Le gouvernement Harper ne se sentira pas lié par les conclusions du rapport du BAPE sur l'oléoduc Énergie Est, une évaluation annoncée cette semaine par le gouvernement Couillard.

Le gouvernement Harper soutient que la responsabilité constitutionnelle d'évaluer des projets de nature interprovinciale revient au fédéral. Et l'évaluation de l'Office national de l'énergie (ONÉ) sera la seule étudiée au moment d'approuver ou de rejeter le vaste projet de 12 milliards, a-t-on confirmé au bureau du ministre fédéral des Ressources naturelles, Greg Rickford.

«Le gouvernement fédéral se fie à l'évaluation rigoureuse, exhaustive et indépendante de l'Office national de l'énergie pour des décisions liées aux projets d'infrastructure en énergie», a résumé le porte-parole du ministre, Chris McCluskey.

Dans une lettre expédiée à TransCanada cette semaine, le ministre québécois de l'Environnement, David Heurtel, énonce sept conditions pour que son gouvernement appuie le projet. Parmi celles-ci, l'ensemble du tronçon québécois d'Énergie Est doit être soumis à une évaluation du Bureau des audiences publiques sur l'environnement (BAPE).

Cette étude doit tenir compte des émissions de gaz à effet de serre produites en amont de l'oléoduc par l'extraction de pétrole des sables bitumineux. Cet élément ne sera pas examiné par l'ONÉ.

En saisissant le BAPE du dossier, Québec a contredit TransCanada, qui soutient qu'Énergie Est relève de l'autorité du gouvernement fédéral. La compagnie avait seulement accepté de soumettre son plan de bâtir un terminal pétrolier à Cacouna à l'examen du BAPE.

M. Heurtel soutient au contraire que le Québec aura son mot à dire sur l'ensemble du volet québécois du projet, y compris le pipeline.

«Québec va assumer ses compétences en matière environnementale sur l'ensemble de la portion québécoise du projet», a-t-il indiqué hier matin.

Le Parti québécois presse le gouvernement libéral d'aller plus loin et d'affirmer haut et fort son pouvoir de décider du sort d'Énergie Est sur son territoire.

«Assumer pleinement ses compétences, si les compétences se terminent à exprimer son opinion et ne pas décider, ça ne va pas assez loin», a résumé le député péquiste Sylvain Gaudreault.

L'avocat Jean Baril, du Centre québécois du droit de l'environnement, croit que Québec dispose d'un important levier légal si les conclusions du BAPE sont différentes de celles de l'ONÉ. La loi provinciale prévoit que la construction de tout oléoduc de plus de deux kilomètres dans une nouvelle emprise est assujettie à la procédure d'évaluation des impacts sur l'environnement, note-t-il.

Levier politique

Bien que les conclusions du BAPE ne seront pas prises en compte par le fédéral, une source à Ottawa concède qu'il serait politiquement risqué de donner le feu vert à Énergie Est si le gouvernement du Québec s'y oppose.

Le ministre québécois des Ressources naturelles, Pierre Arcand, l'a d'ailleurs souligné hier matin.

«Ça reste une compétence fédérale, mais on a un pouvoir moral extrêmement important, a-t-il dit. D'ailleurs, sur cette question, on ne peut pas penser faire ce projet si le gouvernement du Québec n'a pas son mot à dire.»

Le gouvernement Harper compte proposer sous peu de nouvelles règles pour renforcer la sécurité des pipelines. Le ministre Rickford doit visiter Québec dans les prochaines semaines.

TransCanada n'était pas en mesure de commenter les conditions imposées par Québec, hier.