Si la tendance se maintient, trois des cinq plus grandes villes du Québec seront dirigées par de jeunes trentenaires le 8 novembre prochain. Une réalité inédite qui risque de transformer les priorités du monde municipal québécois. La Presse a rencontré ces milléniaux aspirants maires.

Maude Marquis-Bissonnette (candidate à Gatineau), Stéphane Boyer (Laval) et Catherine Fournier (Longueuil) étaient toujours à l’école lors des fusions municipales de 2002. Ils venaient tout juste d’obtenir le droit de vote lorsque tout le Québec parlait de corruption et de collusion, en 2009.

Le trio s’estime maintenant prêt à gérer des municipalités qui comptent des milliers d’employés et des centaines de milliers d’habitants. Et ils mènent tous trois dans les sondages.

« On est vraiment une nouvelle génération », fait valoir Maude Marquis-Bissonnette. « Je le disais à la blague, mais on n’est pas la vieille gang. On est guidés par des idéaux de changement, on se rejoint tous là-dessus. » Avec l’urgence climatique tout en haut de la liste des priorités à attaquer. « Et la meilleure façon de le faire a été pour nous de nous tourner vers le palier municipal », précise-t-elle.

Charbonneau comme baptême politique

Les trois jeunes trentenaires (ou quasi-trentenaire dans le cas de Catherine Fournier, 29 ans) ont observé de loin, il y a 10 ans, la descente aux enfers du milieu municipal, avec arrestations de maires en série et révélations-chocs.

« On a été socialisés politiquement à une époque où ces enjeux [éthiques] étaient d’actualité », explique Catherine Fournier, qui se rappelle l’« omniprésence » des scandales.

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Catherine Fournier

« Probablement que ça a contribué au fait que ça n’a pas été un réflexe pour moi, la politique municipale », dit-elle, attablée dans les locaux de La Presse avec ses deux collègues.

Voir des gens de qualité de la nouvelle génération prendre la relève dans les municipalités, ça montre qu’on a peut-être tourné la page de ce chapitre.

Catherine Fournier, candidate à la mairie de Longueuil

Pour Stéphane Boyer, au contraire, ce fut la bougie d’allumage de son implication politique municipale aux côtés du maire Marc Demers, en 2013. « Mon éveil politique s’est fait avec la commission Charbonneau. » Il se rappelle son dégoût face au système Vaillancourt : « C’était fâchant, c’était horrible, c’était inacceptable. » « Je suis un gars de Laval, alors ça m’a interpellé. Je suis allé au conseil de ville et, de fil en aiguille, j’en suis venu à m’impliquer », explique-t-il.

Écolos, mais sans brusquer

Même si elle n’a qu’un mandat de conseillère municipale derrière la cravate à Gatineau, Maude Marquis-Bissonnette a déjà vu deux grandes inondations et une tornade s’abattre sur sa ville. C’est ce qui l’a convaincue que l’urgence climatique devrait être au centre de l’engagement des élus de sa génération. Catherine Fournier et Stéphane Boyer sont d’accord.

« À Gatineau, nous autres, on connaît ça, les changements climatiques. […] Les gens ont beaucoup associé le palier municipal aux changements climatiques » en raison de la présence du maire Pedneaud-Jobin sur le terrain lors des sinistres, avance Mme Marquis-Bissonnette.

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Maude Marquis-Bissonnette

Les villes sont responsables de 50 % des émissions de gaz à effet de serre et elles sont capables de mettre en place des solutions.

Maude Marquis-Bissonnette, candidate à la mairie de Gatineau

Les trois candidats cherchent tout de même à prendre la tête de municipalités essentiellement constituées de quartiers de bungalows, où l’automobile est au centre de la vie quotidienne. Les trois ne se proposent pas une rupture radicale, mais insistent plutôt sur l’importance de convaincre. Et de densifier leurs villes.

À Gatineau, un projet de tramway allant jusqu’à Ottawa est sur les rails. « Il va falloir amener les gens dans cette transition-là et y arriver », a fait valoir la candidate locale, qui dit recevoir « beaucoup plus de courriels » pour appuyer le projet que pour se plaindre des nids-de-poule.

« C’est sûr qu’avec des quartiers de maisons unifamiliales, c’est difficile d’avoir une offre très régulière, très fréquente. C’est là qu’il faut se creuser les méninges », explique le Lavallois Stéphane Boyer, qui croit comme ses collègues que l’offre n’est pas suffisante en ce moment pour convaincre une masse critique de travailleurs lavallois de se tourner vers les transports en commun.

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Stéphane Boyer

« Des solutions concrètes, pratiques, applicables à court terme »

Mme Fournier caracole en tête des sondages à Longueuil, malgré la candidature de Jacques Létourneau, qui arrive pourtant de la présidence de la CSN. Les deux autres jouissent d’une avance plus modeste après avoir été désignés comme dauphins politiques par les maires de Gatineau et de Laval.

Il faut dire que malgré leur âge, ces aspirants maires ne sont pas des nouveaux venus en politique. Mais « il a fallu se bâtir une crédibilité et se faire respecter », dit Maude Marquis-Bissonnette, la plus récemment arrivée en politique du trio – elle a été élue au conseil municipal en 2017. Stéphane Boyer siège depuis huit ans à celui de Laval, alors que Catherine Fournier a été élue députée en 2016.

Cette dernière dit avoir réalisé à l’Assemblée nationale qu’elle pourrait peut-être avoir un impact plus direct sur la société en étant élue à un ordre inférieur de gouvernement.

« Il y a beaucoup d’enjeux mondiaux ou transnationaux qui trouvent des solutions très, très concrètes au niveau local », complète Maude Marquis-Bissonnette. « C’est ça qui m’intéresse : avoir des solutions concrètes, pratiques, applicables à court terme. Et ça, on trouve ça dans les villes. »

Cette vision optimiste du monde municipal, les trois aspirants aimeraient qu’elle se transmette aussi à leurs concitoyens, particulièrement aux jeunes. Le travail est bien commencé, à leur avis : la pandémie – avec le télétravail et l’impossibilité de voyager – a permis aux citoyens de réapprivoiser leur voisinage, leur communauté.

Pendant ses études à Montréal, on le taquinait souvent parce qu’il venait de Laval, raconte Stéphane Boyer, qui aimerait que « les jeunes Lavallois puissent être fiers de leur ville » et considère que les choses s’améliorent.

Même chose sur le bord de la rivière des Outaouais. « Il y a quelque chose qui se passe à Gatineau, a affirmé Mme Marquis-Bissonnette. C’est difficile à expliquer parce que c’est assez intangible, mais il y a une fierté grandissante de dire qu’on vit à Gatineau. »

9 %

À peine 9 % des candidats aux prochaines élections municipales ont moins de 35 ans.

58 ans

C’est l’âge moyen des aspirants maires en vue des prochaines élections municipales.

Source : ministère de l’Habitation et des Affaires municipales