé par C-14», a-t-il ajouté.

Mme Hivon estime toutefois que cette démarche est une capitulation face à Ottawa.

«Il (Gaétan Barrette) est en train carrément de modifier notre loi, d'abdiquer nos compétences», a-t-elle affirmé.

Elle rappelle que les tribunaux ont déjà statué sur la validité de la loi québécoise et, selon elle, la législation fédérale vise à se conformer à la décision de la Cour suprême qui permet l'aide médicale à mourir, mais les modalités proposées par Ottawa ne s'appliquent pas au Québec, car les modalités relèvent de la compétence exclusive de la province.

Pour Gaétan Barrette, qui dit s'appuyer sur les recommandations des mêmes avocats que ceux qui ont conseillé la commission coprésidée par Mme Hivon sur les soins de fin de vie, une telle interprétation est complètement erronée.

«Le Code criminel dit que ce n'est plus criminel à la condition que ça se fasse de telle manière. Autrement, c'est criminel. Les deux ne sont pas parallèles; les deux sont liés, soudés, indissociables. De voir Mme Hivon arriver et dire que c'est dissociable, ça dépasse tout entendement juridique», a-t-il soutenu.

Il en a profité pour lui lancer au passage une volée de bois vert partisan.

«Véronique Hivon m'invite à la désobéissance civile. Elle me demande de ne pas respecter le Code criminel et c'est une avocate. C'est une potentielle future première ministre et c'est ça son attitude? Wow. Moi je trouve ça très grave», a laissé tomber le ministre de la Santé.

Il a toutefois noté en cours d'entrevue qu'il s'attend à ce que la loi C-14 soit déclarée inconstitutionnelle à l'issue d'une contestation de la Ligue des libertés civiles de Colombie-Britannique et qu'il pourra, à ce moment, revenir à la charge pour faire évacuer cette contrainte d'une nouvelle version de la législation fédérale.