(Ottawa) Le Canada aura bientôt officiellement sa force spatiale militaire. Mais attention : ceux qui s’imaginent des soldats en mission dans un champ de bataille céleste vont vite revenir sur terre : « Ce n’est pas aussi excitant que les séries de science-fiction », avertit le futur commandant de cette force, le brigadier général Michael Adamson.

Le baptême de la 3e Division spatiale canadienne aura lieu vendredi au quartier général du ministère de la Défense nationale, à Ottawa. Il s’agit davantage d’une restructuration à l’interne que d’une nouveauté — la Direction générale de l’espace devient une division de l’Aviation royale canadienne, la troisième, d’où le nom de baptême.

« Le travail ne change pas vraiment par rapport à ce que nous faisions la semaine passée et à ce que nous ferons la semaine prochaine. Mais c’est une reconnaissance qu’il y a eu une évolution dans le contexte militaire et dans le domaine spatial », indique en entrevue le brigadier général Adamson, dont le vaisseau sera composé d’environ 170 militaires.

PHOTO VALÉRIE MAILHOT, FOURNIE PAR LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

Michael Adamson, futur commandant de la 3e Division spatiale du Canada

Rien pour arriver à la cheville de la United States Space Force, dont la mise sur pied par l’ancien président Donald Trump, en 2019, avait suscité son lot de moqueries — en plus d’inspirer une série satirique mettant en vedette Steve Carell sur Netflix. Disposant d’un budget de plus de 17 milliards pour 2022, elle mobilise environ 8400 militaires.

D’autres pays ont aussi leur division spatiale : le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne ou encore l’Australie.

Il y a une réelle prise de conscience de la pertinence de compter sur des unités spatiales. Il faut comprendre ce qui se passe en orbite, parce qu’évidemment, il y a beaucoup de joueurs dans ce domaine.

Michael Adamson, brigadier général et futur commandant de la 3e Division spatiale

Le brigadier général cite en exemple un test de la Russie qui a mal viré en novembre dernier.

« [Les Russes] ont envoyé un missile antisatellite et détruit un de leurs propres satellites qui était en orbite à la fin de sa vie opérationnelle. Ça a généré des centaines de débris qui ont notamment mis en danger la Station spatiale internationale. C’est grâce aux capacités militaires qu’on a pu suivre chacun des débris », illustre-t-il.

Militarisation de l’espace ?

Lorsque le gouvernement canadien a signalé qu’il envisageait d’imiter les États-Unis, en 2019, le Nouveau Parti démocratique (NPD) affichait des réserves. « [Nous sommes] fondamentalement opposés à la militarisation de l’espace et [sommes] convaincus qu’il ne devrait être utilisé par l’humanité entière qu’à des fins pacifiques », a dit l’élu Randall Garrison, selon Radio-Canada.

À cela, le brigadier général Adamson répond aujourd’hui qu’il « serait naïf de croire que les opérations militaires ne sont pas déjà appuyées par les données spatiales ». L’espace est « congestionné, contesté et fait l’objet de concurrence [congested, contested, and competitive] », et « nous devons surveiller ce qui se passe dans cet environnement ».

Il considère toutefois qu’une nuance s’impose.

Il y a une différence entre la militarisation de l’espace et l’arsenalisation de l’espace. Le Canada est fermement opposé à la deuxième option. Nous ne sommes absolument pas intéressés à installer des armes en orbite ou à attaquer les équipements spatiaux d’une autre nation de l’espace. Ce qui nous importe, surtout, c’est de préserver l’accès que nous avons, pour les Canadiens.

Michael Adamson, brigadier général et futur commandant de la 3e Division spatiale

La mission de la 3e Division sera donc non seulement d’assister les membres des Forces armées canadiennes dans leurs opérations, mais également de s’assurer que les divers services comme la téléphonie et la géolocalisation soient maintenus et améliorés.

Elle sera évidemment mise à profit dans la modernisation du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD), vaste chantier auquel le gouvernement veut consacrer 40 milliards sur deux décennies.

La politique de défense du Canada publiée en 2019 y fait référence, l’un de ses objectifs étant d’acquérir « des capacités spatiales », dont « des capteurs capables d’identifier et de suivre des débris spatiaux » et « des systèmes spatiaux qui étendront et amélioreront les communications tactiques par satellite […] dans l’ensemble de la région de l’Arctique canadien ».

Accueil mitigé

Le Parti conservateur voit en la naissance de la division une « reconnaissance, attendue depuis longtemps, que le Canada doit prendre au sérieux les menaces nouvelles et émergentes, et améliorer les capacités spatiales de nos militaires », a commenté la députée Kerry-Lynne Findlay.

« Nous espérons que la création de la Division spatiale canadienne est une indication que le gouvernement libéral a enfin l’intention de prendre au sérieux le développement de liens plus étroits avec nos alliés », a-t-elle ajouté dans une déclaration transmise par le parti.

ILLUSTRATION FOURNIE PAR LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

L’écusson que porteront sur leur uniforme les membres de la 3e Division spatiale du Canada

Dans le camp bloquiste, la députée Christine Normandin n’y voit pas « nécessairement matière à écrire à sa mère ». D’une part, car « ça ne semble pas venir avec du nouveau financement » et, d’autre part, parce que « ça ressemble plus à une grosse restructuration à l’interne que la création d’une toute nouvelle entité avec de nouvelles embauches ».

Le NPD n’a pas répondu aux questions de La Presse.

Au bureau de la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, on n’a pas précisé quel était le budget de la 3e Division spatiale canadienne.

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  • 270
    Nombre de personnes, militaires et civils, que le brigadier général Michael Adamson espère voir au total dans la 3e Division spatiale canadienne
    SOURCE : Forces armées canadiennes