(Ottawa) « Ne touche pas à mon député. Il travaille fort pour notre région ! » Le message d’une citoyenne de Victoriaville ne pouvait pas être plus clair.

Ce message a été collé sur la porte du bureau de circonscription du député indépendant de Richmond-Arthabaska, Alain Rayes mercredi soir, à la suite de la campagne menée par des proches collaborateurs du nouveau chef conservateur Pierre Poilievre pour forcer sa démission après qu’il eut claqué la porte du parti.

Ce message d’appui s’ajoute aux centaines d’appels et de courriels qui ont été reçus au cours des 24 dernières heures au bureau de M. Rayes. « On reçoit l’équivalent d’un courriel toutes les trois minutes », a témoigné un adjoint du député, Benoit Plamondon.

Mercredi, de proches collaborateurs de M. Poilievre ont envoyé un texto sur l’heure du midi aux membres du parti dans la circonscription de Richmond-Arthabaska les invitant à faire pression sur M. Rayes pour qu’il démissionne de son poste de député indépendant. Le texto comprenait le numéro de téléphone du bureau de circonscription de M. Rayes.

Mais l’affaire a pris une telle proportion que le Parti conservateur a été contraint de publier un gazouillis tard mardi soir dans lequel il présentait ses excuses aux membres du parti ayant reçu le texto.

« Le Parti conservateur du Canada s’excuse pour un message texte automatisé envoyé plus tôt aujourd’hui aux membres du parti dans la circonscription de Richmond-Arthabaska », pouvait-on lire dans le texto.

Dans déclaration écrite, M. Rayes a dit vouloir tourner la page sur cette histoire, même si les excuses ne lui étaient pas adressées directement.

« Je suis heureux que ce chapitre soit maintenant derrière moi afin que je puisse recommencer à accomplir pleinement mon rôle de député. […] Pour moi, l’intimidation sous toutes ses formes est inacceptable. Je n’hésiterai jamais à la dénoncer avec véhémence. Je tiens à remercier tous ceux et celles qui m’ont témoigné leur appui. Ensemble, nous parviendrons à ramener un climat politique et social sain dans notre beau pays. C’est mon souhait le plus cher », a-t-il dit.

La ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly, a vertement dénoncé le comportement du nouveau chef conservateur. Selon elle, Pierre Poilievre s’est livré à une campagne de harcèlement « totalement inacceptable ».

Si les députés conservateurs du Québec ont préféré ne pas commenter l’affaire, mardi, la ministre Joly n’a pas hésité mercredi à condamner sans ménagement la tactique utilisée à l’endroit de M. Rayes.

Quelques minutes avant que les députés ne se réunissent à la Chambre des communes pour rendre hommage à la reine Élisabeth II, décédée la semaine dernière, la cheffe de la diplomatie canadienne s’est insurgée contre le comportement du nouveau chef conservateur.

« C’est complètement inacceptable. Ce que Poilievre a fait, c’est d’inciter à faire du harcèlement. C’est un manque de respect envers ses commettants et envers la démocratie. Mais cela démontre aussi un manque de jugement », a lancé la ministre.

PHOTO DARRYL DYCK, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Mélanie Joly

« Je ne peux pas croire que le nouveau chef de l’opposition décide de harceler un de ses anciens collègues. C’est grave. Nous venons ici à la Chambre des communes défendre les intérêts de nos concitoyens. Nous sommes là pour les représenter. On sait qu’au Canada on a une forte démocratie. Mais il faut la protéger », a-t-elle ajouté du même souffle, visiblement outrée.

Le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, a aussi dénoncé le traitement accordé à M. Rayes à la suite de sa décision de quitter les rangs du Parti conservateur.

« C’est un dur moment pour la démocratie quand, le même jour, on encense la monarchie et on envoie des textos d’intimidation. […] J’étais déçu parce que je m’attends à mieux du chef de l’opposition officielle. C’est un comportement un peu intense, basé sur rien de rationnel. Ça a l’air d’un coup de colère. Ça ne peut pas marcher comme cela. Je m’attendais à ce que M. Poilievre soit intense, mais il a franchi une ligne à laquelle je ne m’attendais pas », a dit M. Blanchet.

Le lieutenant politique de M. Poilievre au Québec, Pierre Paul-Hus, s’est dit satisfait que le parti présente des excuses, reconnaissant que l’envoi de ce message texto était inapproprié. « Le parti a présenté ses excuses. On tourne la page. C’était une erreur qui a été reconnue par le parti. Maintenant, on souhaite bonne continuité à M. Rayes comme député indépendant. […] Cela n’aurait pas dû être fait ».

« Il était approprié de présenter de telles excuses », a commenté l’ancien chef conservateur Erin O’Toole. « C’est le temps de nous unir. Notre chef a obtenu un mandat fort. Il faut servir les Canadiens. Alain Rayes est un bon ami. Il faut travailler ensemble », a-t-il dit.