Le gouvernement Couillard roule déjà au ralenti depuis plusieurs semaines. Il sera paralysé dans deux semaines si les avocats et notaires exécutent le mandat de grève générale qu'ils ont donné hier aux dirigeants de leur association.

Seulement la moitié des 1100 avocats et notaires ont voté pour la grève - 84 % des 600 qui se sont prévalus de leur droit de vote. Mais l'impact de cette « grève générale illimitée » qui devrait débuter le 24 octobre sera dramatique pour le fonctionnement de l'appareil. « Le gouvernement sera semi-paralysé », soutient Me Jean Denis, président de l'Association des avocats et notaires de l'État québécois.

Des sources au sein du gouvernement sont plus catégoriques. Déjà, depuis des semaines, la machine tourne au ralenti à cause du mécontentement des juristes. Le comité de législation, le passage obligé de tous les projets de loi, est comme un moulin qui n'a plus rien à moudre depuis un moment. Le comité des priorités du gouvernement tergiverse pour se décider quant aux mesures à prendre au sujet des chiens dangereux, et le forum mensuel des sous-ministres s'est réuni la semaine dernière pour entendre une présentation on ne peut plus générale du premier fonctionnaire Roberto Iglesias.

Les projets de loi qui devaient être déposés cet automne, et qui risquent d'être reportés, sont nombreux et importants.

Déjà, les moyens de pression des juristes ont eu pour conséquence que la plupart des projets de lois ne sont même pas sortis de leur ministère, et sont donc loin d'avoir franchi la brochette des comités ministériels.

Une ambitieuse réforme du Code de la sécurité routière était au menu, avec de nouvelles dispositions pour les cyclistes et une série de demandes de la Société de l'assurance automobile du Québec (SAAQ). Aux Transports, encore, la SAAQ attend le feu vert du contentieux pour une réforme comptable nécessaire afin d'éviter un déficit technique.

Du côté des Finances, un projet de loi devait être déposé, une mesure omnibus pour appliquer les mesures du dernier budget.

Rita de Santis devait déposer cet automne une réforme importante de la Loi sur l'accès à l'information. Le ministre de la Santé, Gaétan Barrette, a aussi soumis plusieurs projets actuellement dans les comités ministériels.

Les affaires municipales engorgées

Mais c'est surtout du côté du ministre Martin Coiteux que le bât blesse. La Ville de Montréal ajoute constamment des demandes au projet de loi sur la métropole que le ministre des Affaires municipales comptait déposer rapidement. Il croyait même pouvoir l'adopter avant les Fêtes.

Un autre projet dans les limbes : une mesure sur la « proximité » destinée aux municipalités et promise tout récemment au congrès de la Fédération québécoise des municipalités.

M. Coiteux promettait de déposer au début de la session parlementaire son projet de loi sur les chiens dangereux, suscité par la controverse autour des pitbulls à Montréal. Rien n'est sorti de son ministère encore.

Le projet de train électrique de la Caisse de dépôt suppose d'importants changements législatifs ; actuellement, une ville ne peut injecter d'argent pour des infrastructures dont elle n'est pas propriétaire, un beau casse-tête à soumettre aux légistes, à condition bien sûr qu'ils soient au travail.

À l'Agriculture, on est sur la touche pour un projet de loi sur les pesticides et l'utilisation des OGM.

Au Travail, on ne travaille plus, justement, sur un projet de loi sur la santé et la sécurité du travail relativement à la qualité de l'air.

Et les projets de loi déjà déposés?

Les juristes de l'État ne peuvent retarder l'avancement d'un projet de loi déjà déposé à l'Assemblée nationale. En ce sens, ils doivent fournir les amendements qu'est susceptible de leur demander une commission parlementaire. Sans quoi ils risquent de commettre un outrage au Parlement.

Mais ces projets de loi nécessiteront dès leur adoption qu'une réglementation toujours très technique soit prête. C'est le cas notamment des dispositions pour appliquer les projets de loi 62 sur la neutralité religieuse, 66 sur les thanatologues, 108 sur l'Autorité des marchés financiers, 109 sur la Ville de Québec et 106 sur la Politique énergétique. Les nouveaux pouvoirs, nombreux, dont le ministre des Transports doit disposer dans la foulée de la Loi sur le taxi nécessitent aussi beaucoup de travail réglementaire.

L'Association estime avoir assez de ressources financières pour mener une grève de près d'un mois. En 2011, le gouvernement avait décrété les conditions de travail des avocats, dont la convention collective est échue depuis avril 2015. Ils réclament qu'un arbitre, qu'ils choisiraient de concert avec Québec, puisse trancher en ce qui concerne leurs conditions de travail - leur salaire moyen est de 106 000 $ et peut atteindre 124 000 $ pour une semaine de 35 heures. Ils estiment mériter le même traitement que les procureurs de la Couronne et ont obtenu un avis de l'ex-ministre libéral Benoît Pelletier, qui leur reconnait les mêmes responsabilités.

Photo Yan Doublet, archives Le Soleil

Martin Coiteux, ministre des Affaires municipales du Québec