(Ottawa) Les dirigeants de Hockey Canada ont un « sérieux examen de conscience » à faire et il leur reviendra de convaincre la population qu’ils sont les mieux placés pour mettre fin à la « masculinité toxique » qui sévit au sein de l’organisation, croit la ministre des Sports du Canada, Pascale St-Onge.

Des responsables de l’organisation se retrouveront sur le gril du Comité permanent du patrimoine canadien, mercredi. Dans le cas de trois d’entre eux, il s’agira d’une seconde apparition – lors de leur première, à la fin du mois de juin, ils avaient livré une performance que les élus du comité avaient descendue en flammes.

La ministre St-Onge espère qu’ils se présenteront « avec une attitude un peu différente de la première comparution ». Car « plusieurs éléments » avaient alors été passés sous silence – l’utilisation d’un fonds pour régler à l’amiable des affaires d’agression sexuelle, par exemple, dit-elle – et il est temps pour la direction de mettre cartes sur table.

« Je m’attends à ce qu’ils arrivent avec des réponses aux nombreuses questions que les parlementaires leur ont posées, aux nombreuses questions qui ont été soulevées aussi dans l’espace public », indique-t-elle en entrevue. Parmi ces questions qui en taraudent certains, dont la ministre elle-même : la remise en question de leur leadership.

J’aimerais que la direction nous dise en quoi ils sont les meilleures personnes en place pour mettre en action les changements qui s’imposent pour transformer cette culture du silence et cette masculinité toxique qui règnent au sein de Hockey Canada. C’est une question fondamentale.

Pascale St-Onge, ministre des Sports

Mme St-Onge n’a pas réclamé leur départ lundi.

« S’ils restent en poste, ils doivent expliquer pourquoi eux vont faire ce qui n’a pas été fait », s’est-elle contentée de déclarer à ce sujet la veille de sa comparution devant le même comité. La ministre sera précédée d’une associée de la firme qui avait mené l’enquête sur l’incident allégué de 2018 à London, en Ontario.

Retour attendu

Parions que les députés sont prêts à en découdre avec eux de nouveau.

Car la semaine dernière a été particulièrement désastreuse pour Hockey Canada.

Lundi dernier, La Presse Canadienne rapportait qu’un fonds de réserve a été utilisé pour payer des ententes à l’amiable dans des dossiers d’agression sexuelle.

Mardi, le Globe and Mail écrivait qu’un joueur qui aurait pris part au viol collectif allégué de London avait contacté la victime pour tenter de la dissuader de parler aux policiers.

Vendredi, enfin, Hockey Canada a voulu prendre les devants en révélant – à la place de TSN, qui était sur le coup – qu’un viol collectif aurait été commis à Halifax en 2003.

Hockey Canada présente un plan d’action

Cette semaine, l’organisation l’a amorcée en publiant un plan d’action « pour mettre fin à la culture du silence et aux comportements toxiques dans le monde du hockey ».

Celui-ci s’articule autour de six piliers, dont la mise en place d’un nouveau mécanisme de signalement et de traitement des plaintes de violence et de harcèlement sexuels.

On y réitère aussi l’intention de procéder à une révision de la gouvernance.

Là-dessus, la ministre St-Onge se permet une suggestion, sous forme de question.

« Devrait-il y avoir plus de femmes au conseil d’administration de Hockey Canada ? Un des problèmes, ce sont les violences sexuelles à l’endroit des femmes », lance-t-elle.

À l’heure actuelle, deux des neuf administrateurs sont des femmes.

Le sport canadien « en crise »

Les scandales à répétition chez Hockey Canada ont tant défrayé la chronique la semaine passée qu’ils en ont éclipsé un autre, chez Gymnastique Canada.

La « culture systémique d’abus » qui y prévaut a poussé le groupe Gymnastes pour le changement, qui représente 508 athlètes, à réclamer un gel du financement fédéral.

Comme elle l’avait fait précédemment pour Hockey Canada, Pascale St-Onge a temporairement fermé le robinet.

Je trouve qu’on est à un moment charnière de l’histoire du hockey et de l’histoire du sport. Depuis mon arrivée en poste, j’ai dit que le sport canadien était en crise, parce que j’ai reçu environ huit lettres d’athlètes qui font différents sports et qui me signalaient des cas d’abus, de mauvais traitements ou de discrimination.

Pascale St-Onge, ministre des Sports

Changer la culture dans le sport ne se fera pas du jour au lendemain, mais dans le cas de Hockey Canada, « ce n’est pas la première fois qu’on entend des choses », et « ce n’est pas la première fois qu’on entend des vœux pieux », insiste-t-elle.

Il reste à voir ce que les bonzes de Hockey Canada – Tom Renney (PDG), Dave Andrews (président de la Fondation Hockey Canada), ainsi que Brian Cairo (dirigeant principal des finances) – livreront comme plaidoyer auprès des députés à Ottawa, mercredi.

Les joueuses exigent une enquête « approfondie »

Les joueuses de l’équipe nationale féminine ont bien l’intention de faire partie du « processus nécessaire afin de faire connaître la vérité » concernant l’affaire de viol collectif allégué survenu en 2018 en marge d’un évènement organisé par Hockey Canada. Les joueuses des plus récentes équipes nationales canadiennes féminines des Jeux olympiques de Pékin et du Championnat du monde se sont prononcées pour la première fois sur le scandale qui entoure Hockey Canada depuis plusieurs semaines. Celles-ci, dont les Québécoises Marie-Philip Poulin et Ann-Renée Desbiens, ont partagé lundi sur leurs réseaux sociaux une longue déclaration – en anglais et en français – dans laquelle elles s’adressent à l’exécutif et aux membres du conseil d’administration de l’organisme. « Les allégations que nous lisons et dont nous entendons parler sont extrêmement troublantes et tout à fait inacceptables. […] Tous les faits liés à cette épouvantable situation doivent être et seront révélés. Après tout, la seule façon de soigner une blessure est de l’admettre pleinement », écrivent-elles.

Katherine Harvey-Pinard, La Presse