Tenues dans l'ignorance quant aux coûts des réformes du gouvernement Harper en matière de justice criminelle, les provinces multiplient les pressions pour avoir l'heure juste, a appris La Presse.

Au moment où la plupart d'entre elles sont aux prises avec un déficit, les provinces «demeurent critiques face à l'escalade perçue des coûts des initiatives fédérales et du manque de consultation substantielle», peut-on lire dans une note d'information marquée «secrète», remise l'an dernier au ministre fédéral de la Sécurité publique, Vic Toews, que La Presse a obtenue en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

«Le ministre fédéral de la Sécurité publique fait souvent face à des questions agressives quant à la mise en oeuvre et aux coûts», ajoute l'auteur de la note au sujet de l'atmosphère des rencontres des ministres de la Justice du Canada et des provinces.

Outrage?

Le mécontentement qu'évoquent les fonctionnaires d'Ottawa rejoint celui qui se fait de plus en plus sentir dans la classe politique fédérale: lundi, le Parti libéral a soulevé une question de privilège pour demander au président de la Chambre des communes de contraindre le gouvernement à divulguer son évaluation des coûts.

Près du tiers des projets de loi du gouvernement à l'étude au Parlement sont associés à la justice criminelle. Malgré tout, le gouvernement Harper a toujours refusé de dire combien coûterait cet imposant corpus législatif au motif qu'il s'agit de secrets relevant du Conseil des ministres.

Pourtant, l'été dernier, le directeur parlementaire du budget, Kevin Page, a évalué qu'un seul de ces projets de loi pourrait coûter jusqu'à 10 milliards aux gouvernements fédéral et provinciaux dans les cinq prochaines années. Le projet en question, devenu loi depuis, abolit le fait de compter en double le temps passé en détention avant le prononcé de la peine. Ottawa croit que le coût de cette mesure ne dépassera pas 2,1 milliards.

Se basant sur le précédent établi par le président de la Chambre il y a quelques mois dans le dossier des documents sur les détenus afghans, l'auteur de la motion, le député Scott Brison, a fait valoir que, en gardant ces données secrètes, le gouvernement Harper empêche les parlementaires de faire leur travail et se rend coupable d'outrage au Parlement.

Le gouvernement a promis de répliquer dans les prochains jours.

Pour tenter d'y voir plus clair, les provinces ont de leur côté mis sur pied en 2006 un «groupe de travail sur les impacts cumulatifs» de la législation fédérale. Or, selon d'autres documents obtenus en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, cette fois par un étudiant au doctorat qui se spécialise dans ces questions, Justin Piché, cette dernière tentative s'est soldée par un échec. Et apparemment, les provinces sont toujours dans l'ignorance - du moins le Québec. «Il est difficile, voire impossible, de prévoir ou d'évaluer avec précision avant plusieurs années les impacts particuliers de chaque projet de loi, par exemple en raison de la non-disponibilité des données de base», a déclaré un porte-parole du ministère de la Sécurité publique du Québec.

Dans un tel contexte, la décision du président de la Chambre des communes «a le potentiel de changer la donne dans le débat politique au Canada», a écrit Justin Piché lundi sur son blogue (tpcp-canada.blogspot.com

).