(Québec) Le ministre responsable des Institutions démocratiques, Jean-François Roberge, parle d’un « geste important d’affirmation nationale ». Il a déposé mardi un projet de loi qui permettra, une fois adopté, aux députés qui ne prêtent pas serment au roi Charles III de siéger au Salon bleu et dans les commissions parlementaires. Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, pense que ce débat provoquera un « effet domino » ailleurs au Canada.

Dans le foyer du Parlement à Québec, la cravate arborant des fleurs de lys, le ministre responsable des Institutions démocratiques a dit que son regard était tourné « vers l’avant », ou plutôt « vers la modernité ».

« On est des démocrates, on n’est pas des monarchistes », a dit M. Roberge, persuadé que le projet de loi 4, visant à reconnaître le serment prévu par la Loi sur l’Assemblée nationale comme seul serment obligatoire pour y siéger, sera adopté d’ici la fin des travaux avant la pause des Fêtes, vendredi.

Concrètement, ce projet de loi du gouvernement Legault modifie la Loi constitutionnelle de 1867 en soustrayant le Québec de l’article 128, qui prévoit que les députés doivent prêter serment au roi d’Angleterre pour siéger.

Le projet de loi caquiste prévoit désormais que seul le serment de loyauté au peuple du Québec, prévu à la Loi sur l’Assemblée nationale depuis 1982, est nécessaire pour siéger au Parlement.

Jean-François Roberge se dit bien conscient qu’il s’agit avant tout d’un symbole. Le Canada, une fois la loi sanctionnée, sera toujours une monarchie constitutionnelle. Mais « il y a des choses qu’on est capable de faire sans négliger notre travail de gouvernance », a-t-il défendu.

Selon lui, le projet de loi proposé par Québec est « très solide » et saura résister à de possibles contestations judiciaires.

« Nous ne sommes pas des extraterrestres »

Le projet de loi 4 a été applaudi mardi lors de son dépôt par l’ensemble des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale. Selon le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, l’abolition de l’obligation de prêter allégeance au roi pourrait intéresser d’autres provinces canadiennes.

« C’est très possible que ça fasse un effet domino et ça aurait du sens parce que je ne pense pas que les autres provinces canadiennes trouvent que ce serment-là a du sens pour autant », a déclaré M. St-Pierre Plamondon, qui n’a pas prêté serment au roi Charles III et qui se voit jusqu’à maintenant refuser l’accès au Salon bleu, tout comme ses deux autres collègues péquistes.

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Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

La Ligue monarchiste du Canada, organisme fondé en 1970 dont la mission est d’être « le porte-parole principal de l’opinion monarchique intelligente » au pays, voit toutefois les choses d’un œil différent.

« Nous existons. Nous sommes là. Nous ne sommes pas des extraterrestres. Nous ne sommes pas de vieux anglophones nostalgiques de l’Empire britannique. Nous ne sommes pas des vieilles madames de Westmount buveuses de thé. Nous sommes des Québécois, des Canadiens, les pieds sur terre, de toutes les origines. Nos voix méritent d’être entendues », a dit à La Presse l’un de ses représentants au Québec, Karim Al-Dahdah.

Selon la Ligue, le serment au roi doit demeurer, car « il est essentiel que les députés prêtent serment à l’État », incarné dans notre système par le roi, mais aussi parce que les symboles de la monarchie « font partie de nos traditions et de notre patrimoine ».

En point de presse, le ministre Jean-François Roberge s’est montré peu intéressé par les opinions des monarchistes. « Les monarchistes… Disons que ce n’est pas des gens de qui je prends des conseils pour servir les Québécois », a-t-il balancé.

Une position unanime 

Le chef par intérim du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay, a pour sa part réitéré mardi que sa formation politique n’exigerait pas de consultations publiques sur le projet de loi, ce qui aurait eu pour effet de retarder son adoption. Il s’agit d’une position unanime du caucus, a-t-il insisté, même si les libéraux affirmaient plus tôt cet automne que des consultations seraient utiles.

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Marc Tanguay, chef par intérim du Parti libéral du Québec

« Si le gouvernement ne veut pas de consultations, on ne va pas les exiger. Et s’il est proposé par le gouvernement d’adopter rapidement, d’ici vendredi […], on va collaborer pour qu’il soit adopté vendredi », a-t-il dit.

La co-porte-parole de Québec solidaire, Manon Massé, souhaite que le projet de loi 4 soit adopté rapidement pour pouvoir « passer à autre chose ».

« Vous nous verrez très heureux si, vendredi, effectivement, cette question-là est réglée », a-t-elle dit alors que son parti déposait également il y a quelques jours son propre projet de loi pour mettre fin à l’obligation de prêter serment au roi Charles III.