(Ottawa) Pierre Poilievre est le nouveau chef du Parti conservateur. Le bouillant député de Carleton a remporté une victoire sans appel dès le premier tour, obtenant 68,15 % des points totaux en vertu des règles de la course à la direction.

Jean Charest a donc échoué dans sa tentative d’effectuer un retour en politique sur la scène fédérale. L’ancien premier ministre du Québec, qui a été député fédéral de 1984 à 1998, a été ministre dans le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney et a dirigé le Parti progressiste-conservateur pendant cinq ans, n’a récolté que 16,07 % des points.

La victoire de Pierre Poilievre a été tellement écrasante qu’il a obtenu la majorité des points dans 330 des 338 circonscriptions. Au Québec, il a récolté 62 % des points totaux. En tout, quelque 420 000 membres du parti ont voté.

Les autres candidats – les députés conservateurs de l’Ontario Leslyn Lewis et Scott Aitchison et l’ancien député provincial de l’Ontario Roman Baber – ont récolté à eux trois environ 15 % des appuis.

En vertu des règles du parti, chaque circonscription électorale se voit accorder 100 points. Les votes des membres sont répartis au prorata des appuis obtenus par chacun des candidats.

Célébration et remerciements

« Liberté ! Liberté ! Liberté ! », ont spontanément crié plusieurs des quelque 1000 militants conservateurs réunis au Centre des congrès d’Ottawa, situé à un jet de pierre du parlement.

« Le travail commence ce soir pour remplacer ce vieux gouvernement qui coûte plus cher et qui rapporte moins, avec un nouveau gouvernement qui vous place en premier », a lancé le nouveau chef conservateur après avoir salué et remercié les autres candidats, dont Jean Charest.

« Merci, Jean Charest, pour vos longs états de service pour notre pays », a dit M. Poilievre en relevant le rôle qu’il a joué durant le référendum sur la souveraineté en 1995.

« Ce n’est pas ma victoire ce soir. C’est votre victoire ! », a-t-il aussi lancé aux troupes conservatrices, promettant de s’attaquer à la hausse du coût de la vie, son principal cheval de bataille durant la course à la direction. Aux Québécois, il a promis de défendre la langue française et de mener la charge contre le « wokisme » qui s’installe selon lui au pays avec le gouvernement Trudeau.

Présent dans la salle pour le dévoilement des résultats, Jean Charest n’a pas rencontré les médias. Sur son compte Twitter, il a lancé un appel à l’unité. « Félicitations à Pierre Poilievre et à son équipe. C’est maintenant le temps d’unir les membres. Nous devons mettre fin au salissage interne. Seuls les libéraux en profitent lorsque le Parti conservateur est divisé », a-t-il écrit dans son gazouillis.

Dès le départ, l’issue de cette longue course n’a jamais fait de doute. Le seul suspense était de savoir si M. Poilievre, qui est reconnu pour son ton mordant et son style combatif à la Chambre des communes, l’emporterait dès le premier tour. Durant la course, son organisation a recruté quelque 310 000 membres sur un total de quelque 670 000. M. Poilievre a aussi reçu l’appui de 62 des 118 députés conservateurs, et obtenu également la bénédiction de l’ancien premier ministre Stephen Harper. Ce dernier était demeuré neutre lors des deux précédentes courses au leadership. Il ne souhaitait pas voir Jean Charest devenir chef du parti qu’il a cofondé avec Peter MacKay.

Chef de l’opposition

Pierre Poilievre prend aussi les commandes de l’opposition officielle à la Chambre des communes. Il devient du coup le quatrième chef du Parti conservateur depuis sa création à la suite de la fusion de l’Alliance canadienne et du Parti progressiste-conservateur en 2003.

Stephen Harper, Andrew Scheer et Erin OToole ont été les autres chefs de cette formation politique. Mais aucun n’a obtenu un mandat aussi robuste et sans équivoque que Pierre Poilievre.

Ayant en poche un tel mandat de ses troupes, le nouveau chef aura tout de même une tâche importante devant lui : assurer l’unité du parti et éviter que certains députés du Québec ne claquent la porte du parti. La course au leadership a été des plus acrimonieuses, en particulier entre Pierre Poilievre et Jean Charest.

Entre autres choses, M. Poilievre a accusé Jean Charest d’être un libéral du même acabit que Justin Trudeau, tandis que l’ancien premier ministre du Québec a pourfendu M. Poilievre en l’accusant de mener une campagne à la Donald Trump et d’avoir donné son appui au convoi des camionneurs qui a paralysé le centre-ville d’Ottawa pendant trois semaines.

PHOTO SEAN KILPATRICK, LA PRESSE CANADIENNE

Jean Charest, candidat défait à la course à la direction du Parti conservateur

Durant la course, le député de Portneuf, Joël Godin, avait indiqué qu’il allait réfléchir à son avenir comme député conservateur si Pierre Poilievre devenait chef de la formation politique. Dans une entrevue accordée à La Presse au début du mois d’août, il a indiqué que quatre options s’offraient à lui. « Soit je démissionne comme député, soit je me rallie à un autre parti qui siège à la Chambre des communes, soit je siège comme indépendant, soit je participe à la création d’un autre parti. »

Un autre député québécois, Alain Rayes, qui était l’un des premiers députés du Québec à appuyer Jean Charest, a pour sa part dénoncé sans ménagement la campagne virulente menée par le camp de Pierre Poilievre.

PHOTO CATHERINE LEFEBVRE, LA PRESSE

Alain Rayes, député de Richmond—Arthabaska

Selon le député Gérard Deltell, qui a appuyé la candidature de l’ancien premier ministre du Québec, la victoire de M. Poilievre est sans équivoque.

C’est sûr que j’aurais préféré que M. Charest gagne. La raison pour laquelle je l’ai soutenu, c’est que je savais que c’était un chef de grand talent et de grande qualité, d’autant plus qu’il a présenté des dizaines d’idées durant la course au leadership.

Gérard Deltell, député conservateur de Louis-Saint-Laurent

« La victoire de M. Poilievre est claire. Le message est éclatant. Il a un leadership fort. La réalité, c’est que nous avons deux ans devant nous. Nous, les députés conservateurs et le parti, avons la responsabilité de préparer la table pour les prochaines élections. Nous avons deux ans pour nous rassembler, pour définir notre programme et permettre aux Canadiens d’apprécier notre programme réaliste et responsable. Il faut démontrer aux Canadiens que nous méritons leur confiance », a-t-il ajouté.