Les députés de la Chambre des communes se sont prononcés par un vote de 157 à 134 mardi soir pour une intervention militaire en Irak. Il revient maintenant aux soldats des Forces canadiennes de mener à bien cette délicate mission visant à détruire les cibles du groupe armé État islamique (EI).

Le Canada se joint donc officiellement à la coalition internationale assemblée par les États-Unis, qui mène des frappes aériennes en Irak afin de contrer la fulgurante progression de ce groupe terroriste qui sème la terreur dans le nord de l'Irak ainsi que dans l'est de la Syrie et qui s'approche dangereusement de la frontière turco-syrienne.

600 membres des Forces armées

En tout, le Canada déploiera six avions de chasse CF-18, deux appareils Aurora pour mener des missions de renseignement, de reconnaissance et de surveillance et un avion stratégique CC-150 Polaris pour ravitailler en carburant les avions de chasse en plein vol. Quelque 600 membres des Forces canadiennes seront affectés à cette mission de combat qui doit en principe durer six mois. Le Canada ne déploiera pas de troupes au sol dans le cadre de cette mission.

Les avions de chasse CF-18 partiront de la base de Cold Lake, en Alberta, et devraient être en mesure d'effectuer leurs premières sorties pour détruire les cibles de l'EI d'ici trois semaines. Les troupes canadiennes seraient basées au Koweït, rapporte le réseau CTV.

Le gouvernement Harper a aussi prolongé la mission des 69 soldats canadiens pouvant se rendre dans le nord de l'Irak afin de conseiller les troupes irakiennes sur les meilleures stratégies militaires à utiliser pour contrer la menace que représente l'EI.

«Il nous faut absolument agir, de concert avec nos alliés, pour bloquer la propagation de l'EI dans la région et diminuer sa capacité de lancer des attaques terroristes à l'extérieur de la région, notamment contre le Canada», a affirmé mardi soir le premier ministre Stephen Harper dans un communiqué de presse à l'issue du vote.

«Nous ne prenons pas cette mesure à la légère. La menace que présente l'EI est bien réelle. Sans une intervention, cette organisation terroriste se développera, et rapidement. Elle a déjà fait connaître ses intentions terroristes à l'échelle locale et à l'échelle internationale et le Canada a été cité comme cible potentielle», a-t-il ajouté.

«Notre gouvernement a le devoir de protéger les Canadiens et de mettre l'épaule à la roue pour contrer les menaces comme celle que présente l'EI. Nous devons faire notre part», a-t-il encore dit.

Un débat de 12 heures

Les députés ont débattu des mérites de cette nouvelle mission de combat confiée aux Forces canadiennes pendant près de 12 heures à la Chambre des communes. Plusieurs ministres du gouvernement Harper ont dénoncé cette nouvelle mission de combat six mois seulement après le retrait complet des soldats canadiens de l'Afghanistan.

Le NPD s'est opposé avec fermeté à la décision du gouvernement Harper, affirmant que le Canada pouvait jouer un autre rôle, notamment en facilitant l'envoi d'aide humanitaire pour soulager la misère des centaines de milliers de réfugiés qui ont échappé aux griffes de l'EI.

Le chef du NPD, Thomas Mulcair, a aussi dit craindre qu'une telle mission de combat ne permette à l'EI de recruter plus facilement de nouveaux sympathisants. Citant le journal israélien Haaretz, il a souligné que 6000 nouveaux combattants se sont joints à l'EI dans les semaines qui ont suivi les premiers bombardements, en août.

«Les conservateurs entraînent le Canada dans une guerre improvisée prolongée sans avoir de plan crédible pour aider les victimes de l'EI. Ils ont également ouvert la porte à un engagement du Canada dans la guerre civile sanglante qui a lieu en Syrie», a affirmé M. Mulcair après le vote.

Le Parti libéral s'est opposé aussi à la mission de combat après avoir soufflé le chaud et le froid pendant plusieurs jours. Mais un député libéral, Irwin Cotler, s'est abstenu de voter. Il a expliqué son geste en disant qu'il croit au principe de la responsabilité de protéger de l'ONU, mais que la motion rédigée par les conservateurs est trop vague et qu'elle prévoie, à tort selon lui, que le Canada demande l'approbation du «régime criminel syrien» de Bachar al-Assad pour mener des opérations en Syrie.

Des tiraillements chez les libéraux

Des fissures sont apparues dans les rangs libéraux au cours des derniers jours. D'anciens ministres libéraux ont soutenu que le Canada avait l'obligation morale de participer aux efforts de la communauté internationale visant à annihiler l'EI.

C'est notamment le cas de Lloyd Axworthy, l'ancien ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement libéral de Jean Chrétien, et d'Ujjal Dosanjh, ancien ministre de la Santé dans le gouvernement de Paul Martin.

L'ancien chef par intérim du Parti libéral, Bob Rae, a aussi affirmé que le Canada ne pouvait pas laisser aux autres la tâche de combattre l'EI. Le lieutenant-général à la retraite des Forces canadiennes Roméo Dallaire, ancien sénateur libéral, est allé plus loin en disant que le Canada devrait envoyer aussi des troupes au sol pour venir à bout des djihadistes de l'EI. Mardi, le chef libéral Justin Trudeau a soutenu que son parti est uni sur cette question. «Le Parti libéral a toujours eu des voix fortes et des perspectives différentes qui nous entouraient, mais je peux vous dire qu'on a eu une conversation extrêmement robuste au caucus la semaine passée et c'est très clair que le caucus libéral actuel n'appuie pas l'approche de ce premier ministre», a-t-il dit.