(Québec) Alors que le compte à rebours est commencé d’ici la fin de la session parlementaire, Simon Jolin-Barrette juge qu’il reste assez de temps pour adopter sa volumineuse réforme du droit de la famille. Le ministre de la Justice et les oppositions se lancent désormais des flèches pour réclamer de part et d’autre davantage de collaboration.

Le projet de loi 2, déposé l’automne dernier, touche à une multitude de sujets liés à la filiation et à l’intérêt de l’enfant dans le cadre d’une réforme du droit de la famille qui est réclamée et attendue depuis plus d’une décennie. Cette pièce législative de 360 articles encadre notamment des enjeux comme le recours à la gestation pour autrui et met à jour le Code civil en ce qui concerne la reconnaissance de l’identité sexuelle des personnes trans ou non-binaires.

À l’étude des crédits du volet de la lutte contre l’homophobie du ministère de la Justice, mardi, M. Jolin-Barrette a affirmé à la députée péquiste Véronique Hivon qu’il ne scinderait pas son projet de loi afin de l’adopter avant l’ajournement des travaux parlementaires en juin.

« Je veux qu’on soit clair qu’on est capable d’adopter ce projet de loi d’ici la fin de la législature. Il faut adopter ça », a-t-il dit.

Une course contre la montre

Les partis d’opposition jugent pour leur part que le temps manque afin d’adopter cette réforme. Ils déplorent que le ministre Jolin-Barrette, qui siégeait depuis des semaines à l’étude détaillée d’une autre réforme, celle qui modernise la loi 101 en matière de protection du français, n’ait pas déposé ses amendements au projet de loi 2 pour leur permettre de les étudier.

« Quand il me parle de collaboration des oppositions, moi, j’aimerais parler de la collaboration du ministre. Ses amendements, on aurait pu les avoir depuis longtemps. […] Collaborer ne veut pas dire laisser passer tout ce que le ministre veut », lui a dit mardi Manon Massé de Québec solidaire.

« Quatre semaines, ce n’est vraiment pas assez pour poursuivre avec un débat de la réforme du droit de la famille. […] On s’attend à avoir la collaboration du ministre pour avoir un débat qui va pouvoir être élevé et que tous les sujets soient abordés », a ajouté la députée libérale Jennifer Maccarone.

« Il y a plus de 64 heures de commissions qui sont disponibles, donc si on me dit qu’il n’y a pas assez de temps, c’est vous qui le dites. […] Si vous partez avec l’idée que c’est sûr qu’on ne l’adoptera pas, dites-le-moi tout de suite », a répliqué M. Jolin-Barrette.

Répondre à un jugement de la Cour supérieure

Une partie du projet de loi 2 légifère également sur la question spécifique du genre, devant se conformer au jugement de la Cour supérieure, prononcé par le juge Gregory Moore le 28 janvier 2021, qui rend caducs plusieurs articles du Code civil jugés discriminatoires. Le gouvernement a jusqu’à la mi-juin pour s’y conformer.

Selon cette décision, le Québec doit éliminer toute forme de discrimination portant sur la désignation du genre dans les documents émis par le Directeur de l’état civil. Par exemple, on ne doit plus forcer un citoyen à s’identifier comme homme ou femme.

Dès son dépôt, le projet de loi 2 avait aussi entraîné une levée de boucliers parce qu’il prévoyait qu’une personne voulant changer de sexe légalement devait d’abord passer par le bistouri. Celles qui auraient refusé la chirurgie auraient pu acquérir une double identité de genre et de sexe, donc par exemple, s’afficher de sexe masculin, mais de genre féminin. Devant le tollé de la communauté trans, qui y voyait un « coming-out forcé », le ministre a reculé et s’est engagé à déposer des amendements visant à éliminer l’exigence d’une chirurgie génitale.

Avec Jocelyne Richer, La Presse Canadienne