Alors que commençait aujourd'hui l'étude du projet de loi 75, qui vise à donner de nouveaux pouvoirs à la commission Charbonneau, l'UPAC a rappelé dans une lettre «sa préoccupation» pour la protection de la preuve. L'élargissement des pouvoirs de la commission Charbonneau ne doit pas «entraver son obligation de ne pas nuire aux enquêtes», a indiqué le patron de l'UPAC, Robert Lafrenière.

La nouvelle loi a été rédigée à la demande de la commission Charbonneau. On lui donne de nouveaux pouvoirs d'inspection, de perquisition et de saisie afin qu'elle puisse mieux remplir son mandat. Le projet de loi est bien accueilli par le PQ, qui ne demande pas d'amendement pour l'instant. Il devrait être adopté avant la fin des travaux parlementaire, à la mi-juin.

C'est à la demande de l'Assemblée nationale que l'UPAC a fait parvenir son avis. Le procureur en chef de la commission Charbonneau, Me Sylvain Lussier, s'est montré rassurant. La protection de la preuve est inscrite dans le mandat de sa commission. Et ce mandat est respecté, car il y a une «belle collaboration avec l'UPAC», a-t-il affirmé.

Les nouveaux pouvoirs ajoutent-ils un risque de contamination de la preuve? «Le plus grave problème qui interfère avec le travail des policiers, ce n'est pas le pouvoir d'inspection et de saisie qu'on demande. C'est le pouvoir particulier qu'on a de forcer les gens à témoigner. Et ça, ça ne change pas avec le projet de loi 75. Ça existe déjà dans la loi sur les commissions d'enquête», explique Me Lussier.

Si la commission Charbonneau force une personne à témoigner, cela pourrait porter atteinte dans un futur procès à son droit de garder le silence. Et cela pourrait ainsi contaminer un jury. Ce n'est pas le cas dans un procès devant un juge, qui est réputé apte à ne pas considérer les éléments de preuve non pertinents.

De tels défis pourraient se présenter notamment pour Paolo Catania et Tony Accurso, deux entrepreneurs de construction qui sont accusés au criminel et qui sont susceptibles d'être interrogés par la commission Charbonneau.

Ce défi n'est pas nouveau. Il s'était présenté aussi à la commission Gomery, où les témoins Charles Guité et Jean Brault devaient avoir un procès en parallèle à la commission.

«Nous avons aménagé des protections pour faire en sorte que leur droit à un procès juste et équitable soit intégralement protégé», explique Me Lussier, qui était également procureur à la commission Gomery. Parmi ces protections: reporter un témoignage à la fin du procès, faire témoigner une personne mais émettre une ordonnance temporaire de non-publication sur les faits en cause dans le procès, ou encore poser des questions très larges qui s'intéressent aux stratagèmes sans porter sur les faits en cause dans un procès.

«Ce que l'UPAC dit, c'est qu'il faut être prudent et avoir du doigté. C'est aussi ce que dit aussi la commission Charbonneau. Tout le monde est sur la même longueur d'onde. Il faut se forcer pour y voir une controverse», a dit le ministre de la Justice, Jean-Marc Fournier.