(Québec) Le premier ministre François Legault tient à la candidature de Benoît Dubreuil comme tout premier commissaire à la langue française. Il va proposer au Parti libéral du Québec (PLQ) et à Québec solidaire (QS) de rencontrer son candidat dans l’espoir qu’ils se ravisent et lui donnent leur appui.

Au dernier jour de la courte session parlementaire vendredi, François Legault voulait proposer à l’Assemblée nationale la nomination de Benoît Dubreuil, mais il y a renoncé après que QS a annoncé son intention de voter contre et que le PLQ a fait volte-face.

Les libéraux avaient laissé entendre au gouvernement au cours de la semaine que la candidature de Benoît Dubreuil ne posait pas problème pour eux. Isabelle Gautrin, directrice de cabinet du chef intérimaire Marc Tanguay, avait avisé le gouvernement que le Parti libéral avait étudié cette candidature et qu’il donnait son feu vert. « Vous pouvez procéder », avait-elle écrit dans un courriel daté du 8 décembre.

Or les libéraux ont reculé le lendemain matin dans des échanges privés avec le gouvernement. Questionnés en conférence de presse, Marc Tanguay et son leader parlementaire Monsef Derraji n’ont toutefois pas voulu prendre position clairement sur la candidature de M. Dubreuil. Le gouvernement y voit une porte ouverte. Il garde espoir de les convaincre.

PHOTO ANDRE PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Benoît Dubreuil (à gauche) et Guillaume Marois, auteurs du livre Le remède imaginaire – Pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec, en 2011

De son côté, QS a déclaré publiquement le même jour qu’il s’opposait à la candidature proposée par François Legault. Elle n’est pas « rassembleuse », a plaidé son chef parlementaire, Gabriel Nadeau-Dubois, vendredi. « Cette candidature-là a, par le passé, exprimé des positions qui ne nous rejoignent pas », a-t-il ajouté, sans donner de détails. Il a évoqué, sans le nommer, l’essai Le remède imaginaire – Pourquoi l’immigration ne sauvera pas le Québec (Boréal, 2011) que Benoît Dubreuil a coécrit avec le démographe Guillaume Marois.

Une source gouvernementale a fait valoir que Québec solidaire avait pris position sans avoir rencontré Benoît Dubreuil. C’est pourquoi le gouvernement proposera à QS d’avoir un entretien avec son candidat. La même offre sera faite au PLQ.

François Legault souhaite donc revenir à la charge avec la candidature de M. Dubreuil au cours de la prochaine session parlementaire, qui débutera le 31 janvier. Les trois députés du Parti québécois siégeront alors au Salon bleu, à la suite de l’adoption de la loi abolissant l’obligation de prêter serment au roi. Ils appuient la candidature de M. Dubreuil.

Appui des deux tiers

La nomination du commissaire à la langue française nécessite l’appui des deux tiers des députés, comme le prévoit la loi 96 adoptée le printemps dernier. La Coalition avenir Québec compte déjà plus de 66 % des députés, mais le gouvernement cherche généralement l’unanimité, ou du moins un large appui, pour faire ce genre de nomination.

Si le PLQ et QS campent sur leur position, le gouvernement pourrait-il se contenter de l’appui d’un groupe parlementaire, le Parti québécois, pour aller de l’avant ? Il n’a pas tranché la question. Il mise d’abord sur son offre de rencontre avec Benoît Dubreuil, explique une source gouvernementale.

Les caquistes maintiennent que Benoît Dubreuil, docteur en philosophie, est un excellent candidat, « un amoureux de la langue française ». Il a obtenu différents postes au sein de l’appareil fédéral, preuve qu’il n’est pas dogmatique, plaide-t-on. Benoît Dubreuil est en ce moment directeur général par intérim des opérations régionales pour l’est du pays à l’Agence d’évaluation d’impact du Canada. De 2016 à 2019, il a travaillé à Services aux Autochtones Canada.

Il a travaillé auparavant à la Commission d’évaluation de l’enseignement collégial, de même qu’au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal, entre autres.

Le commissaire à la langue française est un nouveau chien de garde indépendant créé en vertu de la loi 96, la réforme de la loi 101 du gouvernement Legault adoptée le printemps dernier.

Selon la loi, « la personne proposée par le premier ministre » au poste de commissaire à la langue française « doit avoir une sensibilité ainsi qu’un intérêt marqués en matière de protection de la langue française ». Le mandat est de sept ans et ne peut être renouvelé.

Le commissaire est chargé de « surveiller l’évolution de la situation linguistique au Québec ». Il doit notamment « faire le suivi de la connaissance, de l’apprentissage et de l’utilisation du français par les personnes immigrantes ».

Il a pour fonction de « surveiller le respect des droits fondamentaux » conférés par la Charte de la langue française et « l’exécution des obligations » que celle-ci impose aux entreprises et à l’administration publique.

Il détient des pouvoirs d’enquête et peut intervenir en justice pour la défense du français. Il a le pouvoir de formuler des avis et des recommandations au ministre de la Langue française, au gouvernement et à l’Assemblée nationale.