(Québec) La création d’un comité scientifique qui se penchera sur l’identité de genre afin de guider les actions du gouvernement, des écoles et des décideurs en général surprend la communauté LGBTQ+. Un guide qui aborde spécifiquement la question de l’intégration des jeunes trans et non binaires dans le réseau scolaire a été publié en 2021 par le ministère de l’Éducation, rappelle le Conseil québécois LGBT.

En entrevue avec La Presse, son directeur général, James Galantino, se demande pourquoi le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, promet de réunir des « sages » sur ces questions, « alors que le travail a déjà été fait ».

« Tout ce travail a été fait. C’était un super travail que le gouvernement a fait en collaboration avec [d’autres ministères] et des experts scientifiques », affirme-t-il.

En juin 2021, lors du premier mandat de la Coalition avenir Québec (CAQ) au gouvernement, un guide à l’intention des milieux scolaires ayant pour titre « Pour une meilleure prise en compte de la diversité sexuelle et de genre » a été envoyé au réseau scolaire.

Le ministère de l’Éducation explique que son guide, qui s’appuie entre autres sur les travaux réalités par la Table nationale de lutte contre l’homophobie et la transphobie des réseaux de l’éducation, est « principalement destiné aux gestionnaires du réseau scolaire ». Il précise « les orientations du ministère de l’Éducation à l’égard de la prise en compte de la diversité sexuelle et de genre en milieu scolaire ».

Dans la section « pratiques éducatives et mesures administratives », Québec donne des exemples qu’il juge « appropriées », notamment :

  • « Adapter le code vestimentaire pour en extraire les marqueurs de genre ;
  • Permettre à la personne trans ou non binaire de porter les vêtements qu’elle considère comme cohérents avec l’expression de son identité de genre, [et]
  • Prévoir des lieux d’intimité neutres permettant le libre choix des élèves et du personnel ».

Mardi, le ministre Drainville a interdit aux écoles de convertir des blocs sanitaires en toilettes mixtes. Il a aussi indiqué que les directions pouvaient désigner des toilettes individuelles et fermées à l’usage de tous les utilisateurs, peu importe leur identité de genre.

Des droits prévus par la loi

Alors que le Nouveau-Brunswick a récemment imposé l’obligation aux élèves de moins de 16 ans d’avoir le consentement de leurs parents afin de changer leur prénom ou leur nom à l’école, le cadre légal au Québec est différent à ce sujet.

Le guide envoyé par le ministère de l’Éducation rappelle que des articles de la Loi visant à renforcer la lutte contre la transphobie et à améliorer notamment la situation des mineurs transgenres stipulent qu’« une demande de changement de nom d’un enfant mineur peut être faite par son tuteur ou par le mineur lui-même s’il est âgé de 14 ans et plus. »

« En vertu des modifications apportées à la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, l’établissement d’enseignement doit utiliser le prénom et le pronom usuels choisis par l’élève trans ou non binaire ainsi que respecter l’identité de genre à laquelle l’élève s’auto-identifie. […] Par ailleurs, le refus intentionnel ou persistant de respecter l’identité ou l’expression de genre de l’élève trans ou non binaire peut être considéré comme une forme de harcèlement ou de discrimination susceptible d’entraîner des conséquences légales », rappelle le ministère.

Le guide contient également un glossaire qui explique différentes notions comme l’expression de genre, l’identité de genre ou les orientations sexuelles, par exemple.

« Il est à noter que l’orientation sexuelle, l’identité de genre et l’expression de genre peuvent, selon les personnes, être vécues de façon nuancée et même fluctuer dans le temps », rappelle-t-on.

Un débat politique

Dans ce contexte, M. Galantino du Conseil québécois LGBT ne s’explique pas pourquoi le gouvernement souhaite obtenir de nouveaux éclairages d’experts. Il ajoute que Québec dispose également de l’expertise rassemblée au Bureau de lutte contre l’homophobie et la transphobie, sous la responsabilité de la ministre Martine Biron.

Depuis que le débat sur l’identité de genre a pris de l’ampleur, plus tôt cette semaine, l’organisme dit avoir noté une hausse de l’inquiétude auprès des communautés LGBTQ. M. Galantino ne s’explique pas non plus la sortie du chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, qui a associé les enjeux liés à l’identité de genre à la « gauche radicale ».

« La peur, c’est que ça glisse vers l’idée qu’on pourrait retirer des droits […]. Ça sème la peur et la panique. J’essaie de voir comment on peut apaiser les communautés là-dedans parce que ça inquiète beaucoup et on ne veut pas que ça dérape », dit-il.

En annonçant la création d’un comité de sages d’ici Noël, Bernard Drainville a affirmé mercredi que leur travail devait servir à fournir un « regard apaisé » sur toutes ces questions.