(Montréal) Québec entend tout mettre en œuvre pour améliorer le sort des Premières Nations et des Inuits.

Le ministre responsable des Affaires autochtones, Ian Lafrenière, a présenté vendredi à Montréal un plan de 141 millions comprenant 52 mesures dans six chantiers, dont l’objectif est d’améliorer le mieux-être social et culturel des Autochtones.

Il s’agit d’une réduction de moitié du nombre de mesures, dans le but de concentrer les efforts sur les besoins prioritaires. « Le plan précédent contenait une centaine de mesures. Nous avons décidé que c’était beaucoup trop », a expliqué le ministre.

Protéger les langues et la culture autochtones

Les chantiers considérés comme prioritaires visent la préservation et la valorisation de la culture et des langues autochtones ainsi que la protection et le soutien des femmes et des enfants autochtones.

Les autres chantiers touchent les conditions socio-économiques et la santé des membres des Premières Nations et, enfin, leur rapport avec la justice et la sécurité publique.

Ian Lafrenière a expliqué être arrivé à ce résultat à la suite de consultations qu’il a menées dans 55 communautés autochtones du Québec.

« Ce que j’ai vu pendant ma tournée, plusieurs choses : premièrement des besoins de logements qui étaient criants dans la majorité des communautés. Deuxièmement, le dossier de la langue et de la culture, pour être bien honnête avec vous, c’est un dossier qui depuis un an est extrêmement présent », a-t-il dit.

La présidente de Femmes autochtones du Québec, Marjolaine Étienne, ainsi que le grand chef de la communauté abénaki d’Odanak, Richard O’Bomsawin, présents pour l’annonce, se sont réjouis du climat d’ouverture et de discussion manifesté jusqu’ici par Québec pour l’élaboration du plan d’action.

Une meilleure communication

« Je crois qu’il y a un peu plus de communication ouverte cette fois-ci, a reconnu le chef O’Bomsawin. Nous avons plus de rencontres, nous nous parlons davantage. De notre côté, même pour notre peuple, nous commençons à avoir l’esprit un peu plus ouvert pour leur permettre de venir nous parler, pour leur dire quels sont les besoins. »

Cette ouverture, a-t-il confié, est en grande partie imputable aux résultats obtenus par le précédent plan quinquennal, malgré une lourdeur bureaucratique que Québec a promis d’alléger. « Dans le dernier plan, personnellement, j’ai vu des résultats. J’ai vu des centres de santé agrandis, j’ai vu des refuges pour femmes être ouverts », a-t-il dit.

« Nous sommes satisfaits du plan. Nous allons mettre des choses de l’avant. On a déjà des idées de projets. Il ne reste qu’à les écrire dans la perspective de pouvoir les déposer et d’avoir des résultats concrets », a pour sa part déclaré Mme Étienne.

Elle a dit espérer « qu’un jour que ça puisse arrêter, celles qui vivent de la discrimination, celles qui vivent de la violence conjugale ».

Un plan sous haute surveillance

Mais elle a aussi averti que l’on garderait Québec à l’œil : « Nous allons être près de ce plan pour s’assurer que les projets aboutissent à des résultats. »

« L’argent, c’est bien, mais ce n’est pas ce qui résout les problèmes, a renchéri Richard O’Bomsawin. Nous l’avons vu à plusieurs reprises dans le passé. Ce qui va résoudre nos problèmes, ce sera de mettre les choses en mouvement. »

Philippe Meilleur, président du Regroupement des Centres d’amitié autochtone du Québec et hôte de la conférence dans les bureaux de Montréal Autochtone, a dit croire que les mesures proposées « sont un pas en avant sur une longue trajectoire vers l’équité, la justice sociale et une relation harmonieuse entre les Québécois et les Autochtones ».

Il n’a pas caché que le gouvernement a du chemin à faire pour réparer les erreurs du passé, particulièrement avec les Autochtones qui ont quitté leur communauté. « Le gouvernement du Québec, avec ses divers ministères et institutions, n’ont pas toujours été des partenaires pour nos nations ou les Autochtones en milieu urbain. C’est une réalité que plusieurs commissions ont clairement énumérée, que le gouvernement et ses institutions ont historiquement négligé nos enjeux ou pire, par la nature de leurs actions, ont contribué directement à la perte de nos cultures ou à la dégradation de nos qualités de vie. »

Incertitude créée par la loi 96

Le ministre Lafrenière s’est par ailleurs engagé à trouver une voie de passage avec les Premières Nations quant à l’application de la loi 96, qui prévoit notamment des obligations en matière d’apprentissage du français et aucune mesure de sécurisation de la culture et des langues autochtones, deux éléments qui ont soulevé l’ire des communautés. M. Lafrenière a fait valoir qu’il reste deux ans avant l’entrée en vigueur de la loi.

« La loi 96 a amené de l’incertitude pour certaines communautés autochtones. Et ce que je lance comme appel aujourd’hui, c’est de travailler ensemble avec les Premières Nations […] dans les prochaines semaines, les prochains mois, pour agir rapidement, trouver des solutions qui sont pragmatiques pour aider à protéger, faire la promotion des langues et des cultures autochtones », s’est-il avancé.

Soulignant que le nombre de jeunes Autochtones qui sont allés aux études supérieures et dont la première langue est l’anglais s’élève à environ « 200 à 300 personnes », il s’est montré confiant de pouvoir trouver « des solutions pour ces gens-là », ajoutant qu’il n’avait aucune intention d’en imposer une.

Richard O’Bomsawin avait cependant pris la peine, dans son allocution, d’envoyer un message au ministre : « La langue, c’est une question de respect et pouvoir parler la langue de son choix est une question de respect. Nous devons apprendre à nous respecter les uns les autres et à marcher côte à côte comme on nous l’a enseigné quand nous étions jeunes. »

Enfin, le ministre a aussi dû se défendre de faire cette présentation dans un esprit électoraliste, soulignant que le plan quinquennal précédent venait à échéance en 2022. « C’était une date qui était pas mal béton, ce n’est pas moi qui l’ai choisie : c’est au bout de cinq ans. Bien malin celui qui pourrait dire que c’est une manœuvre électorale. On arrivait au bout du plan d’action et il fallait le renouveler », a-t-il dit.

Fait à noter, le grand chef de l’Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador (APNQL), Ghislain Picard, était absent pour la présentation du plan et Ian Lafrenière a reconnu que, bien qu’il ait été élaboré en collaboration avec certaines instances de l’APNQL, le plan ne bénéficiait pas du « sceau d’approbation » de M. Picard.