Au terme de près de 14 ans de vie politique comme députée péquiste de Joliette, Véronique Hivon a annoncé jeudi qu’elle ne solliciterait pas un nouveau mandat aux prochaines élections.

(Québec ) Après avoir mené de front – et bien souvent des banquettes de l’opposition – des combats pour réaliser des réformes majeures, comme celle de l’aide médicale à mourir ou la création d'un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale, Véronique Hivon a annoncé jeudi qu’elle quitterait la vie politique au terme de son mandat. La nouvelle, qui a retenti comme un coup de tonnerre sur la scène politique, a immédiatement suscité un concert d’éloges transpartisan, à l’image de la députée péquiste.

Sereine, mais tout de même sonnée par l’intérêt suscité par son annonce. C’est dans cet état d’esprit que nous avons retrouvé Mme Hivon, lors d’une entrevue qu’elle a donnée à La Presse, jeudi, après sa conférence de presse à l’hôtel Château Joliette, où elle a annoncé son départ à la fin de son mandat actuel. La députée a expliqué qu’elle avait besoin de trouver un nouvel équilibre entre l’action et la réflexion, mais aussi de prendre du recul face à la « bulle » parlementaire, où la succession d’évènements est effrénée. « En quelque sorte, j’ai besoin d’exister en dehors de la politique », a-t-elle dit.

Élue pendant près de 14 ans, Mme Hivon aura passé la majeure partie de sa vie politique active sur les banquettes de l’opposition. À ceux qui ne croient plus qu’il soit possible de changer les choses si on n’est pas élu au sein du parti formant le gouvernement, la députée répond ce qui suit.

La politique, ça fonctionne. La politique, c’est un moteur extraordinaire de changement. C’est pour ça que j’ai envie que les gens soient forts d’un espoir pour la politique, parce que la politique, j’ai fait le test pendant 14 ans, et oui, ça fait une vraie différence.

Véronique Hivon

« La vie de députée est porteuse de sens. Pour quelqu’un qui veut se sentir utile, c’est vraiment un bon choix de carrière. Je le recommande fortement », a ajouté Mme Hivon dans une envolée qui tranche avec d’autres discours, comme celui offert récemment par Catherine Dorion, selon qui l’Assemblée nationale serait une institution dont les cadres sont « passés date » et trop contraignants.

Un départ qui fait mal au PQ

Le départ de Véronique Hivon de la vie politique est un coup dur pour le Parti québécois (PQ), puisque la députée est considérée comme une vedette de sa formation. En décembre dernier, un sondage Léger publié dans Le Journal de Montréal plaçait Véronique Hivon au 14e rang de la catégorie « personnalité politique québécoise de l’année ». Son chef, Paul St-Pierre Plamondon, n’était pas arrivé à se tailler une place.

L’avocate de formation, âgée de 52 ans, quitte également la vie politique alors que le PQ termine pour l’instant au dernier rang des intentions de vote au Québec, avec un maigre 9 %, selon un sondage Léger publié jeudi dans les médias de Québecor. En point de presse, Mme Hivon a toutefois affirmé que son départ n’était pas lié à ces mauvais sondages. Elle reste également militante du Parti québécois et fera du porte-à-porte avec la prochaine candidate péquiste dans la circonscription de Joliette.

« J’ai aimé chaque minute de cette vie politique trépidante, parce que oui, quand on s’investit et qu’on reste fidèle à nous-même, on est capable de changer les choses. […] Personne ne va me faire croire que ce n’est pas possible de faire bouger les choses », a-t-elle ajouté.

Des collègues admiratifs

Porte-parole du troisième groupe d’opposition à l’Assemblée nationale en matière de justice, de soins de fin de vie, d’éducation et pour la famille, Mme Hivon s’est démarquée au cours des quatre dernières années comme une vis-à-vis coriace face au ministre de l’Éducation, Jean-François Roberge, mais aussi face à Mathieu Lacombe, qui pilote une réforme du réseau des services de garde éducatifs à l’enfance.

Avec Christine Labrie, de Québec solidaire, et Marwah Rizqy, du Parti libéral, Véronique Hivon a formé un trio parlementaire impromptu au cours des dernières années avec des passages remarqués en commission parlementaire et au Salon bleu.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Christine Labrie, Marwah Rizqy et Véronique Hivon

« Véronique faisait son travail avec rigueur et cohérence. Elle a toujours partagé avec une grande générosité son expérience des rouages parlementaires et sa connaissance du milieu juridique. Elle savait travailler en équipe et faire des compromis quand il le fallait pour faire avancer une cause, et elle savait aussi être ferme sur ses convictions quand aucun compromis n’était acceptable. Elle a été un modèle pour moi », a affirmé jeudi Mme Labrie.

Véronique Hivon, tous partis confondus, c’est mon coup de cœur. Elle est l’antithèse du cynisme en politique. C’est une femme qui tire tout le monde vers le haut et que j’admire pour son intelligence vive.

Marwah Rizqy, députée libérale de Saint-Laurent

De l’avis de la députée libérale, « les universités en science politique devraient enseigner la méthode hivoniste », a-t-elle dit, ce qui se résume selon elle à « l’art de convaincre sans rabaisser son adversaire et de faire avancer les idées en entraînant les autres sans jamais s’approprier quoi que ce soit ».

« Je pense que c’est deux gages de succès quand on veut faire des réformes substantielles », a ensuite répondu Véronique Hivon à La Presse.

Faire avancer le gouvernement

Au cours des dernières années, la porte-parole péquiste en matière de justice a également été très active afin de pousser le gouvernement à créer un tribunal spécialisé en matière de violence sexuelle et de violence conjugale. Elle a notamment pris part au comité transpartisan qui a remis au gouvernement un rapport costaud de 190 recommandations en décembre 2020 pour « rebâtir la confiance » sur l’accompagnement des victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale.

« J’ai eu l’opportunité de travailler avec Véronique Hivon. C’est une femme brillante et passionnée. Merci Véronique pour ta contribution au service public et bonne chance pour la suite », a souligné jeudi le premier ministre François Legault.

« Véronique Hivon, c’est une grande dame. Une grande dame. C’est une femme de cœur, une femme qui est déterminée et qui a épousé toute sa carrière des causes sociales. […] On sent quand elle prend la parole sur des enjeux qui la touchent toute la passion qui la traverse », a ajouté la cheffe de l’opposition officielle, Dominique Anglade.