L'expulsion de deux diplomates canadiens travaillant pour l'OTAN en Russie a ravivé de nouveau les tensions entre les deux pays, mercredi. Si Moscou a assuré qu'il ne s'agissait que de représailles «normales» contre l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, le premier ministre canadien, Stephen Harper, y a vu la démonstration que les relations russo-canadiennes s'effritent.

«Ce n'est pas la guerre froide entre le Canada et la Russie. Mais ce n'est pas une relation idéale», a dit M. Harper en conférence de presse à Prague, où il participait au sommet Canada-Union européenne, mercredi.

Quelques jours après l'expulsion de deux diplomates russes en poste au siège social de l'OTAN à Bruxelles, en Belgique, la Russie a répliqué en montrant la porte à Isabelle François et à Mark Opgenorth, respectivement chef et chef adjoint du Bureau d'information de l'OTAN à Moscou.

À Prague, M. Harper a rétorqué que les deux Canadiens n'avaient rien fait d'illégal qui justifierait une expulsion. Le premier ministre a indiqué que le Canada continuera à exprimer ses inquiétudes chaque fois que la Russie se livrera à des activités inacceptables aux yeux des autorités canadiennes.

«J'ai déjà exprimé nos inquiétudes envers le comportement général de la Russie. Nous continuons à être préoccupés par certains comportements de la Russie. Nous sommes préoccupés, mais en même temps nous allons continuer à dialoguer avec les Russes sur les questions des droits de la personne, de la démocratie et de l'espionnage», a affirmé M. Harper.

Il y a quelques semaines, le ministre de la Défense, Peter MacKay, avait révélé que des avions russes avaient passé tout près d'entrer dans l'espace aérien canadien le jour même de la visite au Canada du président des États-Unis, Barack Obama. Les autorités russes avaient démenti vigoureusement ces informations.

Néanmoins, les relations entre le Canada et la Russie «auraient besoin de s'améliorer», a estimé Peter MacKay en matinée.

Le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, a rencontré, en après-midi, l'ambassadeur russe au Canada, Georgiy Mamedov, pour demander des explications et exprimer son inquiétude.

Il s'avère en fait que les deux diplomates canadiens étaient les seuls employés étrangers travaillant pour l'OTAN à Moscou. Après un froid diplomatique de plus de six mois, à la suite de l'invasion éclair de la Géorgie par les troupes russes, l'OTAN n'a repris que récemment le dialogue avec Moscou.

Un bureau sous pression

Une source bien au fait des relations entre l'alliance atlantique et la Russie, à Moscou, soutient toutefois que le Bureau d'information de l'OTAN (NIO), chargé d'informer la population sur les actions de l'alliance, est de plus en plus «mis sous pression» par la Russie depuis le sommet de Bucarest d'avril 2008. C'est à cette occasion qu'a été discutée une éventuelle adhésion à l'OTAN des ex-républiques soviétiques d'Ukraine et de Géorgie, ce à quoi s'oppose farouchement Moscou.

«Déjà, l'automne dernier, les Russes laissaient entendre que l'avenir du NIO était compromis, poursuit cette même source. L'épisode actuel est peut-être simplement utilisé pour mettre la clé sous la porte d'un organisme qui ne servait pas vraiment les intérêts russes.»

Mme François avait été nommée directrice du NIO en novembre 2004. Détachée à l'OTAN par le ministère de la Défense en 1998, elle a été l'un des principaux artisans de la création du Conseil OTAN-Russie en 2002.

Mercredi matin, la Russie n'a pas expliqué les raisons précises de ces expulsions à l'ambassadeur canadien Ralf Lysyshyn. Le ministère russe des Affaires étrangères s'est contenté de lui remettre une note diplomatique se référant à l'article 9 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Cet article stipule que «l'État accréditaire peut, à tout moment et sans avoir à motiver sa décision, informer l'État accréditant que le chef ou tout autre membre du personnel diplomatique de la mission est persona non grata [...]».

Le Ministère russe a toutefois clairement indiqué par la suite qu'il répondait ainsi à une «action inamicale de la part de l'OTAN en ce qui concerne des officiels russes au quartier général de l'OTAN».

Le 30 avril, l'OTAN a ordonné l'expulsion de deux diplomates russes, soupçonnés d'être liés à l'affaire Herman Simm. Ce dernier est un haut fonctionnaire estonien condamné en février dernier par la justice de son pays à 12 ans de prison pour avoir livré plus de 2000 documents secrets de l'OTAN à Moscou.

M. Simm a avoué avoir fourni des informations à des «membres des renseignements russes», mais Moscou a tout nié, parlant d'une «provocation grossière» basée sur des «prétextes fantaisistes».

Le nouvel incident survient au moment où l'OTAN entamait mercredi une série d'exercices militaires en Géorgie, qui doivent durer un mois. La Russie avait estimé la semaine dernière que la décision de maintenir ces opérations dans un pays contre qui elle a combattu une guerre éclair l'été dernier relevait de la «provocation».

Les partis de l'opposition à Ottawa ont dit espérer que l'expulsion des diplomates ne constituerait pas une nouvelle étape dans l'escalade des tensions entre le Canada et la Russie.

- Avec la collaboration de Malorie Beauchemin