Le gouvernement fédéral n'arrive pas à juguler la hausse des taxes et des impôts impayés: la dette globale des contribuables et des entreprises envers le fisc canadien a presque doublé en huit ans, passant de 18,5 milliards en 2005-2006 à 31 milliards en 2012-2013, a appris La Presse.

Les comptes en souffrance ont connu une augmentation appréciable dans la foulée de la crise économique de 2008, mais l'Agence du revenu du Canada (ARC) avait indiqué que cette hausse était prévisible compte tenu des difficultés financières qu'ont connues certains contribuables et bon nombre d'entreprises.

Mais la reprise de la croissance de l'économie canadienne n'a pas permis d'inverser cette tendance à la hausse, indiquent des documents obtenus par La Presse en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

L'ensemble de la dette fiscale de 31 milliards pour l'exercice financier 2012-2013 représente plus de 10% du budget annuel du gouvernement fédéral, qui s'élève à 280 milliards en 2014-2015.

À l'ARC, on affirme que l'agence déploie des efforts importants depuis plusieurs années afin de s'assurer que chaque contribuable paie sa juste part.

Causes

Le porte-parole Philippe Brideau a précisé que la hausse de la dette globale est imputable à l'augmentation de la population et du nombre d'entreprises ainsi qu'à l'harmonisation de la TPS avec la taxe de vente provinciale en Ontario. De plus, depuis 2009, l'ARC s'occupe également de gérer l'impôt provincial des sociétés de l'Ontario.

M. Brideau a ajouté que l'intensification de la lutte contre l'évasion fiscale a permis de débusquer des fraudeurs qui doivent de l'argent au fisc. Enfin, l'imposition d'intérêts sur des créances en souffrance contribue à augmenter la dette totale parce que les intérêts sont évidemment ajoutés à cette même dette.

«Le montant total de la dette fiscale pour l'exercice 2012-2013 représente de nombreux types de dettes, et la plupart des sommes dues sont garanties ou font l'objet d'un recouvrement actif. L'ARC travaille à recouvrer toutes créances à l'aide de stratégies automatisées dirigées par le Centre d'appels de la gestion des créances, par l'intermédiaire d'arrangements de paiement ou dans les recouvrements actifs par les bureaux des services fiscaux de l'ARC», a indiqué M. Brideau dans un courriel envoyé à La Presse.

Il a affirmé que la très grande majorité des contribuables paient les sommes dues au fisc dans les délais prescrits. En moyenne, au cours des cinq dernières années, plus que 90% des particuliers et des sociétés ont payé leurs impôts et taxes à temps et sans aucune intervention.

«L'ARC s'emploie constamment à améliorer son programme de recouvrement d'impôt en mettant en oeuvre de meilleures stratégies pour éviter qu'il y ait des dettes ou de les régler avant qu'une action judiciaire ne soit requise. Cela a entraîné une augmentation de la productivité grâce à une intervention précoce à moindre coût. En conséquence, le montant recouvré a augmenté de 87% entre 2005-2006 et 2011-2012», a précisé M. Brideau.

Il a tenu à souligner que ces efforts ont permis à l'ARC de recouvrer la somme de 37,3 milliards de dollars en dettes fiscales en 2012-2013 seulement.

- Avec la collaboration de William Leclerc

Une course contre la montre

Recouvrer les impôts et les taxes impayés constitue une véritable course contre la montre pour l'Agence du revenu du Canada. En effet, toute dette fiscale non payée doit être radiée après un délai de 10 ans. Ce délai a été imposé à la suite d'une décision de la Cour suprême du Canada rendue en 2003. Saisi d'une requête d'un contribuable, le plus haut tribunal du pays avait statué que toute dette fiscale devait être radiée après un délai de six ans. En mars 2004, le gouvernement fédéral a modifié la Loi sur les impôts pour étirer le délai à 10 ans.

Harper bien au courant de la situation

L'augmentation des taxes et impôts impayés semble préoccuper le premier ministre Stephen Harper. Les hauts fonctionnaires du Bureau du Conseil privé lui ont expédié une note d'information exhaustive en mai 2013 afin de lui dresser un portrait de la situation. Cette note a été envoyée quelques semaines après la publication d'un rapport du vérificateur général du Canada, Michael Ferguson, dans lequel il faisait état de la hausse de la dette fiscale. M. Ferguson concluait que l'ARC avait amélioré ses stratégies et ses techniques de recouvrement, en particulier dans le cas des dettes de plus de 10 millions de dollars, mais ajoutait qu'il y avait encore du travail à faire pour réduire cette dette.