(Québec) Le PDG d’Air Canada Michael Rousseau a soulevé un tollé à Québec avec ses déclarations sur la langue française. Le PLQ et QS demandent sa démission, et le PQ réclame la suspension d’une aide publique de 6 milliards du transporteur aérien.

« Il faudrait qu’il quitte, qu’il démissionne », a lancé la députée solidaire Ruba Ghazal en point de presse à l’Assemblée nationale.

Mme Ghazal a fait un lien direct avec son histoire personnelle. « Quand je suis arrivée au Québec, je ne parlais pas le français, ma famille ne parlait pas le français, comme beaucoup, beaucoup d’immigrants. Mais ils l’ont fait, l’effort », a-t-elle lancé. « Il est là depuis longtemps, il nous dit que des membres de sa famille parlent le français, il ne le parle pas. Juste cette attitude-là est un symbole du monde des affaires », a-t-elle ajouté.

La députée libérale Marwah Rizqy lui fait écho. Sa mère « travaillait le jour, et le soir, elle suivait des cours de français ». Un PDG multimillionnaire devrait être capable de faire le même effort, a-t-elle souligné.

Son parti réclame aussi le départ de M. Rousseau et veut que l’entreprise soit soumise à la loi 101. « [M. Rousseau] s’est montré indigne de sa fonction, il a démontré un mépris pour tous ceux au Québec qui prennent le temps d’apprendre le français à leur arrivée », a lancé le leader parlementaire libéral André Fortin.

Au Parti québécois, on juge que le problème est plus profond que la simple attitude de Michael Rousseau.

PHOTO JACQUES BOISSINOT, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Pascal Bérubé

Des gars comme Mike Rousseau, il y en a plein, à Montréal, et le message qu’il envoie [avec ses déclarations de mercredi] est épouvantable. Ça envoie le message aux nouveaux arrivants que c’est possible de faire sa vie en anglais à Montréal.

Pascal Bérubé, député péquiste

Il demande la suspension de l’entente de 6 milliards entre le gouvernement canadien et l’avionneur. « Quand vous serez respectueux du bilinguisme du fait français au Québec, vous aurez l’argent », a lancé Pascal Bérubé.

Les excuses de M. Rousseau l’ont choqué davantage puisque l’entreprise, dit-il, ne fait pas la distinction entre langue d’usage et langue officielle. « Je pense qu’ils font exprès. […] Même dans les excuses, ils réussissent à me fâcher. […] Langue d’usage… il y a des gens qui parlent français, comme si on était une peuplade folklorique qui s’adonne à parler le français un peu plus loin que le siège social d’Air Canada », a-t-il tonné.

Le chef péquiste Paul St-Pierre Plamondon a ajouté que la loi 101 devait absolument s’appliquer aux entreprises à charte fédérale, comme Air Canada. « Mike Rousseau va parler français quand la loi 101 va s’appliquer à Air Canada », a-t-il dit.

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) a également dénoncé les propos de M. Rousseau et exige son départ. « Comment un individu de ce genre, qui occupe un des postes les plus prestigieux au pays, peut ainsi s’essuyer les pieds sur toute une population qui le fait vivre […] Cette condescendance est inacceptable. Monsieur Rousseau n’est plus la bonne personne pour occuper ce poste et, si le conseil d’administration d’Air Canada a un peu d’honneur, il doit virer cet individu », dénonce le secrétaire général Denis Bolduc.

Pour le Quebec Community Groups Network aucune excuse officielle ne peut effacer les « dommages » causés par le PDG d’Air Canada envers la communauté anglophone du Québec. La présidente du groupe, Marlene Jennings, estime que les propos de M. Rousseau nourrissent le « mythe » que les Québécois d’expression anglaise sont une minorité privilégiée indifférente au fait français. « Son attitude ne reflète tout simplement pas les valeurs de notre communauté », a-t-elle dit. Elle demande un plan d’action d’Air Canada pour respecter la loi sur les langues officielles.

La mairesse de Montréal, Valérie Plante, a qualifié la méconnaissance du français de M. Rousseau de « déplorable », jeudi au cours d’un point de presse. « Les Montréalais s’attendent à ce que les grands chefs d’entreprises qui ont un siège social à Montréal puissent s’exprimer en français », a-t-elle fait valoir.

Les troupes de Denis Coderre ont aussi réagi en fin d’après-midi. « Au-delà des excuses et communiqués, M. Rousseau doit agir et apprendre le français. Sa méconnaissance à l’égard de notre langue officielle démontre tout le chemin qui nous reste à faire pour la protection et la valorisation de notre langue commune. Il est inadmissible que M. Rousseau ait pu vivre 14 ans dans la métropole sans en apprendre les rudiments », a déploré le conseiller sortant de Saint-Sulpice, Hadrien Parizeau.

Avec la collaboration d’Isabelle Ducas et Henri Ouellette-Vézina, La Presse