C'est une famille appartenant au mouvement spirituel de la Mission de l'Esprit-Saint, dont plusieurs membres refusent les vaccins, qui a rapporté la rougeole au Québec après une visite à Disneyland, au cours de la période des Fêtes.

Comme plusieurs adeptes de ce mouvement, la famille habite la municipalité de Crabtree, non loin de Joliette. Or, c'est justement dans cette région - Lanaudière - que la Direction de santé publique a signalé mardi 10 cas de rougeole.

«C'était un phénomène familial au départ. Puis il y a eu des cas dans une deuxième famille, amie de la première», a confirmé Emmanuel Francoeur, acupuncteur et membre de la Mission de l'Esprit-Saint. «Nous sommes entrés en contact avec la Santé publique et nous nous sommes pliés à leurs exigences de bonne grâce», a-t-il assuré.

La famille porteuse de l'infection virale ne présentait pas de symptômes à son arrivée au pays, après son séjour à Disneyland, en Californie. «Ça a commencé quelques jours plus tard. Ils ont donc décidé de s'isoler», a rapporté Emmanuel Francoeur. Mais la famille avait rencontré des amis entre-temps; ses membres ont eux aussi été infectés.

La Santé publique de Lanaudière a évoqué dix cas confirmés et deux autres «en observation». Emmanuel Francoeur, lui, en a dénombré seulement huit. Il n'y a aucun jeune enfant dans le lot, et seules quelques personnes ont dû être réhydratées à l'hôpital, a-t-il déclaré.

«Nous avons suspendu les activités de l'école de musique et de la Mission quand nous avons eu la confirmation de la Santé publique, mardi», a-t-il aussi assuré. Selon lui, il est donc «possible» que d'autres personnes aient contracté le virus.

De l'avis de la Direction de santé publique de Lanaudière, cependant, tous ceux qui ont été en contact avec les personnes atteintes de la rougeole ont été joints et aucun endroit public ou établissement scolaire n'est concerné.

Les enfants dont les familles font partie de la mission ne fréquentent pas d'établissement scolaire reconnu depuis 2007, année où la Cour supérieure a ordonné la fin des cours à l'Institut Laflèche, jugeant son cursus illégal. Les jeunes membres de l'organisation sont pour la plupart scolarisés à la maison. «Ce sont les mères qui leur enseignent», a confié une voisine.

C'est donc la grande salle où les membres de la Mission de l'Esprit-Saint se réunissent qui a été fermée pour deux semaines. Le même sort a été réservé à l'école de musique de l'Institut Laflèche, que fréquentent plusieurs membres de la Mission. «On a fait notre devoir de citoyen», a souligné un membre de l'organisation rencontré devant l'édifice.

Les vaccins

Sur son site web, la Mission de l'Esprit-Saint fait la promotion de l'«eugénisme spirituel», qu'elle décrit comme la «possibilité que l'humain a de mettre au monde des enfants qui auront une propension naturelle vers le bien, la vertu, et ce, à partir de gens ordinaires». Pour appuyer ses propos, la Mission propose une série de citations, dont l'une concerne les vaccins.

«La prévention de chaque maladie par l'injection de vaccins ou de sérums spécifiques, les examens médicaux répétés de la population, la construction de gigantesques hôpitaux sont des moyens coûteux et peu efficaces de développer la santé dans une nation. La santé doit être une chose naturelle dont on n'a pas à s'occuper», peut-on y lire.

Dans le mouvement, on n'interdit pas les vaccins, ont souligné deux membres rencontrés par La Presse. «Les gens ont le choix, mais c'est un sujet sur lequel on les invite à réfléchir», a indiqué Emmanuel Francoeur. «La santé, ce n'est pas seulement se cacher derrière une immunité artificielle», a-t-il expliqué plus tard.

En conséquence, il a remis en question les agissements de l'Organisation mondiale de la Santé, montrée du doigt pour avoir sonné l'alarme en 2009 à propos de la grippe H1N1, qui a finalement fait beaucoup moins de ravages que l'organisation ne l'avait prédit.

«Ce genre de scandale ne rassure pas les gens», a-t-il affirmé.

L'acupuncteur n'a pas voulu s'avancer sur la proportion de membres de la Mission de l'Esprit-Saint qui ne sont pas vaccinés. «Mais on peut poser la question à l'envers», a-t-il suggéré. «Il y a des gens qui ont la volonté d'augmenter leur immunité de manière naturelle. Ils sont donc attirés par notre groupe.»

- Avec Ariane Lacoursière

Qu'est-ce que la mission de l'Esprit-Saint?

La Mission de l'Esprit-Saint est un mouvement qui a été fondé en 1913 par Eugène Richer dit «Laflèche». Les adeptes, dont plusieurs habitent dans la municipalité de Crabtree près de Joliette, estiment qu'Eugène Richer était l'incarnation de l'Esprit saint. Ils considèrent également que la Terre est plate et que le Soleil est le reflet du feu de l'enfer. La devise de cette communauté est «La régénération de l'humanité par l'eugénisme». Sur son site internet, la Mission de l'Esprit-Saint se décrit comme un «mouvement pacifique et évolutif, indépendant de toutes sectes ou religions».

Le mouvement antivaccinaliste au Québec

Au Québec, de 1 à 2% des parents ne font pas vacciner leurs enfants. «Chez les parents qui refusent tout vaccin, plusieurs ont une conception très «naturelle» de la santé. Ils vont privilégier l'homéopathie pour soigner leurs enfants, note Ève Dubé, anthropologue à l'Institut national de santé publique du Québec (INSOQ). Ces parents ne font souvent pas confiance à la médecine. Ils rejettent les données scientifiques prouvant l'efficacité des vaccins.» Ces parents sont souvent très déterminés. «Même ceux dont les enfants tombent malades ne changent pas d'idée», affirme Mme Dubé. 

- Ariane Lacoursière