(Ottawa) Mike Morrice a probablement été la seule surprise réjouissante de la funeste campagne du Parti vert. Il a réussi là où Annamie Paul a échoué, devenant le premier candidat à se faire élire sous cette bannière en Ontario. Il écarte, pour le moment, l’idée de se lancer dans la course à la direction et, contrairement à sa collègue de caucus Elizabeth May, il n’a pas une litanie de reproches à adresser à Mme Paul – qui est toujours cheffe.

L’entrepreneur vert de 37 ans a remporté l’élection dans la circonscription de Kitchener-Centre avec une confortable avance de 5335 voix (34,9 %). Il a eu la main plus heureuse que l’ex-élu vert Paul Manly, battu en Colombie-Britannique, et que la cheffe du parti, Annamie Paul, arrivée en quatrième position à Toronto-Centre avec 8,6 % des suffrages. Il siégera à Ottawa avec une seule autre verte, Elizabeth May, qui a conservé son siège.

« En 2019, nous avons cogné à environ 45 000 portes, et je suis arrivé deuxième. Cette année, nous avons poursuivi sur le même élan », dit-il en entrevue avec La Presse.

Ce n’est pas un travail très glamour, cogner aux portes en plein mois d’août, dans la chaleur et l’humidité, mais des centaines de personnes ont fait ça pour moi, et je leur dois beaucoup.

Mike Morrice, élu du Parti vert dans la circonscription de Kitchener-Centre

N’empêche, il ne s’agit pas là d’un mince exploit pour le porte-couleurs d’un parti qui a passé l’essentiel des mois précédant le scrutin à s’entredéchirer sur la place publique et qui a récolté 2,3 % des voix au pays. Mike Morrice estime-t-il être dans la catégorie de ces – rares – candidats élus pour leur personne plutôt que pour leur affiliation ? « Je vais laisser ça aux commentateurs. Mais mes valeurs sont vertes », affirme-t-il.

Les déboires du député sortant libéral, Raj Saini, ont aussi pu contribuer à sa victoire. Il a renoncé à sa candidature, début septembre, après que des allégations d’inconduite de nature sexuelle à l’endroit d’une ancienne membre de son personnel ont fait surface. Il était alors trop tard pour retirer son nom des bulletins de vote. M. Saini a terminé en quatrième place.

Mike Morrice cite parmi ses chevaux de bataille la crise climatique, le logement social et les soins de santé pour aînés. Toujours, il promet de les défendre avec « respect » – pas comme chef du Parti vert, cependant. « C’est flatteur comme question, mais vous savez, quand Mme Paul a annoncé démission, je suivais ma formation d’orientation à Ottawa. Je veux me concentrer sur mon rôle de député, à tout le moins, pour le moment », plaide-t-il.

Ce jour-là, le 27 septembre, il a été le seul député du caucus vert à se prononcer sur le départ de la dirigeante – Elizabeth May est restée muette. « Le soutien d’Annamie a été incroyable. Elle est venue à Kitchener quelques jours avant l’élection », offre-t-il en ajoutant que, de manière plus large, « l’apparition sur la scène fédérale de la première femme noire, juive, en a inspiré d’autres à s’impliquer », et qu’il « respecte sa décision de partir ».

Annamie Paul toujours aux commandes

Dans les faits, le Parti vert est encore dirigé par l’avocate de formation. Le 27 septembre passé, elle a annoncé le déclenchement d’un processus de démission, ce qui n’équivaut pas à sa démission pure et simple. Annamie Paul a donc, et jusqu’à nouvel ordre, encore la mainmise sur le parti, a décrié sa prédécesseure, Elizabeth May, récemment sortie d’un long mutisme.

PHOTO CHRIS HELGREN, ARCHIVES REUTERS

Annamie Paul annonçant le déclenchement d’un processus de démission, le 27 septembre dernier

« En dépit de son annonce de départ, en vertu de son contrat, Mme Paul est toujours en contrôle de toutes les communications du parti », a souligné Mme May dans une lettre ouverte parue le 3 octobre dernier dans le Toronto Star, où elle écrit aussi qu’on lui avait demandé de ne pas s’exprimer dans les médias à partir du moment où sa successeure avait pris le contrôle, ce qu’elle avait accepté de faire jusqu’à la publication de ce texte.

Le président de l’aile québécoise du parti, Luc Joli-Cœur, ne comprend pas pour quelle raison le contrôle demeure entre les mains de la cheffe démissionnaire.

Même si elle est encore, techniquement, la dirigeante, elle devrait se faire retirer toute autorité sur le personnel et les communications. La situation est absurde.

Luc Joli-Cœur, président de l’aile québécoise du Parti vert

Selon ce qu’on chuchote dans les coulisses vertes, des négociations contractuelles sont en cours pour fixer les modalités du départ d’Annamie Paul. Celle-ci demanderait qu’on lui rembourse des sommes qu’elle a déboursées dans une poursuite judiciaire contre le Parti vert au moment où son leadership était en péril – la formation a aussi dû dépenser pour payer des honoraires d’avocat afin de se défendre.

L’entourage d’Annamie Paul n’a pas répondu aux questions de La Presse.

Quel chef pour l’avenir ?

Peu importe, la formation devra se trouver un nouveau pilote. Idéalement, d’ici peu, puisque le gouvernement Trudeau est minoritaire.

La lutte a été serrée dans la course à la direction du Parti vert en 2020. Plusieurs visions s’y opposaient, et les militants ont dit non au virage « écosocialiste » que caressaient des candidats comme Dimitri Lascaris, qui a été défait par Annamie Paul au huitième tour de scrutin.

Qu’en dit Mike Morrice ?

Il n’aime pas trop les étiquettes.

Il s’en remet aux militants disséminés d’un bout à l’autre du pays. « Je pense qu’ils auront des discussions au cours des prochains mois. Il faut voir ce qui a bien fonctionné et là où on peut faire mieux. Je compte y participer, mais c’est à eux de le voir. »

Mike Morrice a bénéficié pendant sa campagne de l’appui du tout premier député vert élu en Ontario, le chef du Parti vert de l’Ontario, Mike Schreiner. Ce dernier représente à Queen’s Park la circonscription provinciale de Guelph, à environ 30 minutes de Kitchener.

34,9 % : Proportion des votes pour Mike Morrice en 2021
26 % : Proportion des votes pour Mike Morrice en 2019

Source : Élections Canada