Parmi les 10 provinces canadiennes, c'est au Québec qu'il est le plus difficile d'avoir accès aux soins de santé lorsqu'on en a besoin, selon une récente étude de Statistique Canada. Une vaste enquête menée en 2014 auprès de 65 000 Canadiens cible les longs délais d'attente comme l'une des principales barrières à l'accès aux soins de santé. Le ministre québécois de la Santé, Gaétan Barrette, assure que sa réforme améliorera la situation, mais le Conseil pour la protection des malades estime que les changements tardent à porter leurs fruits.

11,2 %

Plus d'un Canadien sur dix a déclaré en 2014 ne pas avoir reçu des soins au moment où il estimait en avoir besoin, ce que Statistique Canada appelle dans son jargon les « besoins de santé non comblés ». Les femmes étaient légèrement plus nombreuses (12,4 %) à se plaindre d'avoir rencontré de telles difficultés que les hommes (10 %). Parmi les facteurs influençant l'accès aux soins, le fait d'avoir un médecin de famille joue un rôle important. Ainsi, 18,2 % des Canadiens qui n'en avaient pas ont dit avoir échoué à un moment ou un autre à avoir accès à des soins, contre 10 % chez ceux ayant un médecin. Les statistiques démontrent que les autochtones ont aussi plus de difficultés d'accès : 16,2 % ont rapporté en 2014 avoir eu des besoins de santé non comblés.

Détérioration au Québec

La proportion de Québécois disant ne pas avoir eu accès à des soins de santé alors qu'ils en avaient besoin a augmenté depuis une décennie. En 2014, 14,1 % des répondants québécois à l'enquête de Statistique Canada ont affirmé ne pas avoir eu accès aux soins requis, alors qu'ils avaient été 12,6 % à s'en plaindre en 2003. Les résultats démontrent par ailleurs que le Québec est la province où les « besoins de santé non comblés » sont les plus élevés. Seuls les territoires du Yukon et du Nunavut affichent une moins bonne performance. Les données québécoises indiquent que le problème d'accès aux soins est plus important dans les centres urbains (14,8 %) que dans les régions rurales (11,9 %).

«Besoins de santé non comblés»

Par province ou territoire

• Yukon 16,9 %

• Nunavut 6,7 %

• Québec 14,1 %

• Territoires du Nord-Ouest 12,6 %

• Colombie-Britannique 12 %

• Île-du-Prince-Édouard 10,6 %

• Manitoba 10,3 %

• Ontario 10,3 %

• Nouvelle-Écosse 10 %

• Alberta 9,9 %

• Nouveau-Brunswick 8,9 %

• Terre-Neuve-et-Labrador 7,9 %

• Saskatchewan 7,4 %

Pire chez les personnes à faible revenu

L'accès aux soins de santé est plus difficile pour les personnes à faible revenu. En 2014, 15,4 % des Québécois à faible revenu ont dit ne pas avoir eu accès aux soins requis, contre 13,1 % chez les gens à revenu moyen ou élevé. L'écart reste toutefois moins élevé que dans la majorité des autres provinces canadiennes. Au Nouveau-Brunswick, par exemple, les gens à faible revenu sont deux fois plus susceptibles d'avoir des besoins de santé non comblés que les gens plus aisés (12,8 % contre 6,3 %). Les Québécois sans médecin de famille sont aussi plus nombreux à se plaindre de l'accès aux soins : 22,4 % d'entre eux affirment ne pas avoir reçu des soins requis en 2014, contre 11,3 % pour les autres.

Trop longue attente

33,4 %

Les délais d'attente trop longs représentent la principale raison évoquée par les répondants pour expliquer pourquoi ils n'avaient pas eu accès aux soins de santé dont ils avaient besoin.

13,7 %

Au deuxième rang des raisons les plus fréquemment citées : la non-disponibilité des services de soins de santé au moment requis.

11,4 %

Si la majorité des soins de santé sont gratuits, les coûts associés aux soins représentent néanmoins la troisième raison invoquée pour expliquer les difficultés d'accès aux soins de santé. Le Conseil de la protection des malades juge que, bien que balisés, les frais accessoires sont inacceptables.

Endroits les plus problématiques

C'est principalement au bureau du médecin que les Canadiens disent avoir le plus souvent échoué à avoir accès à des soins de santé. Les cliniques sans rendez-vous ainsi que les urgences s'avèrent elles aussi problématiques pour de nombreux Canadiens cherchant à obtenir des soins.

• Bureau du médecin 40,8 %

• Cliniques sans rendez-vous 15,2 %

• Urgences des hôpitaux 12,4 %

• Cliniques avec rendez-vous 7,7 %

• CLSC 5,8 % 

Barrette vise le peloton de tête

Ces résultats n'ont pas surpris le ministre de la Santé Gaétan Barrette. « C'est la raison pour laquelle on a mis en place la loi 20 [visant à améliorer l'accès à un médecin de famille], elle est faite expressément pour ça », a-t-il réagi en entrevue à La Presse. Le ministre souligne que si l'accès aux soins de santé ne s'améliore pas, la réforme prévoit « des réductions financières dans la rémunération des médecins ». Selon lui, sa réforme permettra d'améliorer grandement l'accès aux médecins dans la province. « Nous avons la capacité d'être dans le peloton de tête, sinon les meilleurs », assure le ministre Barrette.

Les résultats de la réforme se font attendre

Le Conseil pour la protection des malades espère que les réformes entreprises par le ministre Barrette porteront leurs fruits, mais admet que ceux-ci ne semblent pas au rendez-vous pour le moment. « On va lui donner jusqu'en mai, parce que ça fera un an, mais même si ça nous coûte de plus en plus cher, on ne voit pas les résultats », évalue Paul Brunet. Les résultats de l'étude de Statistique Canada ne l'ont d'ailleurs pas étonné. « Je ne suis pas surpris. On a mené quatre groupes de discussion et un sondage internet en 2014 et 45 % des répondants ont dit qu'ils ne reçoivent pas les soins quand ils en ont besoin. C'est leur plus grande préoccupation », souligne Paul Brunet.

MÉTHODOLOGIE

Les résultats de cette étude de Statistique Canada proviennent de son Enquête sur la santé des collectivités canadiennes, réalisée en 2014. Environ 65 000 Canadiens de 12 ans et plus ont été interrogés sur différents aspects de leur santé. Parmi les questions, Statistique Canada s'est intéressée aux besoins de santé non comblés. « Au cours des 12 derniers mois, y a-t-il eu un moment où vous avez cru que vous aviez besoin de soins de santé, mais vous ne les avez pas obtenus ? », évaluait l'enquête.