(Toronto) Le gouvernement de l’Ontario prévoit mettre en place un système dit de « maire fort » pour Toronto et Ottawa – et envisage de l’étendre à d’autres villes –, car il cherche à accorder plus de pouvoir aux premiers magistrats.

Le premier ministre Doug Ford a déclaré mercredi que son gouvernement examinera bientôt les détails d’un tel système, qui serait en tous cas mis en place avant les élections municipales d’octobre.

« J’estime simplement que le maire de Toronto ou d’Ottawa, ou n’importe quel maire, est responsable de tout [dans sa ville], alors qu’il a le même poids [au conseil] qu’un conseiller municipal », a expliqué M. Ford aux journalistes, mercredi, à l’extérieur de l’Assemblée législative.

Un système de « maire fort », de style américain, est généralement marqué par la centralisation du pouvoir exécutif autour du maire, qui contrôle les nominations des chefs de division, supervise les budgets et se voit même parfois accorder un droit de veto à l’hôtel de ville.

M. Ford a précisé que dans le cadre d’un tel système, les deux tiers du conseil municipal seraient en mesure d’annuler une décision du maire.

Le ministre des Affaires municipales et du Logement, Steve Clark, a déclaré que son gouvernement était toujours en consultation sur l’opportunité d’étendre à d’autres villes un tel système de « maire fort », au-delà de Toronto et d’Ottawa. « Nous voulons mettre en place un plan […] avant les prochaines élections municipales, comme le premier ministre l’a dit », a indiqué M. Clark.

« Nous avons un peu de temps, mais le premier ministre et moi sommes tous les deux du même avis : nous devons nous assurer que les maires et les conseils municipaux, en particulier dans les grandes villes, disposent des outils dont ils ont besoin. »

L’opposition néo-démocrate à Queen’s Park a remis en question le moment choisi pour prendre une telle décision et estime qu’il s’agit d’une « mauvaise priorité » pour le gouvernement.

« Pourquoi le premier ministre Doug Ford a-t-il gardé secret ce projet tout au long de la campagne ? Pourquoi ne consulte-t-il pas les municipalités ou les gens qu’elles représentent ? », a écrit mercredi le porte-parole néo-démocrate en matière d’affaires municipales, Jeff Burch.

Des conseillers opposés

Le maire de Toronto, John Tory, est tout à fait d’accord avec ce concept de « maire fort » dans les grandes villes. Il a rappelé mercredi qu’il avait déjà défendu cette idée par le passé.

Selon lui, le gouvernement Ford étudie cette possibilité dans le but de lutter plus largement contre la crise du logement. « En tant que maire, je suis absolument déterminé à faire construire plus de logements – quels que soient les pouvoirs dont je dispose en tant que maire », a-t-il écrit sur Twitter.

« Au final, quoi qu’il arrive, mon travail reste le même : travailler avec le conseil municipal et chaque élu qui veut travailler avec moi pour faire avancer les choses pour les résidants de Toronto. »

La mairesse de Mississauga, Bonnie Crombie, a dit souhaiter en savoir plus. À Brampton, un porte-parole du maire a indiqué que Patrick Brown n’avait pas été consulté, mais qu’il était ravi qu’on discute de ce système. Mme Crombie et M. Brown seront tous les deux candidats aux élections d’octobre.

Mais certains conseillers municipaux de Toronto et d’Ottawa se sont prononcés contre ce concept de « maire fort ». Candidate à la mairie et conseillère municipale d’Ottawa, Catherine McKenney a qualifié sur Twitter la proposition de « mouvement anti-démocratique », qui priverait les citoyens et leur représentant au conseil du pouvoir de décision.

À Toronto, le conseiller municipal Mike Layton a déclaré qu’il ne s’agissait pas de John Tory, de politique partisane ou d’efficacité à l’hôtel de ville. « Il s’agit de ce qui pourrait arriver si ce pouvoir tombait entre de mauvaises mains, quelle que soit votre allégeance politique », a-t-il écrit mercredi sur Twitter.

Plus de coalitions ?

En Ontario, les conseils municipaux forment traditionnellement des coalitions sur chacun des enjeux, a rappelé Zack Taylor, professeur agrégé à l’Université Western. Les maires peuvent nommer les présidents des comités, mais sinon, ils disposent d’une voix au conseil comme tous les autres élus.

« Si vous n’avez pas besoin d’utiliser la persuasion pour bâtir des coalitions, vous pouvez simplement agiter des baguettes magiques, soutient le professeur Taylor. Je pense que c’est là le principal argument contre. » D’un autre côté, il est possible qu’un système de « maire fort » conduise à une prise de décision plus rapide à l’hôtel de ville, admet-il.

On ne sait pas, cependant, comment un tel système contribuerait à atténuer considérablement la crise du logement en Ontario, étant donné le pouvoir que le gouvernement provincial exerce dans les décisions de planification, a souligné M. Taylor.

L’intention de M. Ford de légiférer sur les pouvoirs élargis des maires, signalée pour la première fois mercredi par le Toronto Star, précède les élections municipales en Ontario, prévues pour le 24 octobre.

John Tory se présente pour un troisième mandat à la mairie de Toronto. À Ottawa, Jim Watson, maire depuis 2010, a annoncé qu’il ne serait pas candidat. Un porte-parole de M. Watson a déclaré que le maire était en vacances et ne serait pas en mesure mercredi de commenter les intentions de Doug Ford.

En 2018, le premier ministre Ford, défait quatre ans plus tôt par John Tory à la mairie de Toronto, avait réduit de près de moitié la taille du conseil municipal, en pleine campagne électorale dans la métropole.