(Ottawa) Les ministres afghanes ont demandé de l’aide aux politiciens canadiens – et les ont mis en garde contre les atrocités et l’érosion des droits des femmes – deux mois avant que les talibans ne prennent le contrôle de Kaboul.

En juin, des ministres afghanes ont supplié le Canada de « faire quelque chose pour nous » alors que les talibans progressaient, a déclaré une sénatrice canadienne qui a participé à une vidéoconférence entre des politiciens canadiens et afghans.

La demande désespérée a été faite lors d’une réunion Zoom du Groupe d’amitié parlementaire Canada-Afghanistan, à laquelle ont assisté des ministres, des députés et des sénateurs canadiens.

En juillet, l’ambassadeur d’Afghanistan au Canada a informé le groupe des brutalités, notamment des meurtres ciblés et des mesures visant à opprimer les femmes, alors que les talibans s’emparaient d’une plus grande partie du pays.

L’ambassadeur Hassan Soroosh a fait un compte rendu percutant de l’avancée des talibans, tuant des femmes et des religieux qui étaient en désaccord avec leur interprétation de l’islam, a soutenu la sénatrice Salma Ataullahjan, la coprésidente du groupe d’amitié parlementaire.

Mme Ataullahjan a affirmé que l’ambassadeur Soroosh a également raconté comment les talibans ont publié des déclarations ordonnant aux chefs religieux locaux de dresser des listes de filles célibataires âgées de plus de 15 ans et de veuves âgées de moins de 45 ans, afin qu’elles puissent être mariées aux dirigeants talibans.

Mme Ataullahjan, qui a assisté aux deux réunions, a décrit comment les femmes ministres afghanes « n’arrêtaient pas de nous dire : « faites quelque chose pour nous ». »

Elle a déclaré que la réunion de juin – où les ministres du cabinet canadien étaient présents – avait sonné l’alarme et elle a soutenu que le Canada aurait dû agir plus tôt pour évacuer les Afghans vulnérables.

La sénatrice a déclaré qu’elle prévoyait de faire une déclaration lorsque les travaux du Parlement reprendront et de presser le gouvernement libéral d’expliquer pourquoi il n’avait pas agi plus rapidement.

Elle a dit que bien que le comportement des talibans n’a pas été surprenant, les réunions ont montré « l’urgence » de la situation.

« Celle de juin a été la plus importante parce que les femmes (ministres) étaient très inquiètes – vous pouviez le constater. Il y avait urgence. Nous entendions dire qu’ils craignaient de tout perdre – tous ces progrès (sur les droits des femmes). Ils ont dit « faites quelque chose pour nous ». Il y avait ce sentiment de désespoir. J’étais vraiment, vraiment inquiète », a déclaré la sénatrice.

« Lors de la réunion avec l’ambassadeur en juillet, nous avons reçu un résumé très, très complet. L’ambassadeur a décrit les exécutions qui avaient lieu, des (personnes) visées », a-t-elle ajouté.

L’ambassadeur n’était pas disponible pour commenter.

En juin, les talibans contrôlaient près d’un tiers de l’Afghanistan et avançaient rapidement. Ils ont pris le contrôle de Kaboul, la capitale, le 15 août, alors que l’armée américaine se retirait d’Afghanistan après deux décennies dans le pays.

Le Canada a été critiqué pour ne pas en faire suffisamment pour aider les Afghans et les Canadiens qui voulaient fuir le pays.

En juillet, le Canada a élaboré des plans pour évacuer les interprètes qui ont aidé les Forces armées canadiennes. Au total, l’armée canadienne a aidé à évacuer plus de 3700 personnes de Kaboul sur une période de plusieurs semaines avant de se retirer à la fin du mois d’août. Le gouvernement libéral s’est également engagé à relocaliser 40 000 réfugiés afghans.

Mme Ataullahjan, une pachtoune qui a grandi au Pakistan, mais qui avait l’habitude de visiter Kaboul alors qu’elle était encore enfant, a déclaré que davantage aurait dû être fait après que les avertissements aient été entendus.

La réunion du 14 juin du groupe d’amitié a également réuni Maryam Monsef, alors ministre des Femmes, Deborah Schulte, alors ministre des Aînés, ainsi que des députés et sénateurs, selon Mme Ataullahjan et son assistante parlementaire, Ayah Stretch.

Lors de la réunion du 29 juillet – quelques semaines seulement avant la prise de Kaboul par les talibans – l’ambassadeur d’Afghanistan a fait « des comptes-rendus horribles sur ce qui se passait » alors que les talibans avançaient, selon Mme Stretch. Elle a fourni à La Presse Canadienne ses notes sur la réunion de juillet et a déclaré que la réunion de juin avait démontré à quel point la situation devenait grave pour les Afghans.

« Les femmes ministres afghanes lors de notre appel sur Zoom nous disaient qu’une crise allait se produire », a-t-elle mentionné en entrevue.

« Ils nous disaient à quel point la situation était mauvaise. C’était le signal d’alarme. Nous savions à l’époque que nous devions agir rapidement. Nous savions ce que les talibans faisaient il y a des années – c’était décevant d’entendre qu’ils le faisaient à nouveau. »

Le porte-parole d’Affaires mondiales Canada John Babcock a déclaré qu’Ottawa « reste engagé envers l’Afghanistan et le peuple afghan et nous continuerons de faire tout notre possible pour les soutenir ».

Le Canada n’a pas l’intention de reconnaître les talibans à titre de gouvernement de l’Afghanistan, a-t-il ajouté.

« Les talibans restent une entité terroriste répertoriée en vertu de la loi canadienne. Si les talibans choisissent d’ignorer les droits humains fondamentaux – les droits des femmes, des filles et des groupes minoritaires – ils devraient s’attendre à un isolement international. »

« Nous reconnaissons que les femmes afghanes se sont battues avec acharnement pour faire valoir leurs droits et qu’elles méritent le soutien continu de la communauté internationale », a-t-il affirmé.