(Québec) Dominique Anglade jette l’éponge, minée par la contestation de son leadership qui enflait jour après jour. Elle démissionne comme cheffe du Parti libéral du Québec (PLQ) et quittera ses fonctions de députée de Saint-Henri–Sainte-Anne le 1er décembre.

Le PLQ « doit opérer un renouvellement de son offre politique, mais aussi de sa façon de faire de la politique. Et on n’a pas le luxe d’être miné par des intrigues internes dont les Québécois n’ont que faire », a lancé Dominique Anglade en annonçant son départ de la vie politique en conférence de presse à Montréal, lundi.

Dans une autre allusion à la contestation de son leadership, la femme de 48 ans a souligné que « les enjeux démographiques, culturels, socioéconomiques et écologiques sont trop importants pour que l’opposition officielle soit déchirée ».

Sa démission survient cinq semaines jour pour jour après les élections générales où le PLQ a connu la pire défaite de son histoire (21 sièges et 14,4 % des suffrages). « Déçue » du résultat, Dominique Anglade dit avoir eu un « puissant vent de face » au cours de cette campagne.

Notre parti est confronté à de nombreux défis. […] Nous avons un grand devoir de reconnexion avec les francophones et toutes les régions du Québec, tout en restant fidèles à nos valeurs.

Dominique Anglade

Son départ tombe également après une semaine éprouvante, alors que d’anciens élus et des ténors du parti ont multiplié les appels à sa démission sur la place publique. La Presse a fait état d’une réunion houleuse du comité exécutif du parti et d’une rencontre à huis clos difficile avec les présidents d’association. L’expulsion de la députée Marie-Claude Nichols du caucus libéral a été la goutte qui a fait déborder le vase pour plusieurs.

Une source aux racines profondes au sein du parti confiait à La Presse la semaine dernière que d’anciens députés et membres du personnel politique sont à la recherche d’un nouveau chef.

Dominique Anglade n’a pas précisé ce qui l’attendait pour la suite, évoquant simplement « un nouveau chapitre » de sa vie. Elle n’a répondu à aucune question après son allocution.

Des noms circulent déjà

Le président du PLQ, Rafaël Primeau-Ferraro, a confirmé que le conseil exécutif du parti « va se réunir en urgence et nommera sans délai, avec l’accord du caucus des députés libéraux siégeant à l’Assemblée nationale du Québec, un membre pour assurer l’intérim jusqu’à l’élection d’un nouveau chef ».

Les noms de Marc Tanguay et d’André Fortin circulent. Notons qu’aucune règle ne stipule qu’il est interdit pour un chef intérimaire de se porter candidat lors de la course à la direction ; Pierre Arcand et Jean-Marc Fournier avaient déclaré d’entrée de jeu qu’ils n’étaient pas intéressés à être candidats lorsqu’ils étaient devenus chefs intérimaires dans le passé. André Fortin, qui avait renoncé pour des raisons familiales à se porter candidat lors de la dernière course à la direction, ne rappelle pas. Il est revenu lundi d’un voyage en famille à l’extérieur du Québec.

Les membres du conseil exécutif ont tenu une première rencontre en après-midi. Ils ont décidé d’attendre les conclusions d’une réunion du caucus avant d’aller plus loin dans leurs échanges sur le choix d’un chef intérimaire. Les députés ont tenu leurs discussions en soirée.

Le conseil exécutif du PLQ devra par la suite organiser une course à la direction, mais rien ne presse, dit-on chez les libéraux.

Considérée comme une candidate éventuelle à la direction du parti, la députée de Saint-Laurent, Marwah Rizqy, a indiqué en entrevue qu’elle ne briguerait pas la succession de Mme Anglade. Elle vient de donner naissance à son premier enfant.

L’ancien ministre Pierre Moreau, lui aussi sur la courte liste de possibles successeurs, n’a pas voulu faire de commentaires lorsqu’on lui a demandé s’il avait un intérêt pour le poste de chef du PLQ.

L’ex-maire de Drummondville Alexandre Cusson, qui avait abandonné la course à la direction en 2020, n’a pas l’intention de tenter à nouveau sa chance.

Comme La Presse le signalait la semaine dernière, des libéraux se mettent à rêver à Sophie Brochu, flairant une occasion avec sa récente menace de démission et son conflit avec le superministre Pierre Fitzgibbon. Mais la PDG d’Hydro-Québec rejette l’idée de briguer la direction du PLQ.

L’ancien maire de Québec Régis Labeaume, dont le nom a été évoqué ces jours-ci, écarte tout retour à la vie politique active.

Dominique Anglade quittera ses fonctions de député le 1er décembre, deux jours après l’ouverture de la session parlementaire à l’Assemblée nationale. Le PLQ comptera alors 19 députés. Le gouvernement Legault disposera de six mois pour déclencher une élection partielle dans Saint-Henri–Sainte-Anne.

Le 3 octobre, Dominique Anglade avait obtenu 36,1 % des suffrages, contre 27,7 % pour l’avocat en immigration Guillaume Cliche-Rivard, de Québec solidaire, et 17,7 % pour Nicolas Huard-Isabelle, attaché politique et candidat de la Coalition avenir Québec.

Réactions

Je veux souligner l’engagement et le dévouement de Dominique Anglade pour le Québec. Ça prend du courage pour se lancer en politique. Ça prend de la détermination pour être en politique. Ça prend de l’humilité pour quitter. Merci Dominique !

Le premier ministre François Legault

Dominique Anglade est une femme de premières, qui apportait sincérité et dignité à nos débats parlementaires. Je me souviendrai de son engagement féministe et sa préoccupation sincère pour la santé mentale. Après sept ans à servir les gens de Saint-Henri–Sainte-Anne, je suis certain que son prochain défi sera à la hauteur de son talent. Bonne chance pour la suite !

Gabriel Nadeau-Dubois, co-porte-parole de Québec solidaire

Je salue l’engagement et le dévouement de Dominique Anglade. Peu importe nos divergences de point de vue, elle aura démontré de la résilience et un engagement complet envers la politique et envers son parti. Je lui souhaite le meilleur pour ses futurs projets.

Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti québécois

Pendant la campagne, j’ai appris à mieux connaître une femme forte, qui gardait le sourire et la bonne humeur. Les libéraux devraient se trouver chanceux d’avoir encore 20 députés, alors qu’ils obtenaient pratiquement le même nombre de votes que le Parti conservateur du Québec. Je souhaite bon succès à Dominique pour la suite des choses. Elle quitte la vie politique avec beaucoup de classe.

Éric Duhaime, chef du Parti conservateur du Québec

Dominique Anglade en 10 dates

  • 2005-2012 : Consultante chez McKinsey
  • 2010 : Cofondatrice de la Fondation KANPE
  • Janvier 2012 : Présidente de la CAQ ; sera battue dans Fabre aux élections.
  • Automne 2013-2015 : PDG de Montréal International, après son départ de la CAQ en septembre 2013
  • 2015 : Élue députée libérale de Saint-Henri–Sainte-Anne lors d’une élection partielle
  • 2016-2018 : Ministre de l’Économie, de la Science et de l’Innovation
  • 2017-2018 : Vice-première ministre du Québec
  • Juin 2019 : Candidate à la succession de Philippe Couillard
  • Mai 2020 : Couronnée cheffe du PLQ après l’abandon d’Alexandre Cusson
  • Octobre 2022 : Réélue députée de Saint-Henri–Sainte-Anne et cheffe de l’opposition officielle

Avec Fanny Lévesque, Hugo Pilon-Larose et Denis Lessard, La Presse