Le PDG d’Air Canada Michael Rousseau a offert ses excuses jeudi après avoir déclaré qu’il n’avait pas le temps d’apprendre le français. Mais en qualifiant le français de « langue d’usage au Québec », il a irrité davantage le gouvernement Legault, qui surveillera ses progrès linguistiques lors de ses prochains discours.

M. Legault, qui s’est dit plus tôt en journée « en colère » contre M. Rousseau (voir plus bas dans le texte), a souligné que le français n’est pas une langue « d’usage », mais la langue officielle du Québec, une distinction que le grand patron d’Air Canada ne paraît pas connaître. « Il semble que non, donc je pense qu’il y a encore un peu d’éducation à faire. […] Je suis content de voir qu’il a présenté ses excuses et qu’il nous dit qu’il va apprendre le français. On va suivre ça. […] Je suis un gars de résultats, on va voir à quelle vitesse il va apprendre le français et si ça va paraître dans ses prochaines allocutions », a déclaré M. Legault, en mission au sommet des Nations unies sur le climat à Glasgow.

Son ministre responsable de la Langue française, Simon Jolin-Barrette, a également souligné l’impair. « M. Rousseau fait référence à la langue d’usage au Québec, [que] c’est le français. Ce n’est pas juste la langue d’usage au Québec le français, c’est la langue officielle du Québec. […] Je l’invite à faire un examen de conscience, très profondément, et à réfléchir dans le cadre des fonctions qu’il occupe de la nécessaire nécessité d’apprendre le français et de bien le maîtriser », a-t-il indiqué lors d’une mêlée de presse à l’Assemblée nationale.

Mercredi, en marge d’une allocution devant la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), M. Rousseau avait expliqué avoir été capable de vivre dans la région de Montréal depuis 2007 sans apprendre le français, et que c’était « à l’honneur de la ville ».

Sa déclaration a suscité une avalanche de critiques. En milieu de journée, dans une déclaration écrite, il a tenté de rectifier le tir. « Je présente mes excuses à ceux que mes propos ont offensés. Je tiens à clarifier que je ne voulais d’aucune façon manquer de respect à l’égard des Québécois et des francophones de tout le pays. […] Je m’engage aujourd’hui à améliorer mon français, langue officielle du Canada et langue d’usage au Québec », a-t-il affirmé.

Legault « en colère » interpelle le C.A.

Pour François Legault, qui fait de la protection et de la valorisation du français une priorité cet automne avec l’étude du projet de loi 96 modernisant la Charte de la langue française, les déclarations faites mercredi par Michael Rousseau sont inacceptables. Il demande au conseil d’administration d’Air Canada d’agir. « C’est inqualifiable et ça me choque », a-t-il tonné.

Selon le premier ministre, l’attitude du patron d’Air Canada est insultante pour les salariés de la société. « Je me mets à la place des employés d’Air Canada et je ne serais pas fier de mon président », a-t-il dit. Pour François Legault, ce nouvel incident linguistique à Montréal est la preuve qu’il faut réaffirmer que la langue officielle du Québec est le français.

Mais son projet de loi sera-t-il utile pour prévenir une telle situation à l’avenir ? Comme compagnie aérienne, Air Canada est assujettie à la Loi sur les langues officielles fédérale, et non à la Charte de la langue française.

Réfléchir à son avenir

C’est ce que croit le ministre Simon Jolin-Barrette, qui affirme que sa réforme permettrait de franciser la haute direction d’Air Canada. Le ministre a même invité M. Rousseau à réfléchir à son avenir comme PDG de l’avionneur. « Il est venu insulter, mépriser tous les Québécois. […] Il doit réfléchir profondément au rôle qu’il occupe dans cette compagnie-la. C’est indigne de ses fonctions », a-t-il dénoncé au matin.

Il estime que M. Rousseau « a fait la démonstration hier qu’il est indigne de ses fonctions ». « Ce n’est pas normal que le patron d’un siège social à Montréal ne puisse pas communiquer avec ses employés en français au Québec. Les Québécois ont le droit de travailler en français. […] », a-t-il dit.

Il y a 12 administrateurs au conseil d’Air Canada, dont le siège social se trouve à Montréal. Son président depuis mai 2007, Vagn Sorensen, est établi à Londres, au Royaume-Uni. Neuf des membres habitent à l’extérieur du Québec. Quatre de ceux-ci se trouvent à l’étranger (Californie, New York, Nouvelle-Zélande et Royaume-Uni).

La firme d’investissement ETQ Partners, où M. Soerensen agit à titre de conseiller, a dirigé les questions envoyées par La Presse au président du conseil d’Air Canada vers le transporteur aérien. Les deux autres administrateurs établis au Québec, Madeleine Paquin, présidente et chef de la direction de Logistec, et Jean-Marc Huot, associé au cabinet d’avocats Stikeman Elliott, n’ont pas répondu aux courriels de La Presse.