Un des membres du conseil d'administration du Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) travaille comme lobbyiste pour Montréal In Vivo, une société visant à «développer un environnement propice aux entreprises oeuvrant dans le domaine des sciences de la vie» à Montréal.

Parmi la liste des sociétés liées à In Vivo, on trouve une série d'entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques, qui ont signé des contrats de gré à gré avec le CHUM au cours des dernières années, a constaté La Presse.

Depuis 2011, le directeur de projets de Montréal In Vivo, Frank Béraud, siège comme membre élu par la population au conseil d'administration du CHUM.

Montréal In Vivo, qui se décrit comme une «grappe des sciences de la vie et des technologies de la santé (SVTS) du Montréal métropolitain», est constitué de près de 600 organisations. Parmi ces entreprises, on compte des centres de recherche, des universités, mais aussi, des sociétés pharmaceutiques et de biotechnologies qui ont signé d'importants contrats avec le CHUM au cours des dernières années.

La société Cardinal Health a notamment signé un contrat de gré à gré de près de 39 millions de dollars en avril dernier pour l'approvisionnement du futur CHUM et du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

Mandat de lobbyiste

M. Béraud est enregistré comme lobbyiste auprès du gouvernement pour la période allant du 1er mars 2013 au 28 février 2014. Dans le registre des lobbyistes, il est indiqué que M. Béraud «fait des représentations auprès des élus et des fonctionnaires» pour «favoriser le maintien et le développement des activités de recherche et de développement et des activités commerciales des entreprises du secteur des sciences de la vie».

À l'article 131 de la Loi sur la santé et les services sociaux, on mentionne qu'un membre élu d'un conseil d'administration d'établissement de santé doit être «indépendant». Cette personne ne doit donc pas «avoir de manière directe ou indirecte, de relations ou d'intérêts, notamment de nature financière, commerciale, professionnelle ou philanthropique susceptibles de nuire à la qualité de ses décisions».

Professeur à la faculté des sciences infirmières de l'Université de Montréal et spécialiste des questions éthiques en santé, Damien Contandriopoulos estime que la présence de M. Béraud au CHUM est «totalement inacceptable».

«Il est dur de concilier d'être payé pour faire valoir les considérations de compagnies, mais qu'en arrivant sur le conseil d'administration du CHUM, il n'y a plus d'intérêt», affirme M. Contandriopoulos.

M. Béraud se défend d'être en conflit d'intérêts et assure avoir été toujours transparent sur son état. «J'ai été élu par la population. Mes fonctions étaient toutes indiquées dans mon curriculum vitae», dit-il.

M. Béraud affirme qu'il ne fait pas réellement d'activités de lobbyisme, mais que Montréal In Vivo entretient plutôt des «interactions» avec des fonctionnaires en plus d'être financé par des ministères, et qu'il doit pour cette raison être enregistré comme lobbyiste.

Titulaire de la Chaire de management éthique de HEC Montréal, Thierry C. Pauchant souligne que le Québec est tricoté serré et qu'il est parfois difficile de trouver des membres de conseil d'administration qui n'ont aucun lien avec le milieu de la santé. «La personne doit déclarer ses intérêts. Et surtout, se retirer quand il y a des décisions reliées à son secteur. Si cette personne n'est jamais écartée, il y a probablement un problème», dit-il.

La porte-parole du CHUM, Isabelle Lavigne, affirme que M. Béraud s'est investi au conseil d'administration, car le futur CHUM sera construit près de chez lui. «M. Béraud représente son voisinage. Il est très impliqué», assure Mme Lavigne, qui ajoute que M. Béraud ne s'est retiré d'aucune décision depuis son arrivée au conseil d'administration en 2011.