(Québec) Le gouvernement Legault persiste et signe au sujet de l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) qu’il a renvoyé faire ses devoirs. Le premier ministre critique le manque de réalisme de l’organisme « qui accepte toutes les propositions » du Grand Montréal sans en faire un tri.

François Legault, qui participe à la COP26 à Glasgow où il vante justement ses projets de transports collectifs, a rappelé jeudi que la responsabilité de l’ARTM est de prioriser les projets du Grand Montréal, ce qui n’a pas été fait, a-t-il dit.

« On a un plan extrêmement ambitieux avec 55 milliards de projets en transport en commun au Québec pour les dix prochaines années. C’est énorme, c’est du jamais vu. Là, on a l’ARTM qui accepte toutes les propositions de toutes les municipalités du Grand Montréal et ça totalise, juste pour le Grand Montréal, 57 milliards. Ce n’est pas sérieux », a déploré le premier ministre en mêlée de presse.

« Le travail de priorisation n’a pas été fait. [L’ARTM], en bon français, ce n’est pas une boîte à malle. Elle doit avoir la responsabilité de prioriser. »

La Presse révélait jeudi que le gouvernement Legault a refusé le plan de l’ARTM en lui reprochant notamment l’absence de « priorisation » dans une longue et coûteuse liste de projets estimés à 57 milliards.

Transport collectif et Grand Montréal : où s’en va-t-on ?

Les critiques de Québec rejoignent en partie celles émises par les sociétés de transport de la région (STM, STL, RTL et exo) qui dénoncent plusieurs « dédoublements » entre leur travail et celui de l’ARTM, une lourde « bureaucratie » et un manque de transparence.

Le gouvernement a sommé l’ARTM de faire une « priorisation » dans sa liste de projets et de lui présenter un cadre financier plus précis. C’est le sous-ministre des Affaires municipales, Frédéric Guay, qui a envoyé à l’agence cet avis de non-conformité.

Questionnée pour savoir si l’on doit réviser cette structure à la lumière des critiques, la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, a laissé entendre que le sort de l’agence dépend de la nouvelle version du plan que celle-ci lui présentera. « C’est après ça qu’on va pouvoir se positionner », a-t-elle répondu lors d’un bref entretien avec La Presse jeudi. « Au niveau du financement, ça nous prend des bonnes réponses. Et là, on n’avait pas vraiment les bonnes réponses au niveau du financement. »

Pour la ministre déléguée aux Transports, responsable de la région de Montréal, Chantal Rouleau, « il peut y avoir un travail à faire » pour réviser cette structure. « Comment ça pourra être transformé ? Je ne sais pas » pour l’instant, a-t-elle répondu.

Elle a ajouté que le gouvernement « verra s’il y a des modifications » à faire à sa loi constitutive adoptée en 2016. Chose certaine, la ministre Rouleau considère que l’Agence est « essentielle ». « Mais il faut qu’elle soit efficace et joue son rôle convenablement, que les sociétés de transport y adhèrent », a-t-elle dit, rappelant que l’Agence « est encore relativement jeune ».

« L’ARTM est consciente des critiques et veut travailler pour améliorer le climat ». Elle a noté que dans la foulée des élections municipales, « il y a de nouveaux élus qui vont arriver et il va y avoir de nouvelles discussions qui vont se faire » autour de la table de l’ARTM.

Un modèle à revoir, selon le PQ

Selon le Parti québécois, il faut remettre en question « le modèle au complet » actuel qui est devenu « ingérable » alors que les instances « ne se comprennent plus ».

« Il n’y a aucun pilote dans l’avion depuis qu’on a décidé de privatiser les décisions en matière de transport collectif », a lancé le chef Paul St-Pierre Plamondon.

« On veut remettre en question le modèle au complet à savoir que les transports collectifs, ça doit être fait en fonction de la fluidité des transports et le besoin de nos citoyens et non pas des profits de la Caisse. C’est indéfendable comme modèle », a-t-il ajouté en mêlée de presse, jeudi.

Québec solidaire estime plutôt que Québec devrait donner à l’ARTM « les coudées franches » alors que le gouvernement « lui a toujours mis des bâtons dans les roues » pour réaliser son travail.

« Ça nous montre exactement l’attitude de la CAQ face aux transports en commun, quand il s’agit d’avoir un troisième lien, d’élargir des autoroutes et que ça coûte des milliards… Aucun problème : l’argent est là et on ne pose pas de questions, c’est facile. Mais, quand il s’agit de développer des projets de transports en commun, que l’ARTM fait son travail […] on devient vraiment tatillonneux et pendant ce temps, nos projets de transport en commun stagnent », a déploré la députée Ruba Ghazal.

Les libéraux estiment pour leur part que la demande du gouvernement de renvoyer l’ARTM faire un travail de priorisation est une « demande légitime ».

« Mais, là où le travail de l’ARTM se complique, c’est quand le gouvernement vient jouer dans sa priorisation et le gouvernement ne s’est pas gêné au fil des dernières années pour dire qu’il avait des projets chouchous, des projets préférés qui devaient passer en haut de la liste », a indiqué le député libéral, André Fortin.

Avec Hugo Pilon-Larose et Tommy Chouinard