Le maire de Québec répète qu’il va tout faire pour éviter que le Vieux-Québec ne se fossilise, qu’il ne devienne un « Walt Disney de carton ». Les derniers chiffres du recensement indiquent que le défi de Bruno Marchand sera de taille.

La population du Vieux-Québec a encore chuté au recensement de 2021. La baisse est beaucoup moins marquée qu’il y a 10 ans, alors que le quartier historique avait perdu 492 résidants au recensement. Mais elle se poursuit inlassablement, malgré les efforts des élus et de la Ville pour inverser la tendance.

Les secteurs du Vieux-Québec – intra-muros, Place-Royale, Vieux-Port et Cap-Blanc – comptaient 80 habitants de moins au recensement de 2021 par rapport à 2016. Selon les derniers chiffres, il y a maintenant 4609 habitants dans ces secteurs, loin des 5278 de 2006.

La vieille ville, si populaire auprès des touristes, continue donc de perdre des résidants, alors que la ville de Québec, dans son ensemble, en gagne.

« On voit que cette baisse se poursuit d’année en année et de sondage en sondage », déplore Michel Masse, président du Comité des citoyens du Vieux-Québec.

On constate dans l’administration Marchand une réelle volonté d’inverser les choses et de travailler en collaboration avec les citoyens. Mais ce ne sera pas facile. C’est comme changer la direction d’un gros paquebot.

Michel Masse, président du Comité des citoyens du Vieux-Québec

La question de la baisse démographique dans le Vieux-Québec ne date pas d’hier. Une chute particulièrement marquée entre les recensements de 2006 et 2011 en a fait un enjeu municipal.

Trop d’évènements, de touristes ? Pas assez de familles, de logements abordables ? Il fallait trouver des réponses et des solutions.

Le maire Régis Labeaume en avait fait un cheval de bataille, promettant de ramener 500 résidants permanents dans le Vieux-Québec. Ça ne s’est jamais produit.

Nouvelle administration, même objectif

La nouvelle administration a laissé tomber la cible chiffrée de 500 nouveaux résidants. Mais elle a gardé le même objectif que l’ancienne : arrêter le déclin démographique du premier quartier urbain au pays.

PHOTO PATRICE LAROCHE, ARCHIVES LE SOLEIL

Les administrations Labeaume et Marchand ont chacune tenté de repeupler le quartier, sans réellement y parvenir.

La conseillère du district du Cap-aux-Diamants et membre du comité exécutif, Mélissa Coulombe-Leduc, a hérité du dossier. La Ville utilise des chiffres différents pour calculer la population totale du Vieux-Québec, incluant la colline Parlementaire dans le calcul. Selon ces chiffres, la population s’est très légèrement accrue.

« Petite hausse ou petite baisse, ça ne change pas le constat. Sur le fond, le but est de ramener des gens dans le Vieux-Québec », dit Mme Coulombe-Leduc.

Elle note que la précédente administration misait beaucoup sur la construction de nouveaux logements. L’administration Marchand entend quant à elle miser sur l’amélioration de la qualité de vie des résidants.

S’il y a une qualité de vie, les résidants actuels auront moins envie de partir. Il faut en faire un quartier vivant et habité conçu en fonction de ceux qui y habitent.

Mélissa Coulombe-Leduc, conseillère municipale du district du Cap-aux-Diamants

Si la Ville réussit à stopper le déclin démographique du quartier, à le rendre plus vivant, alors elle pense que les touristes seront heureux de le visiter. « Aucun touriste n’aime visiter un quartier dénaturé, vide, inanimé, croit-elle. Le fait de mettre le citoyen au cœur de notre réflexion, c’est ce qui va faire que les gens qui viennent nous visiter vont trouver ça le fun. »

Ni épicerie ni école publique

La solution n’est pas simple. Les logements offerts en location à court terme de type Airbnb n’expliquent pas tout. En fait, selon Statistique Canada, le nombre total de « logements privés occupés par des résidents habituels » a légèrement augmenté dans le Vieux-Québec de 2011 à 2021.

L’administration Marchand a annoncé récemment un projet pilote de piétonnisation dans le Vieux-Québec l’été prochain. Elle cherche aussi un moyen d’inciter des propriétaires de logements vacants – par exemple au-dessus des commerces de la rue Saint-Jean – à les remettre sur le marché locatif.

L’Hôtel-Dieu possède aussi un grand parc immobilier dans le Vieux-Québec. Plusieurs activités sont destinées à être transférées dans le mégahôpital de l’Enfant-Jésus. « Est-ce qu’on peut créer une coop d’habitation, du logement social ? Ce sont des questions qu’on va devoir se poser », soulève Mme Coulombe-Leduc.

Puis il y a la question des services. Le Vieux-Québec n’a plus d’épicerie ni d’école publique.

Le professeur de géographie Étienne Berthold a élevé trois enfants dans le Vieux-Québec. « C’est très minoritaire », dit-il.

Selon lui, le quartier a un problème de rétention. « Québec est une agglomération de banlieue et je pense que le Vieux-Québec joue un rôle transitoire dans le début de la vie adulte, chez des étudiants par exemple, qui ne vont pas forcément établir leur vie future ou familiale dans le quartier », dit le professeur agrégé au département de géographie de l’Université Laval.

Le prochain recensement va concorder avec la fin du premier mandat de Bruno Marchand. Les nouveaux chiffres seront cruciaux pour savoir si le nouveau maire est parvenu à faire bouger le « paquebot » démographique du Vieux-Québec.

* Nous utilisons les données intra-muros pour ce tableau car cette unité géographique a l’avantage d’être restée la même depuis 1951.