Le projet de modernisation du Sénat se heurte à la résistance d'un noyau de sénateurs réfractaires à l'évacuation du caractère partisan des caucus, déplore le sénateur indépendant André Pratte.

Depuis la présentation des 21 recommandations du comité sénatorial spécial sur la modernisation du Sénat, en octobre, presque rien n'a bougé, «tout est bloqué», regrette en entrevue avec La Presse canadienne le nouveau venu à la chambre haute.

Il reproche à certains sénateurs - en particulier ceux qui occupent les banquettes conservatrices - d'avoir continuellement recours à des tactiques procédurales pour empêcher le renvoi du dossier à un comité du Sénat afin de changer le règlement.

Selon le sénateur Pratte, les réticences entourent principalement les recommandations sur la reconnaissance du groupe des sénateurs indépendants ainsi que la composition des comités sénatoriaux.

Il trouve «frustrant» d'être confronté à une telle opposition alors qu'on parle de changements «de base» qui sont essentiellement des «préludes» en vue d'une réforme plus en profondeur de l'institution.

«Si on est bloqués sur des changements de base comme ça, comment est-ce qu'on va pouvoir apporter des changements plus fondamentaux qui vont vraiment réduire le rôle des partis politiques, le contrôle que les partis politiques ont sur le Sénat?», a demandé M. Pratte.

Le leader de l'opposition conservatrice au Sénat, le sénateur Claude Carignan, balaie du revers de la main les accusations d'obstruction parlementaire balancées par son collègue, les qualifiant de «ridicules».

«Je pense que M. Pratte va devoir respecter le processus parlementaire auquel il participe maintenant (...) et arrêter de faire des procès d'intention», a-t-il offert en entrevue avec La Presse canadienne.

En même temps qu'il assure que les troupes conservatrices ne se livrent pas à de l'obstruction à la chambre haute, le sénateur Carignan souligne que la partisanerie a sa place au Sénat du Canada.

«Dans les Parlements qui sont sous le régime de Westminster, la présence des partis politiques est essentielle, elle a toujours fait partie intégrante des systèmes depuis des siècles», a-t-il fait valoir.

«Si ça fait 150 ans que ça existe comme ça, c'est peut-être parce que ça fonctionne. Donc avant de faire ces changements-là, il faut les étudier de façon extrêmement attentive. Il faut surtout créer un consensus et arrêter de faire des procès d'intention», a suggéré M. Carignan.

Les sénateurs conservateurs ont perdu leur majorité au Sénat avec l'arrivée d'une flopée de nouveaux sénateurs nommés par le premier ministre Justin Trudeau en vertu d'un système «fondé sur le mérite».

Sur les 105 sièges que compte la chambre haute, 39 sont occupés par des conservateurs, 19 par des libéraux indépendants et huit par des non affiliés. Le groupe des sénateurs indépendants est actuellement composé de 34 membres. Cinq sièges sont vacants.