(Ottawa) La prise de photos d’un député nu en période de questions, même en format virtuel, constitue une « violation flagrante » du règlement de la Chambre des communes.

C’est ce qu’a dit le président de la Chambre, Anthony Rota, appelé à se prononcer sur le sujet après une demande de rappel au règlement par le leader parlementaire du gouvernement Pablo Rodriguez. M. Rota a offert sa décision à ce sujet après la période de questions, lundi après-midi.

M. Rota a rappelé que la prise de photos pendant les délibérations de la Chambre est « strictement interdite », sauf pour les photographes autorisés.

« Inutile de rappeler aux députés que la nature virtuelle des délibérations de cette Chambre et de ses comités a apporté son lot de changements et a nécessité bien des ajustements de la part de tous et chacun. Toutefois, cela n’affecte en rien le bien-fondé de ladite règle », a-t-il dit.

« Son respect n’a jamais été aussi crucial au moment où les députés participent aux délibérations à partir de leur bureau sur la colline ou dans leur circonscription, voire même de leur résidence », a-t-il poursuivi, précisant que les outils mis à leur disposition ne font « qu’accroître les risques de dérive ».

M. Rota en vient donc à la conclusion que les évènements survenus le 14 avril dernier constituent donc non seulement une « violation flagrante » des règles, mais « un affront à l’autorité et à la dignité de la Chambre des communes et des députés ».

La semaine dernière, le député bloquiste Sébastien Lemire a admis qu’il avait pris une photo de son collègue libéral William Amos, qui se changeait alors que sa caméra était allumée par mégarde, lors de la période des questions. La photo a circulé dans les médias nationaux et internationaux.

M. Lemire, qui est député d’Abitibi-Témiscamingue, a offert ses excuses au député Amos, à sa famille, aux collègues et toutes les autres personnes qu’il aurait pu offenser. Il a ajouté qu’il n’avait « aucune idée » comment la photo qu’il a prise s’est retrouvée dans les médias.

M. Rota estime que l’affaire, en ce qui concerne l’aspect procédural de la question, est close. Mais les libéraux n’ont pas l’intention de lâcher le morceau.

Lors d’une entrevue avec La Presse Canadienne, le whip du gouvernement, Mark Holland, a soutenu que les libéraux comptent exiger des sanctions envers M. Lemire lors de la prochaine réunion du Bureau de régie interne. S’il n’y a pas consensus, il laisse entendre que l’affaire pourrait être traduite en justice.

« J’aurais préféré que la Chambre s’en occupe, mais si la Chambre refuse de prendre ses responsabilités, alors nous allons devoir passer à une prochaine étape. Ce n’est pas acceptable pour nous que ce genre de comportement soit accueilli avec un haussement d’épaules », a-t-il dit.

M. Amos dit qu’il n’exclut aucune option, à ce point-ci, mais insiste sur le fait qu’il veut connaître le fin fond de l’histoire. Il tient à savoir à qui M. Lemire a envoyé cette photo, pour ensuite retracer comment cette photo s’est retrouvée dans plusieurs médias, dont La Presse Canadienne.

« Moi, je ne pourrais pas vivre sans savoir qu’est-ce qui s’est passé », a confié M. Amos lors d’une entrevue avec La Presse Canadienne, lundi soir.

« On ne connaît qu’un seul détail, qui a pris une photo initiale. On ne sait pas avec qui il l’a partagée, pourquoi il l’a partagée, avec qui les autres personnes l’ont partagée, c’est quoi la chaîne de transmission ? Il faut décortiquer tout ce qui s’est passé », a-t-il soutenu.

M. Amos dit que les suites entourant cette affaire n’ont rien à voir avec lui ni avec son « erreur » ; il tente plutôt de se porter en défenseur de l’intérêt public.

« Ça n’a rien à voir avec la politique partisane. On parle d’un sujet beaucoup plus important : de la dignité humaine et la dignité du processus parlementaire. […] Celui qui demande, ce n’est pas William Amos, le député de Pontiac. Celui qui demande, c’est le grand public », a-t-il lancé.

Le Bloc québécois, de son côté, n’a voulu émettre aucun commentaire.