(Ottawa) Le projet de loi C-21 va trop loin, selon la Coalition canadienne pour les droits des armes à feu. Elle dénonce un amendement déposé la semaine dernière qui constituerait « la plus grande interdiction d’armes à feu de l’histoire du Canada » et accuse le gouvernement libéral de faire de la politique sur le dos des chasseurs.

« Cela capture à peu près tout ce que je possède personnellement et j’ai une collection assez vaste », a affirmé Tracy Wilson, vice-présidente pour les relations publiques de la coalition, lors d’une conférence de presse mercredi.

L’amendement déposé en comité la semaine dernière ajoute des spécifications à la définition d’une arme à feu prohibée. Les armes semi-automatiques, incluant les fusils de chasse, et dont le chargeur peut être modifié pour recevoir plus de cinq cartouches sont bannies, tout comme celles qui peuvent tirer des projectiles avec une énergie initiale de plus de 10 000 joules et celles dont la surface intérieure du canon est de 20 millimètres ou plus.

Un deuxième amendement de 478 pages dresse une liste exhaustive des armes à feu prohibées.

Les fusils de type SKS, une arme de style militaire populaire auprès des chasseurs, pourraient ainsi être interdits, selon la Coalition canadienne pour les droits des armes à feu.

« Ça fait deux ans et demi que nous disons que les armes d’assaut n’ont pas leur place dans nos communautés », a rappelé le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino. Il a ajouté que ce type d’armes est celui qui a été utilisé dans les tueries de Portapique, de la mosquée de Québec, de Polytechnique et pour abattre deux policiers à South Simcoe, en Ontario, le mois dernier.

« Elles ont été conçues pour exercer la plus grande force létale dans le plus court laps de temps », a insisté le ministre.

L’enjeu a rebondi à la période des questions mercredi, alors que le chef du Parti conservateur, Pierre Poilievre, a accusé le premier ministre Justin Trudeau de sévir contre les chasseurs sans s’occuper des crimes commis par les gangs de rue.

« Pourquoi est-il plus soucieux de protéger les dindons sauvages des chasseurs que de protéger les Canadiens des criminels ? », s’est-il moqué. Les conservateurs estiment eux aussi que la définition proposée par les libéraux prohibe des centaines de milliers d’armes à feu, y compris de nombreuses armes à feu sans restriction.

« On voit encore une fois que le Parti conservateur est de pair avec le lobby américain des armes à feu », a rétorqué le premier ministre avant d’être interrompu par ses adversaires. Il a accusé les conservateurs de « tromper les Canadiens » et a insisté sur le fait que le gouvernement ne tente pas « de cibler les chasseurs et les pêcheurs respectueux de la loi ».

Le gouvernement veut renforcer une interdiction réglementaire des armes d’assaut comme l’AR-15 en incluant cette définition dans le projet de loi C-21. L’idée est de s’assurer que les fabricants d’armes à feu ne puissent pas contourner l’interdiction en modifiant leurs modèles pour pouvoir les vendre sur le marché canadien. Or, le fait qu’il ait déposé cet amendement en comité sans l’avoir inclus dès le départ dans son texte législatif passe mal.

« S’ils voulaient que ça touche seulement certains calibres, ils auraient dû les nommer, a indiqué Mme Wilson. Le problème est qu’ils nomment la marque et le modèle, et ça inclut toutes les armes de ce modèle. »

Pour le groupe PolySeSouvient, qui milite pour un meilleur contrôle des armes à feu, les deux amendements proposés répondent à ses demandes. « S’il y a des anomalies ou des incohérences, il y a lieu de les corriger, mais en général, nous constatons que la portée de la mesure est tout à fait conforme aux engagements des libéraux et aux prises de position du Bloc québécois et du Nouveau Parti démocratique, en plus de répondre à la volonté de la grande majorité des Canadiens », a constaté Nathalie Provost, survivante de la fusillade de Polytechnique et membre du collectif PolySeSouvient.

« Les deux textes législatifs sont relativement complexes et on voit déjà passer de nombreuses mauvaises interprétations, notamment celles venant du lobby des armes et des conservateurs, a-t-elle ajouté. Par exemple, ce n’est pas parce qu’un modèle est sur la liste que tous les modèles connexes seraient également interdits, comme l’a prétendu ce matin le lobby proarmes. »

En mai 2020, le gouvernement libéral a décrété l’interdiction de plus de 1500 modèles d’armes à feu et des variantes de ce qu’il considère comme des armes d’assaut comme l’AR-15 et le Ruger Mini-14. Le projet de loi C-21 vise à rendre cette interdiction permanente.

Avec La Presse Canadienne