(Ottawa) La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, se dit inquiète pour la sécurité des diplomates indiens, suite à ce qu’elle qualifie d’affiches « inacceptables » annonçant des manifestations samedi dans les régions de Toronto et de Vancouver.

Ces affiches viennent s’ajouter à une série d’incidents au cours des dernières semaines qui ont accru les tensions entre Ottawa et New Delhi au sujet des séparatistes sikhs vivant au Canada.

Les manifestations de samedi sont organisées à la mémoire du leader sikh Hardeep Singh Nijjar, tué par balle le 18 juin dernier devant son temple à Surrey, en Colombie-Britannique. M. Nijjar, qui dirigeait ce temple, était un farouche opposant à l’Inde et un fervent partisan d’un État sikh indépendant.

Un bénévole de ce temple, Gurkeerat Singh, a déclaré que le jour où il a été assassiné, M. Nijjar avait prononcé un discours au temple et avait reçu de responsables du renseignement canadien des avertissements concernant sa sécurité.

Il y a un an, le gouvernement indien a offert une récompense de 1 million de roupies, soit environ 16 000 $, pour des informations susceptibles de conduire à l’arrestation de M. Nijjar. Il n’en fallait pas plus pour que certains affirment que sa mort était le résultat d’une ingérence étrangère. Mais la police affirme n’avoir trouvé au cours de son enquête aucun indice pouvant relier l’Inde à son assassinat.

Les deux manifestations prévues pour samedi se terminent devant le consulat indien local. Les affiches qui annoncent les évènements sur les réseaux sociaux incluent des photos du haut-commissaire indien au Canada et du consul général de chaque ville, présentés comme les « visages des tueurs de Nijjar ». On y lit aussi « tuer l’Inde ».

Dans une publication sur Twitter lundi soir, la ministre Joly écrit que le Canada prend « très au sérieux » la sécurité des diplomates étrangers et reste en contact avec les autorités indiennes « suite au matériel promotionnel inacceptable circulant en ligne » au sujet des manifestations de samedi. « Nous savons que les actions de certain.e.s ne sont pas représentatives de l’ensemble d’une communauté ni du Canada », ajoute la ministre.

Partageant la publication de sa collègue Joly, la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, ajoute que « le matériel promotionnel qui circule en ligne […] est inacceptable et ne représente pas les Canadiens ».

« Le Canada continuera à assurer la sécurité des diplomates étrangers dans ce pays — et nous prenons cette responsabilité au sérieux », conclut-elle.

Irritants des deux côtés

New Delhi accuse depuis longtemps le Canada d’abriter des « extrémistes » qui veulent se donner un État en Inde, le « Khalistan ». Mais Ottawa affirme que la liberté d’expression signifie que des groupes peuvent exprimer leurs opinions politiques tant qu’ils n’ont pas recours à la violence.

Des préoccupations similaires soulevées avant la visite d’État de Justin Trudeau en Inde, en 2018, avaient ajouté quelques difficultés à ce voyage officiel. M. Trudeau pourrait se rendre à nouveau en Inde plus tard cette année, car le sommet des dirigeants du G20 doit avoir lieu à New Delhi en septembre.

Il y a un mois, la conseillère à la sécurité nationale auprès du premier ministre, Jody Thomas, a déclaré que l’Inde était l’une des principales sources d’ingérence étrangère au Canada — une désignation qu’Ottawa réserve habituellement, du moins en public, aux États autoritaires.

Des médias indiens ont par ailleurs rapporté cette semaine que le haut-commissariat à Ottawa avait officiellement demandé au gouvernement canadien de renforcer la protection de ses hauts diplomates. La Presse Canadienne a demandé à la mission diplomatique de confirmer ces informations.

Plus tôt cette année, le haut commissaire Sanjay Kumar Verma a fait part de ses inquiétudes au sujet d’une manifestation tapageuse, le 23 mars, de groupes sikhs devant l’ambassade à Ottawa. Alors que les médias indiens ont signalé l’utilisation de grenades, la police d’Ottawa a déclaré qu’elle « enquêtait plutôt sur l’utilisation possible de bombes fumigènes pendant la manifestation ». L’enquête est toujours en cours.

Et le mois dernier, le ministre indien des Affaires étrangères a condamné le tableau d’un char allégorique, à Brampton, en Ontario, qui illustrait l’assassinat en 1984 de la première ministre indienne Indira Gandhi par ses deux gardes du corps sikhs. Le haut-commissaire du Canada en Inde, Cameron MacKay, s’était dit à l’époque « consterné » par « la glorification de la violence ».