«À tout bout de champ, lorsqu'on voyait des voitures virer dans la cour, on espérait toujours que ça soit elle. Maintenant, on va pouvoir entreprendre notre deuil.»

Après avoir passé quatre ans presque jour pour jour à nager en plein brouillard, Alain Sénécal est la fois atterré et soulagé par les nouveaux rebondissements entourant la mystérieuse disparition de sa belle-fille Nathalie Fournier. Au cours d'une fouille menée conjointement depuis jeudi par des policiers de New York et de la Sûreté du Québec, des restes humains -possiblement ceux de la disparue- ont été retrouvés dans une sablière de Malone, une municipalité nichée au nord de l'état de New York.

Nathalie Fournier, 28 ans, s'était volatilisée le 14 octobre 2004 après avoir grimpé à bord du véhicule d'un camionneur rencontré dans le bar d'effeuilleuses où elle travaillait, à Saint-Mathieu-de-La Prairie.

Les fouilles entreprises pour retrouver le corps de cette Catherinoise sont le fruit du hasard.

Tout a commencé jeudi, lorsque des policiers new-yorkais ont frappé à la porte de Adam J. Morris, 30 ans, un camionneur soupçonné de posséder du matériel de pornographie juvénile. «Nous enquêteurs ont intercepté un échange de fichier, qui menait chez lui», a expliqué hier en point de presse le commandant Richard C. Smith Jr, de New York State Police.

Les policiers américains ont perquisitionné la résidence du suspect, qui habite avec ses parents à Malone.

Un policier américain, qui a collaboré il y a quatre ans à l'enquête sur l'enlèvement de la Québécoise, a eu la puce à l'oreille.

Il se souvenait de ce Adam J. Morris, dont le nom figurait sur la liste des suspects. «Il avait même été interrogé mais il n'y avait pas assez d'éléments pour le faire accuser», a souligné le lieutenant François Doré de la Sûreté du Québec.

Les policiers ont alors obtenu un deuxième mandat pour cuisiner Morris sur cette autre affaire. Le suspect s'est mis à table. Il a indiqué aux policiers l'endroit où il avait enfoui le corps de Nathalie Fournier, une sablière située près de chez lui.

Les agents américains ont aussitôt informé leurs confrères de la Sûreté du Québec de leur découverte.

Résultat: plusieurs agents de la SQ, dont cinq enquêteurs du module des crimes non résolus, appuyés par une vingtaine de policiers locaux américains ont été dépêchés sur place. «Jusqu'à présent, un fragment de jambe humain a été trouvé», a précisé M. Doré.

Les ossements retrouvés seront analysés pour déterminer s'ils s'agit bien ceux de la jeune femme.

En attendant, les policiers continuent de ratisser les lieux. Un travail compliqué par tous ces débris jonchant le site qui sert aussi de décharge.

Espoir

Rencontré hier chez lui à Napierville, Alain Sénécal avait le téléphone vissé à l'oreille. Ce dernier ne dérougissait pas. D'un côté les policiers qui le tenait informé. De l'autre, des proches désireux de se mettre au parfum des développement d'une affaire qui accumulait la poussière.

La famille avait évidemment toujours espéré revoir Nathalie vivante, mais sa consommation de drogue et ses mauvaises fréquentations n'auguraient rien de bon. «On a essayé de lui parler pour la sortir de ce milieu, mais elle répondait à sa mère: fais-toi en pas, je suis bien», a raconté M. Sénécal, avant d'ajouter: «On ne fait pas ce qu'on veut avec nos enfants, mais ce qu'on peut.»

Nathalie Fournier entretenait malgré tout de bonnes relations avec sa famille, en particulier avec ses deux frères. «C'était une super fille, en forme, qui pouvait jogger 10 kilomètres sans problème. Une fille avec un grand coeur qui pouvait tout donner», souligne Alain Sénécal, qui, comme sa famille, devra désormais parler de Nathalie Fournier au passé.

La dernière fois qu'elle a été vue, Nathalie Fournier terminait son quart de travail au bar salon 38 de Saint-Mathieu-de-La Prairie, où elle travaillait comme effeuilleuse depuis un an.

Le patron et les employés de l'endroit étaient secoués hier. «C'est dommage pour la p'tite, elle faisait partie de la famille», a indiqué le propriétaire Lorenzo Michetti, dont le bar jouxte le restaurant La place à Lorenzo. M. Michetti se souvient d'une bonne fille, qui aimait faire la fête.

Peut-être même un peu trop.

Ses problèmes de consommation étaient connus. «Le soir de sa disparition, elle a reçu une offre indécente de la part du camionneur. Il lui a offert 1000$ pour la suivre», a souligné M. Michetti.

Le propriétaire se souvient très bien du suspect, un Américain qui garait depuis quelque temps son camion-citerne dans le stationnement du bar. «C'était un gros monsieur, bâti, avec un bouc, il avait l'air d'un tueur», se souvient-il.

Le propriétaire et d'autres employés ont tenté de raisonner Nathalie de ne pas partir avec le client.

En vain. «Depuis ce soir-là, c'est notre devoir de tout faire pour empêcher les filles de partir avec un inconnu», a laissé tomber le propriétaire.

On ignore encore si le présumé meurtrier sera accusé aux États-Unis ou en sol canadien. «L'enlèvement et la séquestration a eu lieu en Montérégie mais si le meurtre est survenu aux États-Unis, il pourrait être accusé là-bas», a résumé le lieutenant Doré.