Les dirigeants du Parti libéral envisageaient hier soir d'exclure du caucus la députée Fatima Houda-Pepin, après qu'elle fut entrée en collision avec son chef Philippe Couillard lors d'une réunion à huis clos, mercredi.

> À suivre ce matin: point de presse de Philippe Couillard à 10h00

Estimant qu'elle ne jouait pas le rôle d'avant-plan qu'elle aurait mérité sur les questions de laïcité, elle a claqué la porte, furieuse, et quitté la réunion sur-le-champ.

Une conférence téléphonique à laquelle a participé Philippe Couillard conclut que la députée de La Pinière a posé «des gestes de rupture» qui rendent difficile la poursuite de sa carrière comme députée libérale. La position de Mme Houda-Pepin sur la délicate question de la laïcité est carrément opposée à celle de son parti.

Avant le caucus de mercredi, Mme Houda-Pepin avait frappé un mur avec son intention de déposer un projet de loi pour lutter contre l'intégrisme religieux au Québec. Son ébauche de projet de loi ressemblait davantage à un manifeste politique, ont confié des sources libérales. Elle y reprenait les propositions de Bouchard-Taylor, l'interdiction du port de signe religieux pour les fonctionnaires en autorité. Surtout, elle préconisait aussi une instance de surveillance des manifestations d'intégrisme religieux au Québec.

Après que La Presse eut laissé quelques messages sur sa boîte vocale, en début d'après-midi, Mme Houda-Pepin a exprimé ses doléances dans une lettre. Elle y concentre ses critiques sur des déclarations de son collègue Marc Tanguay, sur le tchador, des propos qui l'ont «sidérée, blessée et choquée». M. Tanguay, qui fait partie du comité du PLQ sur la laïcité, a soutenu publiquement que les femmes portant le tchador pourraient être candidates pour le PLQ, et une fois élues siéger à l'Assemblée nationale. Or, au préalable ces candidates devraient être cautionnées par le chef du parti, rappelle Mme Houda-Pepin dans sa lettre, réprouvant que son parti puisse proposer comme modèle d'égalité entre les sexes «celui de l'Arabie saoudite ou de l'Iran des ayatollahs». Le tchador «est l'expression même de l'oppression des femmes», écrit-elle. «Suis-je encore dans le Parti libéral dont les élites [...] ont mené un combat courageux pour la séparation de l'Église et de l'État», poursuit-elle, dans sa lettre, où elle dit s'exprimer «en son nom personnel».

La lettre de la députée libérale

«On est dans un pays libre, Mme Houda-Pepin a droit à ses opinions», s'est contenté de répondre Me Tanguay hier. Cette sortie du député Tanguay, «c'est la goutte qui a fait déborder le vase», écrit Mme Houda-Pepin, rappelant que jamais on n'avait discuté du tchador au sein du caucus libéral. La députée n'a pas rappelé La Presse, pas plus que ses collègues libéraux après son esclandre, à huis clos.

Couillard défié

Au caucus, Mme Houda-Pepin s'est heurtée de plein fouet à Philippe Couillard. «Elle l'a affronté, elle martelait: «Vous ne m'avez nommée nulle part [dans ce dossier]. Vous vous êtes trompé!»», ont confié des témoins. Sollicitée depuis des semaines par les médias pour commenter le projet de charte de Bernard Drainville, Mme Houda-Pepin a fait valoir à ses pairs libéraux qu'elle était à l'Assemblée nationale clairement l'élue qui connaissait le mieux ces questions.

Après le plaidoyer de Mme Houda-Pepin, Philippe Couillard lui aurait répliqué, sans appel, qu'à titre de chef il avait fait un choix, et «estimait avoir mis les bonnes personnes aux bons endroits».

À ses collègues du caucus, Mme Houda-Pepin a souligné être plus proche de la position de la commission Bouchard-Taylor que de celle de son propre parti, qui prône la totale liberté quant au port de signes religieux ostentatoires - à l'exception du voile intégral.