(Ottawa) De proches collaborateurs du nouveau chef conservateur, Pierre Poilievre, invitent les membres du parti à inonder d’appels le bureau de circonscription du député Alain Rayes pour le forcer à démissionner de son poste, moins de 24 heures après que ce dernier eut quitté le parti.

La campagne auprès des membres du parti dans la circonscription de Richmond-Arthabaska a pris la forme d’un texto envoyé à l’heure du midi mercredi.

« ALERTE : Votre député Alain Rayes vient de quitter le Parti conservateur. Il a décidé de ne pas combattre l’inflation de Trudeau avec l’équipe unie de Pierre Poilievre. Alain, appelez à son bureau dès maintenant et dites-lui de démissionner de son poste de député », lit-on dans le texto, qui comprend le numéro de téléphone du bureau de circonscription de M. Rayes.

« C’est dégueulasse », s’est exclamé au bout du fil Alain Rayes, joint par La Presse.

« C’est tout simplement incroyable. Je n’en reviens pas. Pierre Poilievre vient de confirmer encore une fois que j’ai pris la bonne décision en quittant le parti. Je ne veux plus de politique comme cela. Je n’en reviens tout simplement pas de ce qu’ils sont en train de faire. J’invite mes confrères du Québec à se tenir debout et à dénoncer ce type de chose », a déclaré M. Rayes, qui a lui-même reçu le texto.

Les employés du bureau de M. Rayes ont reçu de nombreux appels, et la quasi-totalité des gens ont donné son appui au député indépendant, a-t-on indiqué à son bureau.

« Ils prennent l’argent des membres du parti pour lancer une telle campagne et ensevelir ma boîte vocale. Ils veulent empêcher mes employés de faire leur travail pour soutenir les citoyens de ma circonscription », a ajouté M. Rayes.

Pierre Poilievre pratique la politique de la terre brûlée. C’est clair.

Alain Rayes, député indépendant de Richmond-Arthabaska

« La prochaine étape qu’ils vont utiliser comme tactique, est-ce que ce sera de dire aux membres du parti de venir manifester devant mon bureau ou devant ma maison ? Où est-ce que cela va s’arrêter ? », a-t-il encore dit.

Au moment d’écrire ces lignes, La Presse n’avait pu obtenir les commentaires du nouveau lieutenant politique de Pierre Poilievre au Québec, Pierre Paul-Hus, ou du bureau du chef conservateur. En soirée, le parti a écrit un message sur Twitter pour s’excuser auprès des membres de la circonscription de Richmond-Arthabaska.

Les autres députés conservateurs du Québec n’ont pas donné suite aux appels de La Presse. Le parti a, en fin de soirée

Sur les ondes de Radio-Canada, à l’émission Midi Info animée par Alec Castonguay, M. Paul-Hus a toutefois affirmé que la course à la direction avait provoqué « des flammèches ». Il s’est abstenu de critiquer la manœuvre.

PHOTO PASCAL RATTHÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Pierre Paul-Hus, lieutenant politique du Québec pour le Parti conservateur fédéral, en septembre 2021

Sans compromis

Mardi, M. Rayes a claqué la porte du Parti conservateur et annoncé qu’il siégerait comme député indépendant de Richmond-Arthabaska à la Chambre des communes après avoir été élu sous la bannière conservatrice pour la première fois en 2015.

Je ne me retrouve plus à l’intérieur de ma propre formation politique, dans laquelle je me suis investi depuis maintenant sept ans.

Alain Rayes, dans une vidéo adressée à ses électeurs et publiée sur les réseaux sociaux

« Il y a des enjeux, il y a des valeurs, il y a des convictions sur lesquels pour moi je ne peux faire aucun compromis », a ajouté M. Rayes, qui avait jeté son dévolu sur l’ancien premier ministre du Québec Jean Charest durant la course au leadership.

Parmi ces enjeux, il a noté le respect de la loi et l’ordre, la protection des institutions canadiennes, la lutte contre les changements climatiques et la saine gestion des finances publiques, entre autres choses.

Poilievre attaque aussi les médias dans un appel au financement

Dans un message aux membres du parti, M. Poilievre a aussi tiré à boulets rouges sur les médias après une altercation verbale entre lui et un journaliste de Global News, David Akin, survenue mardi sur la colline parlementaire, au moment où il s’apprêtait à réagir aux mesures pour aider les familles annoncées par le gouvernement Trudeau devant la hausse du coût de la vie.

« Il n’y a pas que les libéraux qui ont à leur disposition tous les avantages et toutes les ressources du gouvernement fédéral. Ce sont les médias, qui ne sont même plus intéressés à faire semblant d’être neutres. Ils veulent que nous perdions », a-t-il dit dans son message.

« Nous ne pouvons pas compter sur les médias pour transmettre nos messages aux Canadiens. Nous devons les contourner, eux et leur couverture biaisée. Nous devons le faire directement avec des publicités, du courrier, des appels téléphoniques et en frappant à des millions de portes. Pour faire tout cela, nous avons besoin de votre aide. »